Forcalquier et le collège et l’enseignement :

De tout temps, Forcalquier s’est intéressé au devenir intellectuel de ses enfants. Déjà, au Moyen Age existait une école communale. Chaque année, les syndics de la ville devaient s’assurer que l’enseignement du latin, de l’arithmétique et de la géométrie était pratiqué, quant à celui du français, on n’en trouve pas traces ce qui laisse supposer que dans les temps anciens, on ne parlait que la langue provençale. Les écrits officiels, quant à eux, étaient rédigés en latin jusqu’à François I qui promulgua l’édit de Villers Cotterets (1539) rendant obligatoire la langue française dans les textes de l’Etat. Jusque là, on pense, on est pratiquement sûr, que le provençal devait être enseigné.
Forcalquier possédait une maison qui servait à l’enseignement. Elle se trouvait rue du «Chemin Neuf »  ou « rue du Collège », quartier Saint Pierre. Là, il y avait un directeur assisté de plusieurs régents.
Le Chapitre de la concathédrale avait parmi ses nombreuses fonctions celle de payer les régents de l’école grâce aux bénéfices qu’ils tiraient d’une propriété rurale : « le Pré de Saint-Mary », quartier des Bartavons. Le recteur des écoles était nommé par les conseillers communaux. Ces derniers élisaient, alors, trois personnes parmi les plus savantes de la ville qui avait pour tâche de choisir les futurs enseignants.  Il est arrivé aussi que la nomination des régents se fasse en « dispute » ; c’est-à-dire par concours : une offre était faite dans les principales villes de Provence, même parfois jusqu’en Languedoc et les candidats qui avaient reçu quelques écus pour le voyage venaient concourir à Forcalquier. Le premier régent dont les archives aient gardé le nom est le prêtre Jean Tounaire en poste le 8 juin 1423, avant cette date, elles ont toutes été détruites (surtout en 1815).
L’école se devait d’être gratuite mais quelques fois les élèves devaient s’acquitter d’une modeste contribution car le Chapitre qui devait payer les enseignants faisait oubli ou défaut de ses obligations, en un mot il était pingre, cela devait se passer souvent puisqu’en 1552, un procès pour ce motif lui fut intenté. Pour cette année, le salaire d’un régent était de 150 florins mais pour un an et il est précisé dans les pages de délibération du conseil des syndics qu’il fallait qu’il soit bon catholique. Le collège était sous la direction du Chapitre. Ses chanoines nommaient les régents mais leurs appointements étaient passés à la charge de la ville. Cet état de fait opposa longtemps les syndics au représentant de l’évêque de Sisteron dont il dépendait. La ville qui payait voulait, par un juste retour des choses, nommer les régents. Le roi dut intervenir et confirmer l’autorité de l’évêque. Les consuls, Bellonet et Vallanson, refusèrent toujours de payer.  Et en novembre 1697, l’intendant de la Provence fut chargé par le souverain de faire respecter ses arrêtés. Continuons de parler argent. L’année 1494 connut une exception à la gratuité car on sait que pour une période de trois mois, les écoliers durent payer 6 florins pour étudier la grammaire. En 1527, le conseil communal rappela la gratuité totale de l’enseignement et offrit 80 florins aux régents de l’école. En 1574, ce même conseil dut ordonner au Chapitre, qui fit la sourde oreille, de payer les régents. Puis en 1580, on sait que le salaire d’un maître d’école était de 200 florins ; cette même année, pour ne plus être importuné par la ville, les chanoines du Chapitre décidèrent de se débarrasser des biens consacrés, par leur revenus, au paiement des enseignants.  
Un texte de février1769 nous apprend que le collège n’existe pratiquement plus. Il n’y a plus qu’un seul régent pour s’occuper des classes de la 8 ème à la rhétorique (la première d’aujourd’hui). L’explication en pourrait être la modicité de la somme allouée aux enseignants.
Durant la terreur, le collège fermera ses portes pour ne les rouvrir que sous le directoire, la ville sera administrée par un Directoire de districts. Le 1er janvier1799, il fut décidé de faire de fréquentes visites aux écoles pour que naisse un véritable esprit républicain car de puis le début de la Révolution, on décelait un certain attachement à la royauté et à la religion de la part des enseignants. Et le résultat en fut qu’ils durent abandonner leurs différents travaux ainsi que leurs logements de fonction.
Maintenant regardons ce qu’il reste de visible, à notre époque, de l’endroit où se trouvait le collège des temps modernes. On peut y voir le cinéma, la mairie, un bar et derrière ce que l’on nomme l’ancien collège : une cour qui sert de lieu d’exposition aux artisans-créateurs les jours du marché local (le lundi).

--- Le devant de l’ancien collège

En 1632, un ordre religieux, nouveau, vient s’installer à Forcalquier, avec l’assentiment de l’évêque de Sisteron : les religieuses de Sainte Marie. L’ordre prospéra et c’est ainsi que les moniales acquirent une maison et un jardin donnant sur le Bourguet. Grâce aux dons faits par la famille Forbin-Janson, la congrégation put acquérir 17 parcelles et deux maçons venus d’Aix en Provence élevèrent un grand bâtiment conventuel. C’est ainsi que se constitua l’immeuble de l’ancien collège. C’est seulement en 1685 qu’un architecte de Marseille dressa les plans d’une chapelle qui allait, au XX ème siècle, devenir le cinéma de notre ville. Parmi ses obligations, une était de sculpter, au dessus de la porte, une scène évoquant la visitation (d’où le nom de sœurs visitandines). Cette chapelle devait avoir sa porte principale sur le Bourguet.
Cet ordre de religieuses fut un repaire de Jansénistes. Les moniales refusèrent de signer la « bulle Unigenitus ». En 1768, on leur fit défense de recevoir des novices, ce qui était une façon de le supprimer en douceur.
En 1791, les biens de cette congrégation furent confisqués par l’Etat. Leur maison devint, alors, un lieu qui accueillit la mairie, la bibliothèque, la justice de paix ainsi que la gendarmerie
En 1815, le collège qui dépendait de l’académie d’Aix en Provence fut supprimé par le recteur de l’ancienne capitale de la Provence qui en créa un autre à Manosque. Dorénavant pour poursuivre ses études, il fallait aller ailleurs.
En 1816, Mg. Miollis, évêque de Digne, celui qui servit de modèle à V. Hugo pour écrire le début des « Misérables », de qui dépendait maintenant Forcalquier, fonda un collège-séminaire dans l’ancien bâtiment qui avait été possédé par les sœurs de la Visitation de Marie. L’enseignement y fut donné par des prêtres de la Compagnie de Jésus  mais en juin 1828, on interdit aux Jésuites d’exercer. En février 1830, une école secondaire ecclésiastique vit le jour, elle forma les élites de la société méridionale puis malheureusement ce petit séminaire fut transféré à Digne.

Un de ses professeurs de  rhétorique, l’abbé Etienne Nevière créa alors une école libre secondaire : le collège St. Louis. Une décision préfectorale de novembre 1903 le fit fermer. Toutes les écoles appartenant à des congrégations durent fermer leurs portes : école gratuite pour les filles pauvres, école des frères de St. Gabriel, pensionnat pour demoiselles des sœurs de St. Charles.
Aujourd’hui, il ne reste qu’une école maternelle et le collège public Emile Laugier, pas de lycée, il faut aller à Manosque mais il y a une université privée, celle des Senteurs et des Saveurs, établie dans l’ancien couvent des Cordeliers.   

 

Jean-Paul Audibert, rédacteur du site

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