Le col de la Bonette
1-Ubaye en Provence
La vallée de l'Ubaye se situe à l'extrémité orientale de la Haute Provence . Elle tire son nom de la rivière alpine qui la traverse sur 8O kilomètres depuis le col du Longet.
C'est que nous sommes bel et bien dans les alpes, entourés de hauts sommets qui dépassent facilement les 3000 mètres ( L'Aiguille de Chambeyron culmine à 3412 m) .
Mais ces alpes sont les alpes de Haute Provence, c’est à dire les alpes du sud qui présentent toutes les influences méditerranéennes.
On se sent ici dans une zone frontière, une sorte de jonction entre deux mondes ; mais l'olivier y cède le pas aux petites fleurs vives des montagnes alpines.
A propos de la vallée de l' Ubaye, Giono parle de la " vallée sévère "ou " beaucoup de peine et beaucoup de travail d'une eau très claire... ont tranchés dans des monts
sourcilleux et abrupts ".
Classiquement, on divise la vallée en trois : -la Basse-vallée jusqu'à Barcelonette
-la Moyenne-vallée jusqu'à Jausiers
-la Haute-vallée, au delà.
Mais, à la sortie de Jausiers , une route (ouverte quatre mois par an) va grimper pour vite surplomber le village Ubayien et sa vallée.
C'est la route de la Bonette (Restefond) qui va nous hisser à 2802 mètres dans un paysage grandiose ; reliant ainsi la vallée de l'Ubaye à la vallée de la Tinée,
dans les Alpes-Maritimes.
En Haute Provence, l'aventure est au bout d'une route départementale !
2-Une route d'exception dans les Alpes d'Azur
La route départementale 2205 du col grimpe sur 23,8 kms jusqu'à la cime de la Bonette. Cette route asphaltée présente toute une série de virages en épingles, de replats et
de pentes allant jusqu'à douze % !
Une route classique de montagne certes, mais dans un environnement exceptionnel.
Ce qui l'emporte c'est la présence de la nature : la route n'apparaissant que comme une autorisation donnée à cette découverte.
Et ce que l'on découvre c'est une nature qui développe de la grandeur et de l'immensité en élevant les sens et l’esprit.
On a alors l'impression d'être unique dans une nature première ou chaque instant est un instant de vérité.
Le spectacle est donc étonnant et saisissant, surtout lorsqu'on vient pour la première fois et qu'on songe être en Provence. Au fur et à mesure de la lente ascension, le paysage
parait développer toute sa grandeur, surtout lorsque l'altitude va raréfier la végétation. C'est alors une succession de vastes étendues de pelouses alpines, de mamelons et
d'éboulis qui s'étalent à n'en plus finir.
Mais ce qui est le plus saisissant c'est l'omniprésence de l'eau qui dégringole au milieu des prairies, apportant sa pureté dans un chant limpide.
Au printemps, la combinaison des sommets enneigés, de l'eau cristalline qui en descend, de l'air pur, et des vastes prairies sous un ciel d'azur est magique.
Immergé dans ce monde alpin de silence et de pureté et pour peu qu'on ait la chance d'assister aux jeux des marmottes dans leur cour de récréation, on devine en quelque sorte
la clé de cette découverte par le col de la Bonette.
Cet enchantement réveille en nous, par osmose avec la grandeur du paysage, un rêve d'une autre vie plus vrai et plus libre.
3-Situation et historique
A-Les atouts géographiques
Nous voici donc au sommet du col.
La route de la Bonette est souvent considérée comme la plus haute d'Europe.
En fait, il apparait que d’autres routes peuvent prétendre à une altitude un peu supérieure, par exemple en Autriche. Apportons donc d'emblée une précision :c'est le plus haut col d'Europe réunissant deux vallées !
L'autre vallée c'est celle de la Tinée, dans les alpes maritimes, qui plonge vers Nice en égrenant des villages isolés à la saveur sauvage.
Un simple panneau réglementaire va apporter une nouvelle note de dépaysement. Dans l'air vif des cimes, avec comme toile de fond cimes enneigées et nuages, il indique
tout simplement : Nice.
A une heure de trajet, 2800 mètres plus bas se trouvent en effet les bleus d'azur de la Riviera.
La vue est bien ici "panoramique" ,dévoilant à 360 degrés les alpes du sud.
Notons encore que la route de la Bonette traverse le centre d'un parc national : le Mercantour.
De plus, il n'y a que 170 km entre Barcelonette dans les Alpes de Haute Provence et Nice dans les Alpes Maritimes ...et c'est bien là le chemin le plus court !
B-Les événements historiques
Il existait dans la préhistoire des voies de communications permettant la circulation et les échanges de population et de troupeaux, des sortes d’axes naturels.
On parle d'ailleurs classiquement de chemins muletiers pour désigner les échanges ancestraux entre le versant Nord (Ubaye) et le versant Sud (Tinée).
C'est Napoléon III qui voulut la création d'une route impériale Nice-Barcelonette, en 1860.
C'est aux risques de guerre entre la France et l'Italie (cette dernière ayant pactisée avec l'Autriche-Hongrie) qui va amener de vastes aménagements et chantiers.
Ainsi, pour assurer la construction d'un système militaire frontalier on dut construire une piste charretière passant par le col de Restefond.
Il existe alors pour la première fois une véritable piste reliant Basses alpes et Alpes maritimes.
Par la suite, dans les années trente, de nouveaux ensembles militaires appartenant à la ligne Maginot des alpes vont apparaitre, témoignant de nouvelles tensions entre
la France et l’Italie.
Pour permettre toutes ces contraintes et le passage des engins lourds nécessaires, il faut aménager et développer les voies de communication existantes. C'est alors que la simple piste montant à Restefond va devenir une véritable route.
N'est ce pas la même démarche qu'avait, au temps de la romanité, entrepris Auguste qui ressentit très tôt l'importance du réseau routier et s'employa à développer les liaisons alpines par tout un travail d'élargissement, d'empierrement et de constructions d'ouvrages d'art ?
A la suite de l'armistice de 1940, l’armée va abandonner la route de Restefond qui ne présentait plus d'intérêt militaire.
L'entretient incomba alors un temps à la commune de Jausiers. Ensuite, une association, puis un syndicat intercommunal conscient de la richesse du site assurent la maintenance
après maintes péripéties.
4-Evocation Sentimentale
Dans les années 30, ma grand mère, Maria Pascottini, d’origine vénitienne se retrouve à Ubaye (le village qui sera engloutie par le barrage de Serre Poncon).
Au travail depuis son plus jeune âge, elle n'eut pas le loisir d'apprendre à lire et développa de ce fait un goût poussé de l'évocation orale.
De ce séjour Ubayien deux choses lui restaient gravées :
---la fraicheur de l'eau de l'Ubaye ou elle trempait ses bras de lavandière
---une des ses rares escapades : une montée du col de Restefond (notre col de la Bonette).
Avant 1950 la route n'était pas achevée .Il s'agissait de la piste militaire passant par le col de Restefond ; d'ou le nom qui fut longtemps réservé à cette route.
Elle évoquait donc ce col de "Restefond" ,avec l'émotion d'avoir atteint un monde grandiose.
Prés de 80 ans aprés, j'ai retrouvé la force de ces alpes d'azur, grâce à une ascension hors du commun.
La magie a encore été au rendez-vous.
Robert Sausse
Le site "routedelabonette.com",site de syndicat intercommunal, est avec bonheur entièrement consacré à la Bonette .