Provence gitane :

Dans une chronique de « La chasse au bonheur », Jean Giono nous parle des gitans. Il s'interroge ainsi d'une manière ironique sur la réalité de leur liberté mais sa plume dépasse toujours la description pour arriver à un monde autre : celui de l'art littéraire. En tout cas, il part d'un premier contact visuel : celui dirigé pendant des années sur un groupement stationné sur le bord de la route de MANOSQUE, au niveau de Ste Tulle.

C'est que les gitans nous apparaissent souvent ainsi par petits groupes ou par famille et ce n'est que lors des pèlerinages qu'on peut en rencontrer en grand rassemblement.

Les clichés sont légion pour évoquer ce peuple issu des rives lointaines de l'Indus. Du joueur de guitare à la peau brune à la diseuse de bonne aventure vêtue de longues robes bariolées, ce sont les traits pittoresques qui sont toujours répétés.

Mais les gitans sont avant tout les fils du vent : un peuple d'errance et de nomadisme et c'est bien autour du voyage qu'ils se structurent. Le but annuel est toujours le même, se trouver le 24 mai aux Saintes Maries de la Mer devant Sara, la sainte noire.

A Manosque, la vierge noire de Notre Dame de Romigier (ou perçue en tant que telle pendant des années) n'a pas retenu leur attention. C'est bien Sara, aux confins du delta, dans la crypte de l'église-forteresse qui les attire.

Face à l'emprise de la mondialisation qui banalise tous les modes de vie et élude tout choix personnel, cette présence des gitans met en lumière d'éminents symboles :

- D'abord une envie de vivre différemment. Les Gitans ne sont pas des nomades évoluant dans un environnement désertique, ils arrivent à affirmer leur différence au sein de la société moderne et cette résistance est sans doute un exemple unique !

- Ensuite, la présence palpable de valeurs fortes comme la solidarité familiale ou l'enfant-roi semble la seule raison de vivre. Le simple face à face avec un enfant gitan

 

Dessins dus à la sœur de l'auteur.

offre des instants magiques : son regard de braise est à la fois le reflet d'un clan et celui d'une autre vie.

On pense à Baudelaire « la tribu prophétique aux prunelles ardentes, hier s'est mise en route emportant ses petits sur son dos ».

- Aussi, la rencontre avec une foi joyeuse et festive qui éclate dans la musique et la danse au pèlerinage des Saintes Maries.

Cette rencontre est surtout un face à face avec Sara, la sainte noire.

Les échanges sont à la fois simples et mystérieux :

- Simples dans les gestes, il y a un contact physique, des attouchements à la statue qui traduisent le simple plaisir d'une présence amie autant qu'un rituel protecteur.

- Mystérieux dans la symbolique : nous sommes dans une crypte noircies par les cierges et cet aspect souterrain évoque tous les mystères de la condition humaine.

De part sa couleur noire Sara semble issue de la terre matricielle et nous renvoie à l'envers du miroir, celui de nos origines inconnues.

Les gitans, si souvent rejetés et méprisés, nous rappellent par leur nomadisme que la vie n'est qu'un simple voyage et nous remémore ce vers du poète catalan Antonio Machado : « en marchant se rencontre le chemin ».

Robert Sausse

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