Les Basses-Alpes dans la Première Guerre Mondiale
Comme pour tous les départements, les Basses-Alpes, en 1913, devant la possibilité d’une guerre, ont porté le service militaire de 2 à 3 ans. Et puis l’horreur est arrivée ; dans un premier temps le gouvernement décrète, le 02 Aout 1914, la mobilisation générale ; elle laissait aux hommes qui travaillaient aux champs (c’était la période des moissons)  le temps de rejoindre les régiments auxquels ils  étaient affectés. Ils furent prévenus par les cloches qui sonnaient le tocsin. A cette occasion, le maire de Manosque déclara que les réservistes partaient avec « la foi patriotique ».
 

La censure de la presse est dans les mains des sous-préfets et à Digne, le chef-lieu du département, c’est un fonctionnaire de la préfecture qui s’en occupe : M. Dessale. Dans cette même ville, le 1er Aout 1914, un nombre considérable d’habitants s’attroupe près du kiosque à musique pour écouter « La Marseillaise » et l’hymne russe, interprétés par « la Lyre des Alpes ».  Plus tard, dans le cadre de la musique patriotique, en Mai 1915, le théâtre municipal de Digne fera jouer une revue évoquant la guerre et nos ennemis : « Made in Germany » qui aura un immense succès. Toujours dans cette ville, le lycée Gassendi est transformé en caserne.
La mobilisation va avoir d’autres conséquences, elle va priver les villes et les campagnes des hommes nécessaires à assurer la vie quotidienne, les femmes vont les remplacer et ainsi va naitre l’idée d’égalité entre les sexes, idée nouvelle pour l’époque. C’est ainsi qu’à Castellane, un nouveau sous-préfet arrive et se retrouve seul dans sa sous-préfecture, tous les employés ayant été mobilisés. A Sisteron, on assiste à un tout autre problème, ceux qui sont occupés par la mobilisation voit, avec surprise, une tâche supplémentaire à accomplir, ils doivent s’occuper de la prostitution sur la Bléone. Ainsi aux premiers jours de guerre 13.000 Bas-Alpins partent au combat. Parmi eux, ce sont ceux de la classe 14 qui seront les plus atteints, on compte 931 conscrits, 242 vont mourir 363 seront blessés et 306 vont revenir indemnes. Au total, les Basses-Alpes vont perdu 10.000 hommes durant le conflit. Rappelons que ce département est un des moins peuplés de France.
Au début de la guerre, le département comptait deux régiments installés sur son territoire, le 157ème R.I. basé à Barcelonnette, composé de gens venus de la vallée de l’Ubaye et aussi de Gap et le 3ème R.I. dont un bataillon était à Digne, à la caserne Demichels. Ce 3ème R.I. va aller combattre en Lorraine et le 14 Aout, il va perdre 15 officiers et 736 hommes de troupe ; le 20 Aout, il va battre en retraite après avoir laissé au champ d’honneur 4 officiers et 546 hommes, il va être à l’origine de la réflexion qui fera dire que les Provençaux se débandent facilement devant l’ennemi.   
Toujours au début du conflit, le département fut partagé en deux parties, une zone de proximité des frontières et une autre qui fut la zone arrière. Dans la première, les citoyens des puissances ennemies durent quitter la France ou furent regroupés à Digne, le Mars 1915, s’ouvrit à Annot un camp d’internement pour les Austro-hongrois et les Allemands, la préfecture mit sur pieds un service spécial pour s’en occuper, dans la seconde, les étrangers des autres pays sont étroitement surveillés  ainsi que les Italiens qui, au début du conflit, se déclarèrent neutres malgré cette neutralité des troupes furent envoyées dans l’Ubaye pour les arrêter éventuellement.
Comme tous les départements à l’arrière du front, les Basses-Alpes sont là pour accueillir des réfugiés, des personnes qui fuient leur maison et les lieux qu’elles habitaient, désormais aux mains des Allemands. C’est ainsi que notre département se chargea d’établir sur son territoire 1800 déracinés en la première année de guerre.
Il va ainsi voir s’ouvrir des camps de prisonniers. En 1916, on comptait 4 camps, deux pour les officiers à Sisteron et à Entrevaux dans la citadelle construite par Vauban, deux pour les hommes de troupe à St. Auban et au Bois d’Asson.
                          

Ils servirent de main-d’œuvre, tout du moins les hommes de troupe. En Septembre 1917, le préfet faisait état de 455 soldats ennemis transformés en ouvriers agricoles. Les hommes du rang se retrouvèrent dans des lieux importants de l’économie de guerre. Le Bois d’Asson est un village qui ne vit que par l’exploitation d’une mine de lignite, Château-Arnoux et surtout St. Auban sont des lieux de fabrication d’armes chimiques, des obus au chlore. Cette usine fut construite par la compagnie des produits chimiques Alais et Camargues, elle emploiera jusqu’à 175 prisonniers de guerre. Le nombre de territoriaux qui vont être affectés à leur garde va avoir un effectif de deux compagnies, il s’agit de la 1ère  du  52ème  R.I. cantonnée à Jausiers et de la 2ème du 157ème  R.I. de Barcelonnette.
La ville de Digne fut particulièrement généreuse pour accueillir les blessés. Des initiatives privées virent le jour pour ouvrir des hôpitaux auxiliaires, tel celui de Gréoux les Bains où le propriétaire de l’établissement thermal le mis à la disposition des blessés, 2.000 militaires y furent soignés entre Mars 1915 et Février 1919. Une délibération du conseil municipal du chef-lieu du département du 7 Février 1915 mit 500 lits à la disposition des blessés et des malades. L’Ecole Normale et le Collège de Jeunes Filles avaient déjà été transformés en hôpital ainsi que le Pensionnat du Sacré Cœur et de nombreux édifices religieux qu’il serait fastidieux de nommer. Des religieuses furent mises à la disposition des hôpitaux. Il va falloir attendre Aout 1918 pour qu’il n’y ait plus de blessés à Digne ; mais, pour le moment, les soins continent d’être assurés et coutent chers ; pour y faire face, la municipalité demanda au pouvoir central de lui donner la possibilité de  taxer certains produits comme l’alcool et ses dérivés (cidre, hydromel etc.).
Dans tout le département, la rareté des produits alimentaires se manifesta rapidement. Dès 1915, on prévoit le rationnement du pain. En 1916, apparait le marché noir, les gens sont obligés de manger du pain noir. La pénurie des produits agricoles est à son comble et la situation va durer de nombreuses années, c’est ainsi qu’en 1919, le département verra des soldats russes mis à disposition comme travailleurs.
Les bombardements allemands se faisaient le plus souvent à l’aide de dirigeables (zeppelin). Aussi extraordinaire que cela puisse paraitre, l’un d’entre eux emporté par des vents contraires, alla s’écraser à Mison (proche de Sisteron) en Octobre1917. Il s’agissait du L.45 en panne de moteur qui alla s’échouer sur les berges du Buech, son équipage fut fait prisonnier et envoyé à Sisteron.  
Les prêtres, aussi, furent mobilisés, rares furent ceux qui seront versés dans des unités combattantes. Certes, certains furent aumôniers militaires mais la plus grande partie fut infirmiers, mais les combattants blessés n’avaient-il pas besoin de secours et de paroles réconfortantes que pouvaient leur prodiguer des hommes d’Eglise ? Combattants ou pas combattants, favorisés ou pas favorisés, cet état de choses va être longuement discuté. Digne va voir partir 109 hommes d’Eglise ainsi que 16 séminaristes.
La fin de la guerre verra surgir des problèmes inattendus, c’est ainsi que le Conseil Général sera saisi de la question de changement de nom d’une municipalité qui voulait s’appeler différemment, il s’agissait d’Allemagne en Provence.
Un grand écrivain de notre département, Jean Giono, fut mobilisé, et fut un témoin actif de cette boucherie.
 
Ses écrits sur le pacifisme qu’il prônera toute sa vie et ses attitudes lors de la seconde guerre mondiale viennent de là. Il fut incorporé en Janvier 1915, en Mai de cette même année, il rejoignit le 140ème R .I. aux Eparges. Avant, sa période d’instruction le conduisit à Briançon et à Montmélian. Avec la 6 ème compagnie, il connut l’enfer de Verdun. Son unité fut décimée, il n’y eu que 11 rescapés dont lui. On le retrouvera, ensuite, au Chemin des Dames, à la bataille de la Somme et au Kemel (mont le plus haut de la Flandre). En Mai 1918, il est légèrement gazé (petites brulure aux yeux) Il sera démobilisé en Octobre 1919. Il resta, durant tout le conflit, deuxième classe ce dont il se félicitera plus tard et ne reçut jamais la croix de guerre ; cette guerre sera l’objet de son cinquième roman : « le Grand Troupeaux », comparaison entre un troupeau de moutons et les hommes que l’on mène à l’abattoir.
Et pourtant, il y eu une deuxième guerre mondiale encore plus sanglante, elle ne sera pas « la der des der »  comme les « poilus » se plaisaient à l’imaginer mais seulement « la Première Guerre Mondiale » ou « la Grande Guerre ».

sommaire

 

.