Tiré de : « Description des principaux lieux de France » par J. A. Dulaure. Tome I, 1789.

L'orthographe a été modernisée.

 

Description Sisteron

Ville épiscopale, autrefois nommée Segustero ou Civitas Segesterorum, et s ituée sur la Durance. Cette ville, qui, à cause de sa situation de, ne fut jamais considérable, et ne l'est pas aujourd'hui, renferme peu d'objets curieux.

clergé. Vers le milieu du douzième siècle, le Clergé de Sisteron était livré au désordre le plus excessif ; plusieurs évêques se marièrent publiquement ; les autres ecclésiastiques rom­pirent sans difficulté, le lien qui les attachait au célibat, et s'abandonnèrent scandaleusement à une vie déréglée. L'avarice y avait établi la simonie, et on ne se cachait plus de vendre et de trafiquer les bénéfices et les dignités ecclésiastiques} c'était alors, en France, un usage assez général. L'Histoire rapporte qu'un nommé Raimbaud ou Rigobalde , puissant Seigneur de la contrée, acheta publiquement , pour un de ses fils, l'évêché de Sisteron.

Guerres civiles . En1562, les protestants s'étaient, de toutes parts, réfugiés à Sisteron ; le Comte de Sommerive, à la tête d'un forte armée, vint assiéger cette ville ; il s'en appro­cha avec beaucoup de difficultés parce que les protestants avaient rompu les ponts, les chemins, et placé des embûches dans le lieu de Lurs et dans l'abbaye de Ganagobie . Après avoir perdu plusieurs hommes dans ce dernier lieu, le 10 juillet de la même année, l'armée campa au midi de Sisteron ; le len­demain la brèche fut ouverte, et on donna l'assaut; mais les habitants de Sisteron se défendi­rent avec tant d'ardeur, que Sommerive fut obligé de lever le siège.

Le sieur Dupuy Saint-Martin, portant la cornette blanche de Sommerive, s'était retiré pour prendre du repos dans un lieu appelé Pépin. Les protestants forcèrent la porte de sa chambre, le prirent, le conduisent à Siste­ron, où l'on dit qu'il fut pendu à une croix par des femmes. Les Catholiques, usant de représailles, firent exécuter à mort le jeune Capitaine Coste , qu'ils avoient fait prisonnier.

Le 27 août suivant, Sommerive vint encore mettre le siége devant Sisteron. Les habi­tants firent plusieurs sorties contre les Catho­liques. On remarque, d'après le récit des com­bats particuliers qui se donnèrent en cette occasion, que la force du corps était un mérite distingué parmi la jeune noblesse de France.

Le Chevalier d'Anfoïs, capitaine, sortit de la ville, lutta longtemps contre un soldat robuste, et le tua d'un coup de poignard. Sommerive, inquiété par ces fréquentes sorties, transporta son camp au lieu de Les Mées t prés la Durance , à trois lieues de Sisteron ; alors le Capitaine Mouvans s ortit de cette ville, et poursuivit Sommerive. Le Capitaine Ventabren, homme fort, vigoureux, et qui s'était exercé à terrasser les taureaux indomptés et sauvages de la Camargue , se présenta pour l'arrêter il voulait lutta et essayer ses forces avec Mouvans ; mais celui-ci, ayant reçu un .coup de pistolet à la cuisse, prit la fuite avec sa troupe, et se réfugia dans Sisteron.

Les assaillants, après avoir été repoussés jusqu'à cinq fois de suite, parvinrent enfin à entrer dans Sisteron ; les troupes des protestants, à la faveur de la nuit, en sortirent secrètement. Les Catholiques, ne trouvant plus de résistance, pillèrent cette ville, et massacrèrent tous les habitants, hommes, femmes et enfants.

antiquités. Cette ville .éprouva encore longtemps les désastres des guerres civiles, qui nuirent beaucoup à son accroissement et à sa population. Son élévation au dessus du niveau de la mer, à la hauteur de la paroisse, est de deux cent soixante- dix toises. On a trouvé près de cette ville, en y faisant le chemin neuf, beaucoup de lampes sépulcrales, et des tom­beaux de plomb de deux pieds et demi de long sur un pied de large, qui contenaient des cen­dres et des ossements brûlés

anecdote. Le château de Sisteron, après avoir été le théâtre de bien des combats entre les protestants et les catholiques, servit ensuite de prison à l'infortuné Casimir , frère consanguin de Ladislas VII, Roi de Pologne. Il fut arrêté en revenant de Gênes an mois de mai 1638, par le Comte d'Alais. Les différentes tentatives que firent ses amis pour lui procurer la liberté, déterminèrent le Gouvernement à transférer cet illustre prisonnier de Sisteron à Vincennes. La vie de ce Prince est un tableau frappant des vicissitudes du fort ou de l'inconstance humaine ; il fut enterré à Nevers.

histoire Naturelle. On voit à Curbans, près de Sisteron, une mine de cuivre estimée. A Ongles on trouve une mine d'argent ré­pandue par mouches dans une pierre grise. Du temps de la Régence , on avait commencé l'ex­ploitation de cette mine ; mais la rareté de la matière la fit abandonner.

Dans des marnes nommées Roubines , au terroir de Saint- Vincent, montagne de Lurs, on trouve des bélemnites et des cornes d'ammon ferrugineuses, dont plusieurs sont striées , et d'autres lisses et comme ramifiées.

La pointe la plus élevée de la montagne de Lurs est de neuf cents toises au dessus de la mer.

Le Père Plumier étant allé herboriser au nord de cette montagne, écrivait à ses amis : « Dès que j'y fus arrivé, je me vis couvert d'une quantité incroyable d'une espèce de mou­cherons, deux fois plus gros que les mouche­rons ordinaires ; ils avaient les ailes et le corps teints d'un bleu aussi éclatant que l'azur le plus vif. Les arbres en étaient tout cou­verts; et comme en traversant la forêt, je ne pouvais m'empêcher d'en écraser contre les branches et les feuilles, j'avais tout le devant de mon habit et mon chapeau peints d'un très bel azur».

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Scannérisé par J. P. Audibert