Le corps et son entretien : hygiène et médecine

L'Hygiène

L'hygiène ou les soins apportés au corps était à l'image de la société de notre département : pauvres et quasiment inexistants. On peut connaître l'emploi des divers instruments s'y rapportant ou faisant référence à la médecine (qui sera traitée dans un deuxième paragraphe) grâce aux inventaires pratiqués dans une maison après le décès de son propriétaire pour valider son testament. On s'aperçoit avec stupeur, pour des gens du XXI ème siècle, que le rasoir et autres instruments de rasage apparaissent très peu. En effet les hommes préfèrent se rendre chez le barbier, comme petite anecdote, on constate qu'à Reillanne au XVIII ème siècle, celui-ci était un ermite. Ces artisans étaient, alors, « chirurgien-barbier ». Ce n'est qu'en 1743 qu'un édit royal sépara les chirurgiens des barbiers. Mais en Haute Provence, la distinction fut très lente à arriver comme on peut le constater à lire les inventaires puisque les instruments de barbiers sont plus nombreux que ceux du chirurgien.

Lorsqu'une commune ne pouvait avoir en permanence un barbier à sa disposition, elle passait un accord avec un village voisin pour que celui qui en avait tout au long de l'année le délègue à son voisin un jour par semaine, moyennant finances. Ainsi fut passé un accord entre les consuls de Fontienne et le barbier de Forcalquier.

Il semblerait que le soin de l'hygiène corporel se limita à ce qui pouvait être vu. Les inventaires restent muets sur les baignoires. Puis petit à petit à partir de la fin du XVIII ème siècle, on voit apparaître mais seulement chez les gens très aisés des traces de meubles servant à la propreté du corps. C'est ainsi que la chambre du baron d'Allemagne lui servit de salle de bains par l'adjonction d'une baignoire. Les cours d'eau ou les torrents servirent à la population pour se baigner.

Seuls, les cuvettes et les pots à eau sont fréquents. Même au milieu du XIX ème siècle, le bain est exceptionnel lorsqu'il existe, il ne doit surtout pas dépasser la fréquence de un par mois.

L'utilisation de la poudre pour les cheveux a été plus répandue que l'usage du savon. C'est seulement en 1739 que l'on va trouver trace, chez un noble, d'un étui pour savonnette. Pour les femmes, on ne trouve en aucune façon, toujours dans les inventaires dressés par les notaires, de produits dits de beauté tels que fard, pommade etc … Pas de traces de brosses à dents ni de ciseaux (pour les ongles), les peignes sont extrêmement rares, mais la rusticité de ces mœurs n'est pas l'apanage de la Haute Provence. Même en plein XIX ° s., les lieux d'aisance sont dans la nature, les rues servent de WC. La chaise percée ne fait son apparition que timidement ; ce n'est qu'à la fin du XVIII ° s. qu'elle va devenir un objet courant.

Médecine

Arrivons à la médecine, on va se rendre compte que la commune va intervenir pour que ses administrés soient soignés. On va même voir les consuls du Brusquet offrir un salaire à un chirurgien de la Javie pour qu'il s'installe chez eux. Le département est bien fourni en personnel médical, il semble toutefois que les chirurgiens soient en grand nombre ; en 1812, on compte trois médecins, deux pharmaciens, dix chirurgiens pour le canton de Barcelonnette. Ces chirurgiens étaient aussi barbiers. Si les apothicaires étaient si peu nombreux, c'est que les médecins faisaient eux-mêmes les médicaments qu'ils prescrivaient, ils tenaient des boutiques et leur faisaient de la concurrence. Au XIX ° s. existaient à St Etienne les Orgues des officines d'apothicaires qui récoltaient des plantes sur les pentes de la montagne de Lure et les revendaient dans la France entière grâce aux colporteurs. On trouvait aussi, comme dans toutes les campagnes françaises, des rebouteux. L'empirisme régnait en maître, peu nombreux étaient les médecins et les auxiliaires médicaux qui étaient diplômés pour exercer leur profession. En 1812, dans le canton de Barcelonnette, aucune sage femme n'était installée, seules quelques vielles, vite dépassées, jouaient ce rôle. Dans la région de Manosque, il suffisait de justifier de deux ans d'apprentissage pour s'installer à son compte. Ces gens étaient issus de milieux roturiers et étaient les serviteurs de la noblesse. Leurs émoluments étaient très faibles. De nombreuses oppositions entre médecins et chirurgiens sont à constater. Mais le médecin a une supériorité certaine qui est confirmé par un édit de 1765 où ils sont placés sur le même rang que les avocats. Les traitements qu'ils prescrivaient, même au début du XIX ° s., étaient comme partout en France, à base de saignée et de lavement.

A ces remèdes, on peut y joindre quelques uns qui témoignent d'une croyance folklorique vivace : collier de corail contre les maux d'estomac, ceinture de chanvre à treize nœuds conte les lumbago, pierre qui guérit les maladies oculaires etc…Les bains restent des médicaments, on les pratiquent dans les établissements thermales tels Digne et Gréoux et pour la première ville citée, on peut parler de baignoires rustiques et peu « ragoûtantes » comme le dit un témoignage de 1887.

La médecine reste totalement incapables de lutter conte les épidémies, on essayait de les contrer par le blocus des lieux contaminés, on interdit, sous peine de mort, de quitter un lieu infecté (fait constaté à Forcalquier en 1632). Lors de la peste de 1720, la grande mode était de parfumer en guise de désinfection. On utilisait, suivant la fortune des gens, un parfum « puant » (bitume, soufre, poix) ou « doux » (benjoin, encens, myrrhe) pour les personnes et, pour les maisons, on faisait appel au vinaigre puis venaient des fumigation de soufre. En 1720, lors de la peste, des baquets de vinaigre furent installés à l'entrée de Ste Tulle, Corbières et Manosque. Toujours au cours de la peste de 1720, l'évêque de Digne proposa à ses ouailles un traitement préventif que Raymond Collier dans son livre «  La Vie en Haute Provence de 1600 à 1850 » nous expose :

« Si le mal étoit dans le village où, les maisons sont ramassées, on ne doit point sortir à jeun, mais tremper un peu de pain dans deux doigts de vin ; ensuite on peut mâcher des feuilles de rhue. On peut, un autre jour, faire une opiate, c'est-à-dire piler dans un vase des noix au nombre de deux ou trois, cinq à six glands , deux figues sèches et vint feuilles de rhue, avec deux grains de sel. On en prend à jeun et, deux heures après, on mange ; car il faut observer de manger trois fois le jour, et ne pas souffrir ni la faim, ni la soif. Il faut se laver la bouche avec du vinaigre ; ou bien, avoir dans la bouche de l'angélique qui ait été trempé dans du vinaigre auparavant ; des grains de genèvre dans la bouche ; le parfum des maisons avec des herbes odoriférantes ; surtout recommander une si grande résignation à la volonté de Dieu qu'on ne perde pas l'espérance de sa miséricorde et qu'elle bannisse la crainte, qui nuit infiniment dans ces rencontres. »

Au fil du temps, on va voir une lente évolution de la médecine. Au début du XIX ° s., la vaccination va faire une timide apparition en Haute Provence et en juin 1847, le « Journal des Basses Alpes » rend compte que des médecins ont expérimenté l'éther pour endormir les malades qu'ils avaient qu'ils avaient à opérer.

Rien de bien original du reste des provinces françaises.

Jean-Paul Audibert, rédacrteur du site

sommaire

---- "La vie en Haute Provence de 1600 à 1850" de Raymond Collier, Dignr 1973. Livre dans lequel j'ai puisée de nombreuses anecdotes.