Du  coton dans les Basses-Alpes ?

1-Contexte général
Certaines ressources naturelles ou matières premières semblent faire parti de  notre vie d'une manière innée et évidente. Elles semblent éternelles. C'est la prise de conscience écologique  qui nous montre la fragilité de notre environnement et nous interroge sur son destin. D'autre part, les perpétuels changements géopolitiques rendent rares ou chères des ressources que l'on croyait inépuisables. Dans l'actualité, la culture du coton est un exemple intéressant. Cette fibre végétale est la fibre naturelle la plus produite dans le monde. Elle entoure les graines du cotonnier et pousse généralement dans les régions tropicales et subtropicales (les variétés sont originaires d'Amérique du Sud). Sa commercialisation est soumise aux aléas politiques  et entraine drames et tensions de populations déjà déshéritées. Mais, déjà au 19ème siècle, c'est chez nous, dans les Basses Alpes qu'une tentative de culture du coton va apparaitre ! Napoléon, dans son combat contre l'Angleterre décida d'un blocus continental. Il se priva dés lors de facto des ressources cotonnières de Malte ou d'Egypte qui soutenaient les britanniques. Pour  y remédier, il décida se produire sur place - on dirait aujourd'hui de "localiser" et les Basses Alpes vont être poussé à tenter l'expérience.   

2-Du coton en terre bas-alpine    
Ainsi, des circulaires du pouvoir impérial, relayées par l'autorité locale des préfets vont pousser nos agriculteurs à la culture du coton. Bien sûr, les agriculteurs bas-alpins connaissent les commandements du sol et du temps qui forment leur espace nourricier. Pierre Martel souligne que, par définition, ils en sont les gestionnaires. Pour eux, le sol, la température, l'air et le climat s'opposent à la culture du coton. Le "faire soi même" connait des limites : le mariage avec la nature ne peut être que celui de la raison, ici, les vents sont froids (mistral) et les gelées nombreuses.                                                                                                                                        Pourtant, cette culture plus que marginale sera tentée par quelques uns sous la pression des préfets. Le maire des Mées, par exemple, en 1808, pratiquera cette culture et demandera des graines pour ses administrés. Les sous-préfectures de Sisteron et de Castellane iront dans le même sens. Le zèle des sous-préfets les conduira à proposer diverses incitations : fourniture de graines de coton, prime à la production ...N'est-ce-pas aussi un souci hiérarchique et un soutient à la politique de l'empereur ? Soulignons que la paix revenue avec les Anglais fera revenir le coton d'Egypte ou de Malte, rendant cette culture aléatoire obsolète. Si la culture du coton dans les Basses-Alpes a été un échec, les retenues des agriculteurs bas-alpins se sont trouvés fondés. Les idées, les réflexions et les choix ne doivent pas être décidés par Paris. L'invention rurale implique "une civilisation de l'endroit" qui ne donne pas une civilisation uniforme et dirigiste. La vie bas-alpine implique des exigences vis à vis de la nature. Elle passe par le savoir et la lucidité qui implique de faire les bons choix. La liberté n'est pas alors le droit de faire ce que l'on veut mais l'art de savoir et d'être lucide.  

                                                                                              Robert Sausse di Vénézia, sept 21

Nota : Marc Donato, dans un article paru dans Haute Provence Info du 17/12/2020  a révélé la tentative de culture du coton. Notre présentation s'en est pleinement inspirée.