Tiré de : « Description des principaux lieux de France » par J. A. Dulaure. Tome I, 1789.

  L'orthographe a été modernisée.

DIGNE.

Ville ancienne, chef-lieu d'une recette et d'une viguerie de son nom, avec un évêché suffragant d'Embrun, située à six lieues de Riez, à quatre et demie de Senez, et à seize et demie d'Aix.

etymologie. Cette ville, appelée Dinia en latin, était capitale des Bodiontici y qui paraissent avoir eu des habitations près de l'en­droit où elle est bâtie. Son nom, tiré des mots celtiques din, qui signifie eau, et i a, chaude, est du à une fontaine d'eaux thermales, située à une demi-lieue de cette ville.

On croit que le siège épiscopal a été établi à Digne, au plus tard au commencement du quatrième siècle. Saint Domnin, qui vivait vers l'an -540, est le plus ancien de ses évêques dont on ait connaissance.

hommes illustres. L'église cathédrale est dédiée à la Sainte-Vierge et à Saint-Jérôme. Le fameux Gassendi, né à une lieue et demie de Digne, au village de Champtercier, l'an 1592étoit Chanoine-Prévôt de cette cathédrale.

Cet homme célèbre, rival de Descartes, qui opposa d'anciennes chimères aux chimères nouvelles, la philosophie d'Epicure et de Démocrite, aux tourbillons, et qui divisa les savants de son temps en deux sectes, les Cartésiens et les Gassendistes , professa à Digne pendant une année, la rhétorique, chaire

qu'il obtint au concours, quoiqu'il n'eut que seize ans. Après avoir, pendant huit ans, enseigné la théologie et la philosophie à l'université d'Aix, l'amour de la solitude le ramena à Digne ce fut là qu'il composa un ouvrage contre la philosophie d'Aristote ; un autre pour prouver que l' homme n'est déstiné à manger que du fruit. Il fut ensuite à Paris, et après s'être fait des amis illustres, des partisans nombreux, il mourut le 25 octobre 1655, dans la soixantième année de son âge.

histoire Naturelle. Ce qui peut, aux environs de Digne, intéresser les naturalistes, c'est la fontaine thermale qui coule à une demi-lieue de cette ville. La chaleur des eaux est de trente-huit degrés au thermomètre de Réaumur, mais elle varie suivant la température de l'atmosphère; elles ont un goût un peu salé, sont très limpides et répandent une odeur tant soit peu bitumineuse.

Ces bains sont salutaires pour les rhumatismes froids, pour les rhumatismes goutteux, pour la galle, les dartres, les sciatiques, les paralysies et en un mot, pour toutes les maladies où il faut diviser la lymphe et les humeurs qui ne peuvent se dissiper par la transpiration.

Le terroir de Digne est renommé pour la bonté de ses prunes.

ANECDOTES. Du temps des massacres qu'occasionnaient les différentes opinions sur la reli­gion, Digne fut remarqué par plusieurs cruautés qui s'y commirent, Les Protestants y furent livrés au plus affreux carnage. On rap­porte qu'un nomme Pierre Roche fut enterré vif et qu'on l'obligea lui-même de creuser sa fosse. Un vieillard de quatre-vingts ans fut aussi enterré tout vivant ; et avant cet enterrement, on lui rompit les os des bras; d'autres furent plon­gés dans des fourneaux de chaux vive. On y a vu, dit-on, un fils poignarder son père ; plusieurs inventèrent des supplices nouveaux ; ils prenaient les hommes avec des tenailles par le. Nez et les traînaient ainsi dans les rues ; d'au­tres fois ils leurs perçaient les bras avec une dague, y enfilaient une corde et les menaient en laisse ; quelques-uns se plaisaient à danser sur le corps des huguenots, jusqu'à ce que le sang sortit par la bouche... La plume refuse d'écrire ces horreurs ; ce qui reste à dire est trop révoltant, on voudrait que ce fût des mensonges.

Suivant l'état présenté à Henri III aux assemblées de Blois, il y eut dans le diocèse de Digne, pendant les troubles, tant Catholiques qu'Huguenots, sept mille trois cent soixante personnes massacrées, étranglées ou noyées.

Pendant trente un ans, c'est-à-dire, depuis 1549 jusqu'au dernier décembre1580, les impositions de ce diocèse se sont montées à trente-cinq millions neuf cent quatre- vingt mille livrés et pendant les dix-sept années du règne de Louis XII, elles n'ont été qu'à trois millions cinq cent mille livres.

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Numérisé par J. P. Audibert