Collège et lycée de Digne :
    étude historique
par
Jules
    Arnoux
1888

A
M, MARIUS SOUSTRE
INTRODUCTION
 Au moment où les questions d'instruction      publique intéressent si vivement tous les bons      citoyens dans cette oeuvre de relèvement que la      France poursuit avec une noble passion depuis      dix-sept années, l'Université se plaît à regarder      vers ses origines, à colliger ses titres anciens et       nouveaux. Elle y cherche des enseignements, non      pour imiter servilement le passé, mais pour accommoder ses      méthodes aux exigences du temps présent,      sans toutefois renier les littératures classiques, dont      l'étude fortifiante est nécessaire à une éducation      vraiment libérale.
    Je veux apporter une modeste pierre îi cet édifice      en cours de construction et raconter, à l'aide de      documents originaux, l'histoire du Collège de Digne      depuis 1474 jusqu'à nos jours.      Cet établissement m'est resté cher à plus d'un      titre. J'y ai professé la classe de huitième en 1868, la rhétorique de 1870 à 1885 ; j'ai pu collaborer à      sa transformation en Lycée, comme conseiller municipal      et comme inspecteur d'académie. C'est une      dette de coeur que j'acquitte en lui consacrant      cette étude, que j'eusse voulue plus complète, et à      laquelle j'ai travaillé avec autant de plaisir que de      persévérance.      J'ai tenu toutefois à inscrire dès le début le nom      du magistrat dignois qui, ayant le plus contribué      à doter sa ville natale d'établissements d'instruction,      mérite à tant de titres la respectueuse gratitude      de l'Université. Nul de ceux qui l'ont vu à    l'oeuvre ne sera pour me démentir.
 J. A.
    Inspecteur d'Académie, Agrégé des Lettres.
    Draguignan, 1" juillet 1888.
PREMIÈRE PARTIE
LE COLLEGE
I.
    Origines et première période.
    1474-1611.
Pendant le moyen âge et jusqu'à la mi du seizième siècle, l'on n'a pas établi de distinction précise entre l'enseignement primaire et secondaire; le même régent, prêtre le plus souvent ou clerc tout au moins, était chargé d'enseigner les éléments de la lecture, de l'écriture et du latin (1).
(1) Pendant longtemps la classe de latin et la classe primaire ne formèrent, pour ainsi dire, qu'une seule classe.. On s'aperçut à la longue des incoménients de ce systèmeet la séparation fut décidée (1776).
 Dans les villes importantes, les écoles étaient séparées      et le personnel n'était pas le même, mais il était placé      sous l'autorité d'un seul chef, appelé Grand Maître, ou      Recteur. D'ailleurs, les collèges régulièrement constitués comprenaient, comme aujourd'hui, une classe      primaire.
    Les choses se passèrent de la sorte en Provence, et en      particulier à Digne.      Le premier document relatif à l'enseignement dans cette      ville est une délibération des conseils communaux (11 juin      1410) et concerne l'instruction primaire; c'est un ordre      de payer les  gages» de deux maîtres d'école :
    " Et premierament es estât ordenat, présent lo dich mossen lo baylle   et consentent, que se pague al mestre de l'escola per l'estudi de   Paschas, que dura entro a saut      Juan, los gages que li son degus per lo dich estudi.    Item es estât ordenat que lo maistre de l'escola de Chastellana (1) se   mande querre e que governe las escolas entro a l'estudi de sant Michel,   et si el se governe ben en lo régiment  que governe mays al bon plazer   del conselh » (Arcli. corn., B. B.3.)
(1) Castellane.
 Cette pièce nous prouve que les écoles existaient depuis      longtemps à Digne. Il est probable que les maîtres dont il      s'agit donnaient aussi l'enseignement secondaire; Il est      même permis de l'affirmer, en procédant par analogie.      Quant au collège proprement dit, nous connaissons      exactement la date de l'achat de la maison où il fut installé,      au XV° siècle: il est encore considéré comme une      « école », mais il est évident qu'il existait de fait déjà      auparavant. Le 9 novembre 1474. les conseils communaux      prirent la délibération suivante :
    « .... Item plus es estât ordenat que sian acceptas al dich   tresauiier florins set, que ha pagal al noble Juan Chaussagros et sa   molher (femme) per comandament dels      senhors sendegues (syndicts), et aquo en diminution del près dei l'ostal de l'escola, que la villa ha comprat de elles....Item mays (de plus) es estât ordenat que los senhors      sendegues. ainbe Elzias Raos, lo senhor d'Anlragelles et autros que   bon semblara en lor companhîa, deian donar a preffach a mestre Bernart   ho autre mestre, al melhor marchât que pognon, de fayre reparar et   adobar l'ostal per l'escollo que la villa ha comprat de sen Juan   Chaussagros et sa molher, et aquo en maniera que lo dich ostal sia segur   et que si fassa tota réparation necessaris. Item mays es estât ordenat   que lo tresaurier pague a Juan Chaussagros et sa molher XXIII florins,   que li son degus per comprat de l'ostal de Solhabuous (quartier de la préfecture et du tribunal), »
    (Arch. corn.. BB. 8.)
    Ainsi, la ville achetait au prix de 30 florins (en deux      payements) la maison du sieur Chaussegros pour y établir      l'école, c'est-à-dire le collège, et prescrivait les réparations      nécessaires; l'immeuble était situé rue Mère-de-Dieu      (no 34) ; après une série de transformations dont nous      parlerons plus tard et dont la dernière est toute récente,      il est occupé actuellement par l'aumônier du pensionnat      des Ursulines. .En 1476, les registres des trésoriers constatent que la      maison a été appropriée à sa nouvelle destination ; en      1499, il est dit, au compte d'Honnorat Gassendi, que      10 florins ont été payés à Elzêar Aguillenc, clavaire de la      cour royale, pour les droits de lods (ou de mutation) de la      maison d'école. (Arch. coin., G. G.)      Le collège atteignit rapidement une certaine prospérité,      puisqu'on 1481 la chaire de rhétorique et sans doute la      direction en étaient sollicitées par un latiniste élégant, tel      qu'Antoine Ferrier, de Mousliers. Cet aspirant au principalat      écrivait aux consuls de Digne, le 12 avril, une lettre, dont l'original nous a été communiqué      par l'aimable et érudit archiviste des Basses-Alpes,      M. Isnard. Cette lettre est intéressante à plus d'un titre. L'école      est appelée ludus litterarius, ce qui implique l'enseignement      des humanités; le professeur que Ferrier désire      remplacer est un véritable régent de rhétorique, rhetor      ludi Utlerarii. Il étale naïvement, dans un latin tout      cicéronien et à grand renfort de citations classiques,      son érudition et ses principes aux magistrats dignois,      qu'il accable d'épilhèles redondantes.Il fait l'éloge de      l'instruction: il compare la vie humaine à une mer orageuse      et la science à un vaisseau qui nous permet d'y voguer      dans une sécurité complète; la science, dit-il, est le bien le      plus honorable et le plus sûr. Nous ne dirions pas      autrement aujourd'hui.      Il fait ensuite l'éloge de la vertu, compagne indispensable      de l'instruction, et il est convaincu que les consuls      et les nobles habitants de Digne voudront laisser à leurs      enfants un aussi glorieux héritage.      En terminant, il s'offre pour expliquer aux élèves qu'onl lui confiera Térence, Virgjle, les offices et lettres de      Cicéron, Juvénal, Perse, Boèce et Horace, indépendamment      d'une foule de grammairiens.
    Ce programme peut nous paraître ambitieux, mais il      nous atteste que, dès cette époque, l'enseignement      vraiment secondaire était donné au collège de Digne.
    Nous ignorons si Antoine Ferrier fut agréé par les      consuls.      Pendant plus d'un siècle, nous n'avons que de maigres      renseignements tirés des comptes des trésoriers. En 1500,      Honnorat Gassendi paye à Jeanne Martin et à maître      Vincens Roman, recteurs des écoles l'année précédente,      37 florins. En 1518, François Nadal paye les gages ordinaires      à maître Blase Clavau, magister de l'escollo de      l'an passat, 20 florins.
    En 4530, maître Arnaud reçoit 20 florins pour les gages      et le premier quartie. En 1546, il est donné à Johan Bertrand, recteur des écoles, pour son traitement dle
    l'année précédente, la somme de 75 florins. C'était déjà,      pour l'époque, une dépense importante. Plus tard enfin,      en 1580, maître Olivari Jay touche 188 florins.
    On remarquera la progression constante dans les gages      des maîtres du collège. Il est probable toutefois que      plusieurs régents étaient attachés à l'établissement et que      leur traitement était compris dans les chiffres cités.
    Arrivés au commencement du XVIIe siècle, nous      trouvons des documents plus nombreux et moins espacés :      1601. Estienne Clary, régent des écoles, et Maynac, autre      régent, 48 écus, « revenant à 144 livres ».      1607. Roustan, pour le dernier quartier, 17 écus.      Camatte, prêtre,pour le premier quartier,12 écus.      1603. Le même, pour l'année, 50 écus.      1609. Le même,régent du collôge ;(l), 36 écus.      Jean Bruno, avocat en la cour, 34 écus.      1610. Jean Bruno, 50 écus.      1611. Brun, régent du collège, principal des école et      collège, 51 écus.    Bouteillon, autre régent, 24 écus.
(1) Le mot de collège est employé pour la première fois.
L'organisation de l'établissementa fait un pas important, puisqu'il y a un principal chargé à la fois de la direction de l'enseignement primaire et secondaire. Les gages n'étaient pas élevés sans doute, mais ceux des autres employés de la commune ne l'étaient pas davantage. D'ailleurs, on percevait au profit des maîtres une rétribution sur les élèves. Il est bien difficile de se faire une idée exacte de ce qu'était l'enseignement au collège de Digne pendant cette première période; il fut sans doute assez modeste, au début; mais, à l'entrée du XVIIe siècle, il parcourait évidemment le cycle complet des études lalines, puisque Gassendi en prit la direction en l'année 1612,
II.
Gassendi,
 La " dispute" ou concours. — Les Jésuites.
    1612-1743.
 Les biographes de l'illustre Gassendi n'ont pas manqué      de rappeler son enseignement au collège de Digne. Nous      citerons les passages les plus caractéristiques et nous      établirons, à l'aide de documents nouveaux, les dates et      les faits les plus importants.      Nous lisons dans son oraison funèbre, prononcée en      1655 par Nicolas Taxil :
    « Son premier vol fut dans Digne, où, en poursuivant ses estudes par   le seul effort de son génie, il fit part à plusieurs jeunes hommes qui   vivent encore avec esclat    dans cette ville des lumières qu'il avoit apportées de sa solitude (1).
(1) Du village de Champtercier où il était né en 1592.
Ils admirent encore sa facilité à les instruire, sa docilité à les corriger et sa constance à passer ordinairement les nuits à la lecture des bons livres. Il quitta Digne et fut à Aix, où il acheva sa philosophie sous le P. Fesaye, qui m'a dit cent fois que M. Gassendi, estudiant sous luy et n'ayant encore que 15 ans commencés, il estait assez capable pour estre son maistre plutôt que son escholier. Il revint à Digne sur la fin de cette année (1607). pour se trouver à la dispute générale du collège, en laquelle il parut si esclairé en toutes les sciences qu'il gagna le prix sur les sçavants qui se trouvèrent au concours, comme il estait très petit de corps, il renversa, à l'imitation du petit David, ces montagnes de chair, ces gros géants venus des Alpes pour conduire les escholes de Digne. Les arbitres de la dispute ayant remarqué que celuy qui ne paraissait quasi point au milieu de ces grands Régens avait jette des lumières si fortes qu'elles avaient fait perdre la veue, l'esprit et selon leur terme la carte à ceux qui le surpassaient de toutes les espaules. D'abord qu'il eut acquis par son mérite le gouvernement du collège (1), il se rendit si recommandable par les leçons qu'il y faisait tous les jours et qu'il continua pendant quelques années, que les doctes de cette ville, dont le nombre a été grand de tout temps, le regardaient comme un homme miraculeux (2). »
(1) A. de la Poterie nous montre Gassendi principal du collège en 1612. (Documents inédits, p. 8.)
(2) Bulletin de la   Société littéraire des Basses-Alpes: Oraison funèbre pour messire   Pierre Gassendi, prestre, docteur en théologie, conseiller, lecteur et      professeur du roy aux mathématiques, prononcée dans l'Eglise   Cathédrale de      Digne, le 14 uovemhro 1655, par messire Nicolas Taxil (Publiée   par<      M, Tamizey de Larroque.)
  
 A ce témoignage naïf et touchant   d'un contemporain,      nous ajouterons celui du P. Bougerel :" Retourné (d'Aix) à   Champtersier. ses parents n'eurent pas longtemps la consolation de   l'avoir auprès d'eux. Une dispute annoncée pour la chaire de rhétorique   le leur enleva bientôt; il court à Digne, se met sur les rangs, remporte   la chaire quoiqu'il n'eût encore que seize ans. Ce fut au grand regret   de toute la ville qu'il quitta son emploi un an après (1609). "
    Un des derniers biographes du philosophe, Firmin      Guichard, prétend qu'il fut ne pas nommé professeur de      rhétorique au concours, mais que ce fut plus lard, après      son cours de théologie qu'il fut placé à la téte du collège de celte   ville On n'avait pas l'habitude d'établir des concours pour choisir les   professeurs; on était à cette      époque bien content d'en trouver qui consentissent à se dévouer à   celte tâche ingrate et difficile. Sur ce      point, l'exactitude ordinaire de Guichard est en défaut;      il nous sera facile d'établir que les concours étaient      antérieurs même à Gassendi.
    Les registres des comptes nous donnent sur les points      précédents des indications précieuses. Sébastien Fabre,      trésorier en 1612, " pareillement se descharge et fait yssue de la   somme de 24 escus qu'il a payé en deux diverses fois à messire Pierre   Gassend, à présent principal régent      i des escoles de ceste ville, en déduction de ses gages et pour deux   quartiers à eschoir à la fin de mars dernier, ainsi qu'appert des   mandats et aquits qu'il en a concédé au bas d'iceux en date des 23 et 26   novembre 1612,      Geptiesme et treiziesme dudil mois de mars, et       J XXIV escus."
    En 1613, Gassend, régent des escoles, reçoit 12 écus pour      un quartier (trimestre). En 1614, Gassend, chanoine      théologal et régent du collège, touche 60 écus pour      5 quartiers. En 1615, " payé à messire Gassend, chanoine théologal,   cy-devant régent des escoles. et à messire Michel Ollivier, cessionnaire   dudit messire 24 écus pour 2 quartiers ».
    11 résulte de ce qui précède que le principal du collège,      Pierre Gassendi, recevait 48 écus. soit 144 livres par an.      Il est même probable que ce traitement était partagé entre      les régents, dont le nombre, d'ailleurs, devait être fort      restreint. Nous n'avons aucune donnée sur l'enseignement      que recevaient les élèves et sur l'organisation des études :      ce qu'il y a de certain, c'est que les leçons de Gassendi      avaient laissé une impression profonde parmi ses      auditeurs.      Il nous reste à établir combien d'années il demeura au      collège,et à quel titre, A la suite d'un concours, il professa      la rhétorique à l'âge de 16 ans,.au commencement de      l'année 1608, mais nous ignorons la durée de cet enseignement,      « principal régent des écoles » jusqu'en 1615. époque où il      , fut remplacé par Michel Ollivier ; son principalal avait été      de trois ans.      Il n'est resté aucune trace de cette période de la vie de      celui qui devait plus tard s'illustrer comme mathématicien      au .Collège de France, comme philosophe et adversaire de      Descartes. Ce n'est pas un des moindres titres de gloire du      collège de Digne de l'avoir compté au nombre de ses      professeurs et de ses principaux. L'immeuble était des      plus modestes, môme pour l'époque, et il paraîtrait aujourd'hui      à peine suffisant pour une école de village. Au       XVIIe siècle, on n'était pas difficilesur ce point: les élèves,      d'ailleurs, ne devaient pas être nombreux. Et puis la      parole du brillant professeur donnait à l'établissement un      éclat des plus enviables ; ce souvenir protégea pendant     longtemps la réputation du collège. Il y a toutefois un fait earactéristique dans l'organisation       des collèges et des écoles à cette époque, c'est le recrute*merit du personnel enseignant, Les régents sont désignés       chaque année â « la dispute » ou concours,       Dès 1611, les registres des comptes mentionnent une       dépense de 5écus faite dans une auberge par les écoliers       et les régents pour « la dispute >. Cet usage était commun,    du moins en Provence (1).
(1) A Troyes, vers 1600, le principal était élu pour cinq ans par les trois corps de la cité, réunis en assemblée sous la présidence de l'évèque ; il nommait ensuite lui-méme les régents.
« Le régime de l'école est en général baillé pour un an commençantà la Saint-Michel...Le maître est choisi par le conseil de ville, qui s'entoure quelquefois de l'avis des pères de famille, sans autre garantie que sa bonne réputation et ses services antérieurs. Quant à l'agrément de l'autorité ecclésiastique, il a cessé d'être requis, tout au moins à partir du XVI« siècle S'il y a plusieurs candidats, le plus capable est nommé après un concours ou dispute présidé par un jury composé de notables, docteurs en droit canon, en droit civil ou en médecine, et les étrangers qui y prennent part sont libéralement hébergés aux frais de la commune. Mais cette disposition, prescrite par un arrêt de règlement du Parlement de Provence, basé sur la loi romaine et l'ordonnance de Charles IX, n'est légalement obligatoire que pour la direction des grandes écoles (1). »
(1) L'enseignement primaire en Provence, Mireur, pp. 2 et 3.
 Jusqu'en 1631, nous ne trouvons aucune pièce qui nous      permette d'indiquer nettement les conditions de ces      concours dans la ville de Digne. Le conseil général tenu      le 14 septembre de cette année est intéressant à plus d'un      titre :
    " Auquel conseil a été représenté par le sieur premier consul que,   par le défaut de pouvoir avoir des régents suffisants et capables pour   le collège, les enfants ne profitent pas, et que pour l'instruction   d'iceux il est» important à la commune d'établir un collège par des   personnes régulières (Sans doute des religieux), qui   enseigneront depuis la cinquième classe jusque à la philosophie   inclusivement puisque ledit établissement peut être fait sans qu'il en   coûte beaucoup à la communauté par dessus la somme qu'elle a accoutumée   de donner pour la régence du collège, et que le moyen pour établir le   collège se trouve facile; requérant le conseil, au cas qu'il agrée   l'établissement dudit collège, de commettre des personnes telles que bon   lui semblera pour traiter avec les Pères (Prêtres réguliers, les Jésuites sans doute.)   qui seront choisis par ledit conseil, de convenir et traiter avec eux   soit pour le rétablissement, soit des paches, marchés et précautions   qu'il faudra prendre avec eux. Plus ledit consul a représenté qu'ils ont   mis la régence des classes du collège à la dispute, en présence de   plusieurs apparants (notables) de la ville et bailler à ceux   qui se sont trouvés les plus capables, requérant le conseil de le   ratifier et leur donner pouvoir de passer le contrat audit régent aux   gages accoutumés
     (1)"
(1) Arch. com., BB. 23.) — En 1683 (29 novembre), le conseil ratifie des dépenses faites au collège; 12 li\res 13 sols et 8 livres 11 sols pour réparation.
En 1684, le 30 juillet, le conseil se réunit pour le même objet : " Comme aussi a esté délibéré et donné pouvoir aux sieurs consuls de mettre toutes les classes du collège de ceste ville à la dispute et pour ce subjet faire recherche des personnes les plus capables qu'ils pourront pour s'en acquiter et faire mettre des affiches aux villes de ceste province (1) pour advertir de la dispute qu'il sera i faite au jour qui sera assigné par les sieurs consuls et la régeance desdites classes donnée à ceux qui s'en trouveront les plus méritants sans aulcung suport après laquelle dispute le confract leur sera passé par lesdits sieurs consuls aux gages pactes et conditions des précédants (2.) »
(1) Cette particularité est à noter; elle indique que les concours étaient très sêrieux.
(2) Arch. com.
 Ces deux délibérations nous prouvent qu'après le      principalat de Gassendi la prospérité du collège ne s'était      pas soutenue et que le recrutement des professeurs laissait      à désirer ; l'on espérait être plus heureux en s'adressant à      des clercs réguliers, mais sans renoncer au concours      annuel fait en présence de plusieurs notables, probablement      sous la présidence d'un consul. L'intervention de      l'autorité ecclésiastique n'est pas mentionnée, mais elle ne      nous paraît pas douteuse, puisque les candidats étaient      gens d'église. L'on voulait rendre toute son importance      à l'établissement, en y enseignant les humanités et la      philosophie et en donnant une grande publicité à la      é dispute".
    Le 20 octobre 1686, le conseil approuve le choix qui a      été fait par les consuls ; puis il " délibère d'achepter des livres   pour chasque classe pour estre donnés à celluy des escoliers qui en sera   trouvé le plus digne jusques au    » prix de 12 livres" (1). 
(1) Arch.com.
Pour la première fois, à cette date, il est question de récompenser les élèves et de      faire ce que nous appelons une distribution de prix ; le      meilleur élève de chaque classe devait recevoir un      ouvrage.
    Les contrats relatifs aux régents désignés par la voie      du concours sont mentionnés, quant à la période qui nous      occupe, jusqu'en 1692: il est dit, pour cette année (comme      en 1681), que le pacte est conclu " pour la régence des classes depuis la cinquième jusqu'à l'humanité". Il est      probable que les classes inférieures n'étaient pas comprises      dans le concours.
    Les sacrifices faits par la ville avaient augmenté en      proportion du personnel : en 1633 et 1684, 480 livres pour les      gages des régents ; en 1689, le chiffre était moins élevé:    230 livres pour six régents (1).
(1) Arch. com., Registre des Comptes.— Au collège de Verneuil, en 1599, les quatre régents avaient de 20 à 150 écus par an, outre certaines redevances que payaient les élèves,
 Quant aux bâtiments, ils étaient bien exigus; nous lisons      ce qui suit dans un dénombrement des biens communaux      établi le 4 mars 1673 :
    " Plus une autre maison appelée le Collège, où on tient les écoles   dudit Digne, consistant en quatre chambres au carlier de Soleihebeuf,   dans le terroir dudit Digne, confrontant dessus et dessoubs le chemin   public, jardin du sieur lieutenant Daleric et le bastiment et tannerie   de Claude Bellort, mouvant aussi de la directe
    de ladite majesté et dudit seigneur ôvesque de Digne,      chacun par moitié, laquelle maison du Collège ladite communauté possède aussy de toute ancienneté, sans
    en avoir jamais tiré aucun revenu."      Quatre chambres ! Nous voilà bien loin des vastes édifices   construits de nos jours pour l'instruction de la      jeunesse. Qu'on nous permette ici un rapprochement :      le collège de Port-Royal transféré à Paris, rue Saint-Dominique, en   1647, ne comprenait que  quatre chambres, peut-être cinq, devant   contenir six élèves chacune",
    Les Jansénistes évitaient, avec raison, les grandes agglomérations      d'élèves. Les consuls de Digne partageaient-ils      en principe cette manière de voir? Nous l'ignorons.
    Quant au nombre d'élèves présents, nous n'avons malheureusement      aucune donnée pour l'établir.
    Ici, nous sommes obligés de revenir sur nos pas pour      dire quelques, mots des Jésuites, qui, d'après M. l'abbé      Féraud. auraient gardé la direction du collège depuis 1652      jusqu'en 1762, époque de leur suppression. Cette dernière      date est fort contestable.      Les documents que nous possédons n'ont pas toute la      précision désirable ; mais ce qui est certain, c'est que la      célèbre compagnie dirigea le collège avant l'année 1651,      sans préjudice des concours annuels pour la régence des
    classes. Nous lisons dans la délibération du conseil      particulier tenu le 16 septembre 1651 :
    " Encore à ratifier l'acte de la régence du collège en faveur du   sieur Touret, à condition qu'il souffrira la direction et le soin que   les R. P. Jésuites en ont." 
    Il est impossible de déterminer nettement en quoi       consistaient "la direction et le soin" des Jésuites, puisque       le conseil communal se réservait toujours le choix et la
    nomination des régents. Il y eut des tâtonnements et de longues hésitations, car l'on délibéra plusieurs fois sur       l'établissement d'un nouveau collège qui serait placé
    entièrement sous la main des Jésuites, mais sans aboutir.le conseil municipal aurait demandé       la fondation d'un collège de Jésuites à Digne: le       général de l'ordre ne voulut prendre aucune décision avant       d'en avoir conféré avec le P. Provincial ; il promettait       toutefois son concours le plus bienveillant.       A la même date, le P. Antoine Richeome assurait aux       consuls qu'il userait, à Rome, de toute son influence pour       la réussite " d'une si noble négotiation". Le 6 juin, le P, Guillaume de Lange écrivait d'Aix aux consuls dans       le même sens,
    Quatre jours après, le premier consul, sieur de Trévans,       communiquait cette lettre au conseil, lequel donnait pouvoir       aux magistrats municipaux de dresser la minute des articles pour   l'établissement du collège, avec telles personnes qu'ils trouveront à   proposi. Dans le       conseil général tenu le 17 juin, il est dit que " le sieur consul a   représenté, ensuite de l'assemblée qui avait été       t tenue l'année dernière de presque tous les apparants, à laquelle   fut délibéré de moyenner d'avoir un collège des R, P. Jésuites dans   cette ville, et dont fut député huit ou dix personnes pour travailler   incessamment à ce glorieux dessein et d'autant qu'il est à propos de   faire savoir
    au conseil les avantages que la communauté doit donner, c'est : 1°   3.000 livres de pension annuelle, à ce compris le revenu des biens   qu'ils possèdent en cette ville, Aiglun et Mirabeau, à eux légués par la   dame d'Espinouze et le sieur de la Robine ; lesquels biens étant vendus   seront d'autant pour la quittance des 3,000 livres. Il faut aussi leur   bâtir un collège et le meubler suivant la portée de la ville, qui   coûtera plus de vingt mille livres. "        Le conseil donnait tout pouvoir aux consuls pour mener        cette affaire à bonne fin.
    On revint, le 22 septembre 1656, sur cette question :
    "— Encore a été proposé que le collège étant fort éloigné de la   ville la jeunesse est fort incommodée soit par le chaud, soit par le   froid ou en temps de pluie ; et
    d'autre part que n'y ayant que quatre classes il faut d'ordinaire   prendre à louage deux chambres pour les deux petites classes ; de sorte   qu'il serait nécessaire de
    pourvoir à faire bâtir un autre collège et vendre les     autres bâtiments anciens. De quoi (les consuls) ont conféré avec les R. P. Jésuites, qui ont offert de bailler la grange et jardin qui est au devant de leur maison (1),
(1) Nous ignorons où était située cette maison. Le collège était simplement un externat et les régents se logeaient en ville.
 ce qui sera un moyen plus propre   pour avoir plus de soin de la direction qu'on leur donne dudit collège.   Sur lesquelles propositions a été délibéré que les consuls pourront   faire mettre à l'enchère la vente des bâtiments du collège et donne   pouvoir à iceux de traiter de la place par eux désignée el faire mettre   la bâtisse à l'enchère pour la délivrer à celui qui en fera la condition   meilleure".
    La vente de l'ancien collège et la construction du   nouveau n'eurent pas lieu. En 1681, le conseil envoya une   dôputation vers les P. R. de la Mission à Marseille pour
    les prier de se départir en faveur du collège du legs de la   dame d'Espinouse fait à eux, ainsi qu'aux Pères Jésuites et   au Pères de l'Oratoire, dans le but de fonder à Digne une   maison d'éducation religieuse . En 1682, on entra en   pourparlers avec les Pères de la Doctrine chrétienne pour   la direction du collège et la construction d'un bâtiment,   neuf; le tout sans résultais. En 1718, nous trouvons   mentionné l'enregistrement d'une ordonnance royale   autorisant le sieur évêque de Digne à rétablir toutes les   classes du collège et lui donnant le pouvoir de nommer   pour régents les personnes qu'il jugera les plus convenables.
    C'est pour la première fois que les ecclésiastiques, au   détriment des magistrats municipaux, sont clairement   investis d'une autorité souveraine sur le personnel enseignant.   Il n'est plus désormais question des Jésuites; nous ignorons à quelle date ils quittèrent la direction du   collège.   L'ancienne prospérité de l'établissement semble n'être   plus qu'un souvenir. Il est temps que les consuls avisent ;   il ne le feront qu'en 1743 (1).
(1) 11 n'est pas sans intérét de mentionner qu'en 1738 la commune envoie un placet à M. de La Tour, intendant, pour obtenir l'autorisation d'établir deux frères de l'école chrétienne. La demande est rejetée parce que la ville est déjà trop endettée. Mais, en 1743, nous constatons la fondation d'une maison dirigée par deux frères de l'école chrétienne pour apprendre les garçons à lire et l'arithmétique, avec une rétribution annuelle pour chacun (frêre) de 200 liues payables à l'avance et par quartieir. (Arch. com, B B.) Dès lors, l'enseignement primaire est donné à part.
III.
Réforme du Collège et construction d'un nouvel établissement,
1744-1786.
 Les consuls résolurent de tenter un   grand effort et      de réorganiser les classes du collège; le 6 octobre      1743, le conseil général de la commune délibérait sur      la situation du collège. Le sieur Francoul, premier      consul,  "représente qu'on a depuis longtemps le désagrément de voir   que le collège de cette ville, qui anciennement était un des meilleurs   collèges de la Haute-Provence et des plus fréquentés, devient d'année en   année plus désert et ne donne que fort peu des (sic) bons écoliers. Les   émoluments attachés à chaque classe étant devenus trop modiques par la   vicissitude des temps qui a tout enchéri ot ne permettant plus   d'employer à l'éducation de la jeunesse des ouvriers  tels qu'un soin   aussi important le demanderait, l'insuflsance de ceux sur lesquels on   était forcé de se rabattre, était la seule cause de ce dépérissement.   Dans ces justes idées, comme il n'y a rien qui intéresse davantage une   communauté, qui est la mère de ses habitants, que l'éducation de la   jeunesse; que c'est de ce point que partent les bons juges, les bons   prêtres, les bons administrateurs, en un mot les bons citoyens, on a cru   que, pour rétablir le collège dans son ancien lustre. il fallait aller à   la source du mal et attribuer à chaque classe en particulier des   émoluments proportionnés au travail, capables non seulement d'attirer   des (sic) bons régents, mais encore de les retenir"
    Il propose donc de donner au régent de sixième 120 livres,       à celui de cinquième 130, a celui de quatrième 140, à       celui de troisième 150, à celui de seconde 160 et à celui       de rhétorique 200, soit un total de 910 livres, au lieu de 510       comme précédemment.
    Suivent des propositions que nous trouverons dans une       autre délibération, qui sera transcrite à cause de son       importance. Toutefois, dans cette dernière, n'est pas mentionnée       une prescription ainsi formulée :"       Les consuls laisseront à l'arbitrage des régents le soin de faire   faire de temps à autre à leurs écoliers quelque exercice littéraire pour   rompre la timidité naturelle aux enfants; bien entendu que ce sera sans   préjudice du travail ordinaire, s'en reposant à cet effet sur leurs   attentions et leurs bonnes volontés."
    Les excellentes intentions du conseil ne sont pas suivies       d'effet. Une nouvelle délibération est prise cinq ans       après, le 18 août 1748; elle renferme un véritable plan
    d'études ; la voici; en entier :
    "L'an mil sept cent quarante-huit et le dix-huît du mois d'aoust à      Digne, dans la salle de l'hôtel de ville, de l'autorité de messieurs   les maire, consuls, lieutenants généraux de police de cette ville de      Digne, le conseil général de la communauté a été convoqué et      assemblé à leur requête par Joseph Espitalier, trompette ordinaire
    de la ville, qui a fait précéder les criées et proclamations par tous      les lieux et carrefours de la mémo ville accoutumés, par devant      M. Me Hiacinthe Corriol (1),
(1) Après avoir fait ses études au collège, il devintt un jurisconsulte de mérite et composa des vers estimables. Il e'st pemis de supposer qu'il a rédigé cette remarquable délibération, D'aplès l'abbé Féraud, il naquit à Digne en 1710 et y mourut en 1751.
avocat en parlement, sieurs Hiacinthe Agnely, bourgeois, Jean-Joseph Besson, maître apothicaire, sieurs consuls modernes, lieutenants généraux de police, autorisant ledit conseil en absence de M. le Maire, auquel conseil ont été présents avec Mrs les consuls : Me Jacques-Etienne Francoul, sieur de la Javie, avocat, Me Louis Yvan, notaire royal et procureur au siège, Sr Jean-François Magaud, marchand, sieurs consuls vieux, Sr Joseph-Dominique Jouine, bourgeois, Mes Gaspard Guilton, sieur de Barras, Jean-Pierre Amoureux, avocats, Joseph Trabuc à feu Joseph, cordonnier, Gaspard Nicolas, bourgeois, Joseph Esmiol, négociant, Gaspard Mayet, marchand, Pierre Michel, négociant, Jean Mégy, ménager, François Arnaud, revendeur, Me Pierre Guieu, greffier ea la sénéchaussée, Me Joseph Mcyronnet, avocat, Joseph Chaix, ménager, François Lombard, négociant, Jacques Marrot, marchand, Augustin Bully, négociant, Pierre Gassend, revendeur, Honoré Magaud, serrurier, et Gaspard Civatte, boulanger, tous conseillers au dit conseil ou subrogés à yceluy.
Rétablissement du Collège.
Auquel conseil il a été représenté pat Mrs les consuls de la bouche du sieur Corriol, premier consul, que depuis l'interruption ou pour mieux dire la cessation du collège, on voyait journellement la dissipation, l'ignorance et les vices, enfants de l'oisiveté, gagner la jeunesse de la ville; que tout ce qu'il y a de pères et de gens à méme de le devenir, tout ce qu'il y a de gens sensés et amis du mérite et de la vertu soupiraient après le rétablissement de ce même collège; que l'intérêt de la communauté ne saurait être ni plus réel ni plus pressant que de pourvoir à un besoin aussi essentiel, puisque ce n'est que dans le collège, où se jettent les semences d'une bonne éducation, qu'elle peut trouver cette pépinière toujours renaissante de bons sujets et de bons citoyens en tout genre, qui seuls peuvent en être l'honneur et l'appuy; que monseigneur l'évêque désirant concourir à une oeuvre dont il sent mieux qu'un autre toute la conséquence, il (sic) était entré avec eux en connaissance de ce qui avait pu en occasionner la décadence et la chute, et qu'ils avaient reconnu que d'un côté les émoluments étaient encore trop modiques dans chaque classe, quoique la totalité en eût été portée à neuf cents livres par délibération du conseil du sixième octobre 1743; et que de l'autre la séance publique, où l'on disputait les classes et où elles étaient distiibuées, étant indistinctement composée de toute sorte de personnes entendues et non entendues, cette assemblée était souvent indécente et tumultueuse, de sorte que la plupart des régents ne trouvant pas au fonds un intérêt qui pût répondre à la peine et étant par surcroît rebutés par la forme, il ne fallait pas être surpris qu'il ne se présentât pas un nombre suffisant de sujots capables pour remplir le collège. Dans ce point de vue, Mrs les consuls auraient formé un plan de rétablissement par lequel, sans blesser le droit de la ville touchant la dispute des classes, on ne laisse pourtant pas que de réformer et de rendre la séance publique d'ycelle, plus régulière, plus décente et mieux entendue, et par lequel avec une légère augmentation, on pourvoit suffisamment aux honoraires de chaque régent, au moyen de quoi on a.lieu de se flatter que la double cause du mal étant otée, on verra renaître dans la ville un collège remply par de bons régents et féconds en bons écoliers. Voici le plan que Mrs les consuls se sont proposés de faire agréer au présent conseil, et sur lequel il s'agit aujoind'hui de délibérer.
Nouveau plan. — Honoraires.
 1° Au lieu de cinq cent dix livres par an que la communauté      donnait anciennement et qui ont été portées à neuf cents livres par      la délibération dont on a parlé ci-dessus, elle donnera annuellement      mille livres qui seront distribuées de la manière suivante :
    Au régent de rhétorique deux cent quarante livres, ci. 240 » (1)
    Au régent de seconde cent quatre-vingt-dix livres, ci. 190 »
    Au régent de troisième cent soixante-cinq livres, ci.. 165»
    Au régent de quatrième cent cinquante livres, ci..... 150 >
    Au régent de cinquième cent trente-cinq livres, ci.... 135 »
    Au régent de sixième cent vingt livres, ci 120 »
    Total 1,000 »
(1) Au collège de Montpellier, en 1791, le principal avait 1,200 livres, le      professeur do philosophie 900 tt les autres 800.        — A Vire (Calvados), en 1747, le
    régentt de rhétorique avait 500 lhies et les autres 400.       — An collège de Dôle, en 1765, après l'expulsion des Jésuites, le prinçipal    avait 800 livres et les régents de 400 à 600. (Le Collège de Dôle, p. 80.)
 'Lesquels honoraires seront payés à chaque régent en particulier      en quatre payements égaux, dont trois de trois en trois mois, et le      dernier après la clôture du collège, sur Lls mandats que MM les      consuls en adresseront au trésorier de la communauté.      Chaque écolier qui répétera chez son régent donnera vingt sols
    par mois en sixième et en cinquième, vingt-einq sols en quatrième      et en troisième, trente sols en seconde et en rhétorique, sans que   les      régents puissent rien prétendre ni exiger au delà.      Et afin que l'augmentation des honoraires des régents sur le pied      ci-dessus soit moins à charge à la communauté, chaque écolier   indifféremment,      soit de la ville, soit étranger, payera six livres par      chaque année qu'il étudiera dans le collège/ lesquelles six livres      seront exigées par le trésorier de la communauté par tout le mois      de novembre de chaque année, suivant l'état et le rôle qui sera   arrêté      par MM. les consuls et par eux remis audit trésorier, sauf de   comprendre dans ledit rôle les écoliers qui pourront entrer au collège      après ledit mois de novembre, lesquels payeront également six   livres,      et sans espoir, à ceux qui n'achèveront pas l'année d'étude, de      répétition desdites six livres au prorata du temps qu'ils n'auront   plus      fréquenté le collège.
Dispute des classes. —Séance publique de la dispute des classes.
 1 Le jour de la dispute des classes sera tous les ans indiqué suivant      l'usage, au temps ordinaire, et par affiches de l'autorité de MM. les      consuls et à leur diligence.
    2 Les régents et candidats seront tenus de se présenter dans la      maison de ville au jour indiqué et ne seront reçus (Admit.) au concours      que ceux qui rapporteront par écrit l'aprobation de Mgr l'évêque.      3  MM. les consuls convoqueront l'assemblée qui devra      connaître du mérite des compétiteurs et prononcer sur la distiibution      des classes et y inviteront par billet douze personnes capables d'en      juger sainement et avec impartialité, qu'ils choisiront indifféremment      dans tous les oidres de la ville, laïques et ecclésiastiques, séculiers et      réguliers desquelles personnes procéderont conjointement avec eux      à l'examen des candidats, soit en les interrogeant, soit en leur faisant      expliquer les auteurs classiques, soit en leur donnant à faire des      vers, des thèmes, des amplifications,etc.
    4 Les Srs consuls piésideront à cette assemblée et y auront voix      délibérative de même que chaque examinateur en particulier, en      observant néanmoins qu'en cas de pailage la voix de MM. les consuls      sera pondéralive.      5 Le tiavail qu'on aura donné à faire à chaque concurrent une      fois fini, les sieurs consuls en retireront les copies, qu'ils   mettront      toutes sous une même enveloppe à laquelle chaque examinateur      pourra mettre son cachet et si bon lui semble, pour être ladite      enveloppe ouverte le lendemain dans une autre séance à laquelle les      mêmes personnes seront priées de se trouver pour faire la lecture et   l'examen des copies y contenues, et être ensuite prononcé sur icelles      à la pluralité des voix, et les classes distribuées en conformité   des      sufrages.
    Les classes ainsi distribuées, MM. les consuls feront appeler les      candidats en présence des examinateurs; ils leur donneront connaissance      du jugement qui aura été porté par rassemblée et de l'adjudication      qui aura été fait de chaque classe ensuite de l'examen et du      résultat des opinions.
Règlement pour la conduite de la police du collège.
 1 Chaque régent entrera dans la classe depuis le jour et fête de      St Luc (18 octobre.), jour de la rentrée du collège, jusques à Paques à huit      heures du matin précisément jusqu'à dix heures, et depuis Pâques      jusques à la clôture des classes à sept heures du matin précisément      jusques à neuf, et l'après midi pendant toute l'année à deux heures      précises jusques h quatre heures, de façon que la classe dure      toujours deux heures le matin et deux heures le soir.      2 II n'y aura de congé depuis la rentrée du collège jusques à      Pâques que l'après midi de chaque jeudi, et'depuis Pâques jusques      à la clôture du collège que le jeudi entier.
    3 Chaque régent aura soin le jour de congé de donner à ses      écoliers un devoir suffisant pour les occuper, de façon qu'il ne leur      reste ni trop de temps à perdre ni assez pour se dissiper.      4 Chaque régent dans sa classe faira composer ses écoliers tous les      vendredis au soir et tous les samedis au matin et distribuera les      plaees avec connaissance de cause et sans parcialité, rien n'abaissant      plus le courage (coeur, sentiments) des enfants que des préférences injustes, dont,      malgré leur jeunesse, ils ne s'aperçoivent que trop.
    5 Il y aura annuellement deux compositions générales, savoir :      une lors de la rentrée, pour distribuer les écoliers chacun dans la      classe pour laquelle il sera jugé propre, et l'autre quelques mois   après, selon que MM. les consuls l'indiqueront, pour voir si les   écoliers      profitent et si les régents en ont tous les soins qu'on doit en
    attendre.
    6 MM. les consuls assisteront, si bon leur semble, à l'une et      à l'autre de ces compositions, de même qu'à l'examen des copies,      sauf à eux de proposer des petits prix lors de la seconde composition      pour exciter l'émulation des écoliers et faire naître dans leur coeur    le désir de gloire si capable d'enfanter des merveilles.
Fixation du congé des classes.
 7 Les régents ne pourront congédier les écoliers, savoir celui de      rhétorique avant le vingt-cinq août, fête de St Louis, celui de      seconde avant le premier septembie, celui de troisième avant le      huit du même mois et fête de la Ste Vierge, et les autres avant le      vingt-un dudit mois, fête de St Mathieu, à peine de perte du dernier
    quartier de leurs gages.
    8 Tous les régents seront au moins clercs tonsurés et le régent      de rhétorique prêtre, tant que faire se pourra.      9 Le régent de rhétorique sera préfet du collège, et en cette,      qualité il aura inspection sur les autres régents, droit d'entrée et de      visite dans leur classe, en un mot la direction ordinaire du collège,      bien entendu cependant qu'il sera libre à MM. les consuls de      nommer tel autre préfet qu'ils aviseront, s'ils le jugent nécessaire      pour le plus grand bien du collège.      10 Aucun régent ne pourra faire la répétition en classe, les deux      heures de temps qu'il y passera étant plus que nécessaires soit pour      la dispute des places, soit pour la dictée des thèmes ou autre travail,      soit enfin pour la lecture des copies et l'explication des auteurs.
    10 Chaque régent parlera à ses écoliers avec toute la politesse      possible et aura soin de leur en faire observer exactement les   règles      parmi eux; il les reprendra avec douceur et avec gravité et       sévira contre eux que pour des fautes grièves cl après avoir tenté   inutilement les voies douces qu'on lui conseille, rien n'étant plus      propre à dégrader le conir que les coups (1).et ennoblir le sentiment    que la douceur.
(1) Réfléxioni à remarquer dans un siècle oti les châtiments corporels étaient d'un usage général et fréquent.
12 Enfin, comme l'éducation de la jeunesse a deux parties essentielles qu'on doit faire marcher de front, qu'il serait inutile et même nuisible de cultiver l'esprit si l'on négligeait le coeur, MM. les régents élèveront à la vertu plus encore qu'aux belles lettres la jeunesse qui knr sera confiée. Ils n'ont qu'à lire la manière d'enseigner de M. Rollïn (1) ; ils ne peuvent guère en ce genre choisir de meilleur maître que lui.
(1) Le Tiaité des éludes est de 1725 1728.
Règlement concernant les moeurs que monseigneur l'évêque a donné pour être inséré dans la présente délibération et à la suite de ceux de la ville,
 1 Tous les matins, après la classe,   tous les écoliers, de deux à      deux, iront dans une église des plus prochaines entendra dévotement      la Ste messe, qui sera dite par un des régents et à. laquelle les   autres      .régents assisteront pour contenir la jeunesse dans le respect que      demande le St sacrifice.      2 MM. les régents saisiront avec attention toutes les occasions qui      se présenteront pour inspirer à leurs écoliers les sentiments de   piété      et de religion qui sont capables de leur former le coeur et   l'esprit,      pour leur insinuer l'amour qu'ils doivent avoir pour Dieu et pour le      prochain, la fidélité aux commandements de Dieu et de l'église, le      recueillement et le respect dans les églises, la modestie dans leur      démarche et la pureté dans leurs paroles comme dans leurs actions.      3 Outre les petits traits d'instruction qu'on peut faire glisser      fréquemment et insensiblement en conversation, MM. les régents leur      feront régulièrement le catéchisme chaque samedi de la semaine      pendant la dernière demi-heure du soir, et ils ne finiront jamais   sans      les exhorter à se confesser souvent et à recevoir la Ste   eucharistie. 4 Ils exigeront des écoliers qu'ils se confessent au moins   une fois      chaque mois et ils les obligeront de rapporter un billet de   confession ;      ils ne laisseront passer aucune fête mobile ou du Sauveur ou de la      Sle Vierge sans les exhorter et les presser même à se sanctifier par      l'approche des sacrements, ainsi qu'aux fêtes de leur patron.      5 Ils exigeront encore d'eux qu'ils assistent tous les dimanches      aux prônes et aux catéchismes qui se font à la paroisse, et il y   aura      toujours uu de MM. les régents qui y assistera avec eux tant pour
    observer les écoliers qui manqueront que pour contenir dans le      respect ceux qui y assisteront; en un mot, ils n'épargneront rien de      tout ce qui peut contribuer à les faire croître en piété et vertus      chrétiennes, ainsi qu'en science.      6 MM. le préfet et principaux régents défendront à tous les      écoliers, en conséquence de la défense qui leur est faite à eux-mêmes,      toute entrée dans les cafés, jeux publics, chasse et cabarets, comme      encore de se dépouiller tous nuds pour se baigner en compagnie dans      la rivière, sous peine : la première fois d'être avertis avec correction,      la seconde, être sévèrement punis, et la troisième d'être honteusement      chassés et mis hors de la classe ; et si messieurs les régents apprenaient      de certains désordres, ils en avertiraient avec prudence Mr le      préfet ou les autres supérieurs ou grand vicaire qu'ils trouveraient      bon, pour y être par eux remédié.      Tel est le plan que MM. les consuls proposent au présent conseil      pour parvenir efficacement au rétablissement du collège, requérant      qu'il y soit par ledit conseil délibéré.      Délibération touchant le rétablissement du collège.
    Sur quoi le conseil, parfaitement convaincu de la nécessité qu'il      y a de rétablir le collège et piaillement informé du plan et du      règlement dont en la proposition pour en avoir entendu la lecture,      après avoir remercie Mgr l'évêque de l'intérêt qu'il veut bien   prendre      à l'éducation do la jeunesse de la ville et des règlements vraiment      digues de sa sagesse et de sa sollicitude pastoiale, qu'il souhaite   de      faire insérer dans la présente délibération avec ceux de la   communauté,      a unanimement délibéré de porter jusqu'à mille livres par an      la totalité des honoraires de tous les régents, lesquelles seront   dislribuées et payées en conformité du susdit plan, et afin que cette      augmentation soit moins onéreuse à la communauté, le conseil a      délibéré d'imposer sur chaque écolier, soit de la ville, soit   étranger,      une taxe de six livres pour chaque an qu'il étudiera, laquelle sera      exigée annuellement par le trésorier de la communauté, ainsi et de      la manière qu'il est porté dans le même plan; ci à l'égard de   l'assemblée      publique de la dispute des classes, le conseil a fixé à douze      le nombre des personnes qui y assisteront, non compris MM. les      consuls; lesquelles douze personnes seront par eux invitées à ladite      assemblée et procéderont conjointement avec eux à l'examen      des candidats et à la distribution des classes aussi en la forme      et à la manière portée par le susdit plan; et lesdits règlements,      lesquels le conseil agrée et approuve dans tout leur contenu      et veut être inscrits dans la présente délibération aussi bien      que ceux de monseigneur l'évêque pour être exécutés dans      toute leur étendue selon leur forme et teneur, donnant le pouvoir à      MM. les consuls de s'adressar à monsaignenr l'intendant ou par   devant      qui il appartiendra pour faire homologuer la délibération du présent      conseil afin que, munie ilu sceau de l'autorité, elle ne puisse   souffrir      aucune difficulté dans l'exécution      Et plus n'a été délibéré; fait et publié au lieu et en présence      que dessus et ont MM» les consuls signé avec le greffier de la    communauté.      Signés : CORMOI,, consul; ÀGNËLLY, consul; UKSSON, consul;     MAUÏIN, greffier.
 Ce document dont l'importance est évidente, peut donner      lieu à un certain nombre d'observations.      La subvention de 510 livres allouée précédemment par      la ville est portée à 1.000. Outre le traitement indiqué plus      haut, chaque régent recevra de chaque élève une rétribution      variant de 20 à 30 sols par mois.Chaque année, suivant l'usage, les professeurs sont      nommés au concours, en séance publique, devant un jury      de douze personnes siégeant à la maison de ville et prises      indifféremment parmi les ecclésiastiques ou les laïques,      sous la présidence des consuls. Les candidats ne peuvent      se présenter sans l'agrément de l'autorité épiscopale ;      ils doivent être, d'ailleurs, au moins clercs et tonsurés,      Le système de la dispute annuelle ne manquait pas d'originalité et d'imprévu: il maintenait une émulation salutaire
    entre les régents et il offrait des avantages sérieux, à une      époque où l'État n'avait encore rien centralisé et où il      n'avait pas sous sa main un corps universitaire chargé de      distribuer l'enseignement au degré primaire, secondaire      et supérieur. Les municipalités, obligées de veiller elles-mêmes      à ce soin important,ne pouvaient compter que sur les      ressources propres de la commune, et elles s'ingéniaient,      celles de Digne du moins, à les ménager sans compromettre      l'instruction des enfants.      Sans nul doute, le concours annuel ne donnait pas la      stabilité au personnel, mais il paraît en avoir assuré le      bon recrutement, ce qui est capital. Il est certain, d'ailleurs,      que, dans la pratique, le jury, composé d'hommes instruits,      tenait compte des services déjà rendus au collège et qu'il      n'éliminait par les bons régents désireux d'être maintenus      à leur poste ; de plus, il savait mettre en relief les aptitudes      des concurrents jeunes, par exemple celles d'un Gassendi.      Nous reconnaissons sans peine que l'organisation      actuelle est bien préférable et que la fin de ce siècle      marquera dans l'histoire par les progrès accomplis dans      l'organisation et la diffusion de l'enseignement. Et. sans      parier ici de l'instruction primaire, l'État, au moyen des      examens du baccalauréat, de la licence, du doctorat et      par les concours d'agrégation, recrute régulièrement des      professeurs capables, auxquels il assure des situations      honorables et définitives. Mais les bienfaits du présent ne      sauraient nous rendre injustes pour le passé et nous faire méconnaître les efforts tentés jadis pour l'instruction et      l'éducation des jeunes Dignois.      Reprenons notre analyse. Les classes sont de deux      heures le matin et le soir, La rentrée a lieu le 18 octobre ;      congé chaque jeudi, dans l'après-midi, depuis la rentrée      jusqu'à Pâques, et toute la journée jusqu'à la fin de      l'année classique : composition le vendredi soir et le samedi      matin ; vacances pour la rhétorique à partir du 25 août,    pour la seconde avant le 1° septembre, pour la troisième      avant lo 8, et pour les autres classes avant le 21,
    Depuis lors, les choses ont été bien changées; nos      écoliers ont deux mois, indépendamment des sorties,      des congés du jour de l'an, de Pâques et de la Pentecôte:
    oserait-on dire qu'ils soieni satisfaits ? On assure, d'ailleurs,      qu'ils sont  "surmenés"  et qu'il y a urgence à      leur donner des vacances plus longues et des classes      plus courtes, Mais revenons à l'année 1748.
    Le régent de rhétorique est préfet du collège et en a la      direction effective. Tout nous indique que l'établissement      ne recevait que des externes.      Il est recommandé aux maîtres de reprendre les élèves      avec douceur et gravité, de ne recourir aux châtiments corporels      que dans des cas exceptionnels et de ne pas négliger
    l'éducation proprement dite. Sur ce point, les conseils      donnés rappellent ceux du « bon Rollin », dont on      invoque l'autorité et dont « la manière d'enseigner »
    guidera les régents. De cette façon, MM. les consuls n'ont      pas besoin d'entrer dans de longs développements; le      Traité des Études constituait, comme on dit aujourd'hui,      une méthode et un programme. Mais, d'autre part, les prescriptions relatives aux devoirs      et à l'enseignement religieux sont établies avec précision
    et détail par l'autorité ôpiscopale et acceptées avec      reconnaissance par les magistrats municipaux.
    En somme, nous reconnaissons volontiers que les consuls      et les conseillers dignois s'intéressaient très vivement aux      études secondaires et qu'ils étaient animés d'intentions      libérales. En effet, si aujourd'hui les théories de Rollin      nous paraissent timides et entachées parfois de routine,      il ne faut pas oublier que beaucoup de gens, au      XYIIIe siècle, même parmi les univeisitaires, les regardaient      comme hardies et dangereuses.      Nous ignorons quels furent les résultats de cette réorganisation 
    des études et du personnel. Les documents      nous font défaut jusqu'en 1763.
    C'est à celle époque que l'on s'occupe à nouveau de      construire des bâtiments plus spacieux. En réponse à une      lettre du procureur du roy (près la communauté) datée du      13 mars 1763, les consuls publient un mémoire où il est dit       que le collège comprend six classes jusqu'à la philosophie      exclusivement, dirigées par six prêtres séculiers (1) désignés      au concours; on voudrait augmenter les revenus de      l'établissement (2) en le réunissant au séminaire fondé      par le testament de Me Pierre Gassendi du 1° décembre    1710.
(1) A quelle date les séculiers avaient-ils remplacé les religieux ? Nous l'ignorons.
(2) L'époque de l'établissement de ce collège est tellement ancienne qu'on n'a pu la trouver.
 D'après M. Fisquet, ce séminaire occupait les bâtiments      d'un ancien couvent des Frères de la Trinité et de      la Rédemption des Captifs ; c'est là qu'on installera plus
    tard le collège d'une manière définitive. Pendant cette période, le collège n'est pas inscrit sur      l'état des charges et nous ne relevons que deux indications      ; le 3 avril 1781, mandat de 285 livres à MM. les      régents pour les deux premiers quartiers: le 14 avril      1784, mandat de 292 livres 10 sols pour deux quartiers      « d'honoraires « 
    " En 1782, nous dit M. Bondil, le collège était au faubourg de Soleihe-Boeuf, vers l'extrémité de la rue Mère-dc-Dieu (1).
(1) Nous lisons dans un rapport (de 1808) à l'appui d'une demande en vue      d'obtenir l'autorisation de vendre des immeubles communaux: " Le domaine
  de l'ancien collège, situé rue de Soleilhe-Boeuf, consiste en un   bâtiment construit sur deux voûtes servant de cave, appartenant à deux   particuliers.      Il confronte du levant la maison de François Granoux, du midi le   chemin, du couchant le jardin possédé par J.-B. Chaspoul et du   septentrion la place dite du Collège. (Suit le nombre des pièces : deux   au rez-de-chaussée,du côté de la place, quatre au 1er étage, par-dessus   un galetas; surfacce      120 mètre." En 1810, le 16 mars, cet
    immeuble fut vendu pour 2,000 francs à M. Joseph Raimond.
  
 C'est là qu'en 1632 la jeunesse du   pays avait commencé de recevoir les doctes leçons de quatre Pères de la   Compagnie de Jésus. A peine arrivé dans
    son diocèse, M. de Villedieu, jugeant qu'il serait avantageux au collège et au séminaire (1) que ces deux» établissements fussent réunis, autant du moins qu'il
    serait possible, fit agrandir les bâtiments des anciens Trinitaires,   secondé en cela par la ville, qui, à la sollicitation de M. d'Issmivy   d'Auribeau, inaire en 1785,
    contribua pour une somme de 5.000 livres environ. 
(1) C'est seulement en 1807 que le grand sémiuaire fut transféré dans le couvent des Cordeliers, où il est encore.
Le collège fut donc réuni au séminaire, et il ne resta qu'une petite école dans la première maison." La construction d'un nouveau collège fut donc résolue d'un commun accord entre les consuls et l'autorité êpiscopale; nous n'avons malheureusement pas retrouvé la délibération importante du 1er avril 1785, dans laquelle les conditions furent établies. Nous savons seulement ceci: l'architecte, M. Goby, toucha 190 livres pour le plan de construction, dont le devis s'élevait à 3,800 livres; le 25 septembre 1785, le conseil d'État autorisa la communauté de Digne (suivant la délibération du 1er avril) à emprunter 6,000 livres " pour faire construire dans un emplacement contigu au séminaire des salles destinées à recevoir les enfants que les supérieurs seront chargés d'enseigner". D'après les pièces communales, les dépenses soldées au 20 septembre 1786 s'élevaient à 6,400 livres. Aussi, le 29 octobre, la délibération suivante était prise : "Après quoi, il a été représenté au conseil par messieurs les maires et consuls ,de la bouche de Laserre, maire; que, suivant le devis et adjudication, le nouveau collège devait être composé d'un rez-de-chaussée pour trois classes et d'un étage au dessus pour servir dans le cas où l'on admettrait à l'avenir quelques pensionnaires (1) ;
(1) Il est ici question pour la première fois d'un pensionnat.
 que la      clôture de la cour, portes et fenêtreset bien d'autres dépenses majeures      n'étaient point comprises dans ce devis; que Mgr l'évêque a bien      voulu faire élever un second étage à ses dépens propres et personnels      pour rendre l'édifies plus agréable et plus utile; que les six mille      livres délibérées se trouvent entièrement consommées et qu'il reste
    encore bien des choses à faire; qu'à cette occasion les Srs consuls      ont été remercier Mgr l'évêque et conférer avec lui sur les besoins      ultérieurs de cet établissement, qu'il a été reconnu que la cour en      fausse équerre était trop petite pour qu'on pût y placer un logement      de portier ni aucun autre bâtiment qui pourroit être jugé utile à
    l'avenir sans masquer l'édifice principal et occuper une grande   partie de la cour, et qu'il serait bien nécessaire d'allonger cette cour      de vingt-six pieds du côté de la llléone. —- De plus, il a été   encore      observé que le petit passage dû au public et l'égont des eaux   corrompues      toucheraient immédiatement l'encognure du bâtiment du      collège, ce qui seul est un inconvénient majeur pour une maison      d'éducation et qu'il serait bien important d'acquérir non seulement      les vingt-six pieds dans tonte la longueur correspondante au terrain      actuel du collège, mais encore, pour éviter qu'à l'avenir des   constructions      trop voisines du collège n'en rendent l'habitation désagréable      ou malsaine, il serait encore nécessaire d'acquéu'r les trois   jardins      contigus savoir celui appartenant à madame de Brenon, celui      de Saurin, maréchal à forge, et celui de Bonffigue, ferblanquier,      et de donner l'écoulement des eaux et le passage derrière les murs      qui enclorront ces terrains. Toutes lesquelles choses reconnues très      importantes au bien général, messieurs les consuls ont représenté à      Sa Grandeur qu'il était impossible dans ce moment de proposer à la      communauté une dépense aussi grave que l'acquisition des terrains      susdits, et les enclotures qui en sont la suite. Sur quoi Mgr   l'évêque      leur a répondu que, persuadé du grand bien religieux, civil et      politique qui doit résulter de la renaissance      d'une bonne éducation      publique, il se ferait un plaisir de témoigner dans cette      occasion à la communauté de Digne et au diocèse son attachement      et bonne volonté; qu'en conséquence, si messieurs les consuls      fesaient les acquisitions ci-dessus expliquées, il consentait a en      payer le montant de ses deniers, et que même il les ferait enclorre      de murs; mais à une condition qui lui semble raisonnable et tendante
    au bien général. C'est à sçavoir que tout le terrain à      acquérir qui servira à allonger la cour du collège jusques vis-à-vis      l'encognure dudit collège la plus au nord, appartiendra à perpétuité      audit collège sans pouvoir être aliéné, et que tout le terrain derrière      le mur dudil collège exposé vers le nord, à partir dudit mur jusques
    et compris les trois jardins ci dessus dénommés, appartiendra au      séminaire, que la ville en payera l'amortissement s'il y a lieu, et   que le cas arrivant où le séminaire ne serait plus chargé de   l'enseignement      et manutention du collège, il sera fait un mur de l'encognure      ci-dessus désignée allant directement au mur de clôture suivant la
    direction dudit mur du nord, Dans le cas cy-dessus prévu où le      collège cesserait d'être gouverné par le séminaire, ce dernier établissement      continuera de jouir du second étage du dit collège, mais à la      charge par le séminaire de pratiquer un passage pour aller du      séminaire audit second étage réservé, sans aucune autre communication      avec le collège dont l'escalier montant audit second étage sera      fermé par une cloison en plâtre ou buget; le séminaire serait tenu de      tontes réparations dudit étage seulement, suivant l'usage en pareil    cas, les murailles et couvertures demeurant à la charge du collège (1),"
(1) Arch. com, BB. 33.
Nous ne pouvons rien dire sur l'organisation des études, ni sur le recrutement du personnel, dès l'installation du collègp au bout de la rue Pied-de-Ville; combien y avait il de régents en dehors des professeurs du grand séminaire? A qui appartenait la direction effective ? Nous ne saurions rien préciser. Mais il convient de remarquer avec quelle bonne grâce l'autorité épiscopale facilita aux magistrats munieipaux la création du nouvel établissement. L'on était à la veille de la Révolution.
IV.
Période révolutionnaire.
1787-1804
 Les débuts de la Révolution n'amenèrent aucun trouble      à Digne, et les écoliers purent à l'aise continuer leurs      études dans le nouvel établissement. Le 8 juillet 1790, un      décret de l'Assemblée nationale fixa " irrévocablement "      à Digne le siège épiscopal, le séminaire et le collège,      Le 14 janvier 1792, le conseil municipal       délivre      un
    mandat de 500 livres aux régents. Il y a plus : le 21 octobre      de la même année, le maire, plein de sollicitude pour les      études, expose au conseil qu'on attend " avec impatiencet l'organisation de l'éducation nationale", mais, comme      elle tarde à venir et que le temps de l'ouverture des classes      approche, il propose d'ouvrir le collège comme par le      passé ; " la municipalité et le conseil général distribueront les places au concours dans une séance publique" ;       le premier régent aura 350 livres, le deuxième 300 et le      troisième 250; les écoliers payeront 20 sols par mois;      sur les 100 livres qui restent (de l'allocation de 1,000 livres),      on distribuera des prix aux élèves ci une gratification aux      professeurs.
    Si les magistrats étaient si bien disposés à l'égard des      maîtres du collège, c'est qu'ils avaient donné des gages    aux idées nouvelles, comme le prouve la pièce ci-dssous :.
Prestation de serment des sieurs professeurs du collège de la commune.Au
Ce jourd'huy 27 mars 1791, jour de dimanche, à sept heures du matin, après la Ste Messe et dans l'église principale de cette dite ville. En présence du conseil général de la commune et des fidelles assemblés, les sieurs Guieu, Martin et Jaume, tous les trois prêtres et professeurs du collège de cette commune, ont dit qu'en exécution du décret de l'assemblée nationale du 27 novembre dernier, sanctionné par le roi le 26 décembre suivant, et publié en cette municipalité le 30 du mois de janvier dernier, ils s'empressoient de prêter le serment civique prescrit par le dit décret, et de fait les dits sieurs Guieu, Martin et Jaume, chacun individuellement ,après avoir exprimé à la grande satisfaction des assistants un sincère dévouement à la nouvelle constitution, ont prononcé à haute et intelligible voix et la main levée le serment solennel de remplir leurs fonctions avec exactitude, d'être fidelles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi. Ce fait, et aucun ecclésiastique ne se présentant plus pour prêter le même serment, avons, nous, maire, officiers municipaux et notables, dressé le présent procès verbal et avons signé, à Digne, le dit jour et an que dessus. Et avant se retirer serait comparu sieur Antoine Juglar, eclésiastique et un des régents des écoles de cette ville, qui nous a prié de recevoir le serment" (Suivant la même formule que ci-dessus.)
 Mais, en 1793, la ville de Digne fut menacée dans la   possession de son collège au profit de Manosque; le   conseil général de la commune envoya, le 13 mars, à la
    Convention nationale une adresse dans laquelle elle   démontrait longuement et avec passion que la centranlité, la   population, la contribution et les motifs de convenance, tout concourait   à faire établir à Digne l'institut principal proposé pour le   département, Tout alla   pour le mieux, puisque Digne garda son collège et que
    la ville de Manosque finit par avoir le sien.   Dans le tableau des charges de la ville dressé le   2 février (1793), sur un total de 13,561 livres, la régence   des écoles (primaires) figure pour 150 et celle du collège   pour 1,000. De plus, le 27 juillet, le conseil décide qu'on   écrira à Olivier, diacre à Mousticrs, pour lui offrir la   régence  des petites écoles  et un logement gratuit au   collège.   Toutefois les troubles suscités par la révolution   amènent le licenciement des élèves et l'interruption des   études secondaires; mais nous ne pouvons en préciser la   date. Le 22 octobre 1796, la municipalité traite avec le   citoyen Jacques Honnorat, du Brusquet, " pour faire
    construire une fabrique de savon dans le local du ci-devant collège, soit trois magasins au rez-de-chaussée   et trois pièces au premier étage, pour trois années, au prix   annuel de 200 livres  en espèces métalliques". Comme le   "domaine" a été dégradé par défaut d'entretien, Honnorat   y fera les réparations nécessaires en déduction du   loyer (1).
(1) 1er Brumaire an V. (Arch. com, Registres des actes.) Il est probable que le collège était fermé depuis assez longtemps. Ajoutons que ledit Honnorat est autorisé " à faire boucher les issues qui aboutissent au ci-devant séminaire, à l'effet d'empêcher quo les enfants ne continuent d'en faire un cloaque et particulièrement les toits où ils avaient établi leur théâtre d'amusement". M. Fisquot assure que, pendant la Révolution, le collège " devint la prison des prêtres qui refusaient de participer au schisme "et que, plus tard, on y logea des soldats. {France pontificale, p-12)
 Le 30 mars 1797, le second étage est encore loué pour trois ans à Etienne Jourdan. " chandellier", pour 50 livres      en numéraire, Le 30 avril 1800, le même citoyen était      déclaré adjudicataire à 250 francs, pour la même durée,      Arrivés au seuil du XIXe siècle, nous croyons qu'il est      bon de jeter un regard en arrière et de rappeler les      lois d'enseignement votées pendant la Révolution ; notre      récit y gagnera.
    La Convention avait voté, en 1793 (30 mai), un décret      relatif à l'établisement des écoles primaires.      Le décret du 29 frimaire an II (19 décembre 1793). ou      décret Bouquier, assura la liberté et la gratuité de      l'enseignement primaire, mais ne s'occupa point de      l'enseignement secondaire et supérieur, qui étaient      abandonnés à l'initiative privée.
    Sur la proposition de Lakanal, le décret du 7 ventôse      an III (25 février 1795) créa, les écoles centrales pour      donner le second degré d'instruction.      Le 25 octobre 1795, Dannon fit voler une loi organique      (3 brumaire an IV) qui diminuait l'importance des écoles      centrales et consacrait l'existence des écoles spéciales.
    Sous le Consulat, la loi du 1" mai 1802 (11 floréal an X)      supprima les écoles centrales et les remplaça par les      écoles secondaires (ou collèges communaux) et les<
    lycées.
    Nous venons de constater que les bâtiments du collège      avaient été loués depuis 1796 jusqu'en 1803, Mais il est      certain que le dernier bail fut résilié dès 1800, ou tout au      moins en 1801, puisque, le 25 mai 1802, le conseil général      des Basses-Alpes demandait le maintien de l'école      centrale existante, menacée par un projet d'école    secondaire. A quelle date cette école avait-elle été fondée (1) ?
(1) Elle occupait les bâtiments du collège.
 Nous ne saurions le dire, Mais la délibération      du conseil général nous fournit un certain nombre      d'indications importantes : c'est le premier établissement      créé pour donner aux enfants l'instruction dont ils étaient privés depuis la Révolution ; un pensionnat      y est annexé et la pension est modique; il est dirigé par      trois professeurs, un pour les langues anciennes et      modernes, un pour les mathématiques et un pour le dessin,      et l'on en demandera deux de plus pour enseigner l'histoire      naturelle, avec les éléments de l'agriculture, et les belles lettres.
    Dans les écoles secondaires, l'instruction sera      "très bornée", et le personnel moins capable, puisqu'il      dépendra du nombre des élèves. Le conseil général      demande donc formellement que l'on maintienne l'école      centrale, en y apportant des améliorations et en fixant à      cinq ou à six le nombre des professeurs.      Ce voeu fut adopté. Le 18 avril 1803 (28 germinal an XI),      Fourcroy, ministre de l'instruction publique, écrivant au      préfet, applaudissait aux succès des élèves de l'école      centrale, mais ne pouvait accueillir la demande qu'il      avait faite d'un lycée: " L'intention du gouvernement, disait-il,   est de ne former pour le moment de ces établissements que dans les   communes d'une population supérieure à celle de Digne." Quand la   suppression de      l'école centrale serait décidée, la ville pourrait la remplacer      par une école secondaire.
    C'est dans le courant de l'année suivante que l'école      centrale fut transformée, elle avait duré environ quatre    ans (1).
(1) De 1800 (ou 1801) à 1804.
V.
Dernière période.
École secondaire et collège,
1804-1886.
L'école secondaire fut créée par un décret de Napoléon 1° (15 thermidor an XII, ou 3 août 1804). L'article 2 portait : " Les bâtiments de l'ancien séminaire et collège, actuellement occupés par l'école centrale, dont la suppression est définitivement arrêtée au 1° vendémiaire prochain, sont concédés à cette commune pour l'usage de son école secondaire (1)"
(1) Le 13 juillet 1811, M. Martel, receveur de l'enregistrement et des domaines à Digne, fit, en vertu de ce décret, remise au maire " de la propriété d'un bâtiment, jardin, église, deux basse-cours, patègues (emplacement) et toutes leurs dépendances, le tout contigu, situé au quartier du Pied-de-Ville, provenant tant du séminaire, de l'ancien évêché que du collège". (Arch, départ.)
 Le 13 décembre, un arrêté du préfet   autorisait la ville à      consacrer 3,000 francs au traitement de trois nouveaux professeurs      (belles-lettres, mathématiques et dessin), outre      les trois maîtres en activité, " afin de la mettre à même de former   un jour un pensionnat, conformément aux intentions du gouvernement". En   1805, l'établissement, dirigé par M. Pary, prêtre,      compte quatre professeurs ; les externes payent aux      régents une rétribution variant de 2 à 3 francs par mois.      L'année suivante (3 août), le bureau d'administration      désigne lui-même M. Rippert comme directeur, pour      remplacer M. Pary, décédé; le 30 septembre, il .approuve      un prospectus annonçant qu'un pensionnat sera établi      près de l'école et il fixe le prix de l'internat à      450 francs. Nous n'avons pas d'autres renseignements      à fournir, sinon qu'en 1808 un arrêté préfectoral délègue      les maires de Digne et de Seyne pour visiter les écoles      secondaires de ces deux villes.
    A partir de 1811, le directeur de l'établissement est      appelé principal. Quant au pensionnat, il ne réussit pas      du premier coup, puisque en 1812 nous ne trouvons que
    des externes (au nombre de quarante-deux) dirigés seulement      par deux professeurs, au traitement de 950 francs ;      le budget s'élève en recettes et en dépenses à 2,416 francs.      Néanmoins le bureau d'administration demande au      recteur de l'Académie d'Aix " un professeur de rhétorique qui serait en même temps directeur". Le principal,      M. Marie, sollicite en 1814, un quatrième professeur;      son administration n'est pas heureuse en 1810, le      collège a fort peu d'élèves et une partie des bâtiments      est occupée par les ateliers de la légion de la Lozère, en      garnison à Digne. Mais M. de Fontanes, prié par l'évêque      de transformer le collège en une école secondaire      ecclésiastique4 répond que l'établissement restera collège      communal. En 1817, le bureau d'administration demande le
    déplacement de M. Marie ; il invite le conseil municipal
    " à doter le collège d'une manière convenable et progressive", afin que les élèves ne payent pas plus de 2 fr. 50 c.
    par mois ; le directeur, outre sa classe, sera préfet (des
    études) ; il y aura deux heures de classe matin et soir, une
    heure d'étude le matin et le soir; les élèves seront conduits
    aux offices de la paroisse les dimanches et les fêtes.
    Le conseil approuve ces voeux et ce règlement.
    M. Geory, professeur au collège de Lorgues, dans
    le Var, est nommé principal sur la proposition du bureau ;
    son administration est prospère et dure jusqu'en 1827.
    Pendant cette période, nous relevons une réclamation du
    recteur, revendiquant, au nom de l'Université, la propriété
    du bâtiment contigu au collège et connu sous le nom de
  séminaire et chapelle (1),
(1) Chapelle actuelle du collège,
Le 18 juin 1818, M. du Chaffaut, maire, adresse un mémoire au préfet pour réfuter cette prétention: " II faut, dit-il, distinguer le bâtiment dit le collège d'avec celui du séminaire. Le collège fut bâti en 1785 et 1733, au frais de la ville. "Le bâtiment du séminaire fut détourné de sa destination première pour servir tantôt de logement à la gendarmerie, tantôt de magasins militaires, tantôt pour le culte, " Le décret du 15 thermidor an XII concède à la ville le bâtiment de l'ancien séminaire et collège pour l'usage de son école secondaires quant au bâtiment du collèges cette concession était inutile, puisqu'il était déjà la propriété de la commune," En 1820, le collège a soixante élèves, quatre professeurs et un maître d'études; le traitement du principal est de 800 francs. En 1823, un crédit de 80 francs est affecté à la distribution des prix ; il y a six professeurs : le principal est chargé de la rhétorique (1).
(1) En 1823, M, Hippolyte Fortoul, né à Digne, était élève de troisième en qualité d'externe. Il fat plus tard doyeni de la Faculté des lettres d'Aix, député des Basses-Alpes et ministre de l'instruction publique.
En 1827, nous comptons
    cent quatre élèves, dont quarante-quatre pensionnaires;
    pour maintenir cette prospérité, le conseil municipal,
    sous l'administration de M. du Chaffaut, vote environ
    20,000 francs applicables à des travaux de réparation.
    En 1831, un arrêté du recteur réorganise le bureau
    d'administration et désigne MM. du Chaffaut, Bassac,
    Soustre), Raymond et Yvan. En 1834, le crédit affecté
    à la distribution des prix est de 200 francs, Le 24 novembre
    1835, le bureau proteste énergiquement contre le projet
    de translation du petit séminaire de Forcalquier à Digne.
    En 1838, nous comptons quatre-vingt-onze élèves, dont
    vingt-cinq pensionnaires; l'on s'occupe enfin de l'enseignement
    des sciences physiques, et un crédit de 500 francs
    est demandé pour achats d'instruments; le personnel
    est de sept professeurs.
    De 1839 à 1849, nous avons peu d'événements à signaler.
    Une ordonnance royale du 21 novembre 1841 annexe aux
    collèges communaux les écoles primaires supérieures et place les directeurs sous l'autorité des principaux;
    mais c'est seulement en 1844 que le conseil municipal vote
    l'annexion au collège de l'école supérieure dirigée par
    M. Gibert. L'année suivante, une chaire d'histoire est
    fondée à l'aide d'une allocation de 1,200 francs donnée par
    l'État (1). En 1847, la création d'un cabinet de physique
    est décidée par le conseil et approuvée par le recteur.
    L'année 1818, nous remarquons une plainte du recteur au
    préfet, au sujet des troupes qui avaient été logées au
    collège. En 1849, l'enseignement classique était donné par
    neuf régents ; il y avait, de plus, un professeur de langues
    vivantes (M. Menc) et un professeur d'enseignement
    spécial (M, Bressant), directeur de l'école primaire
  supérieure annexée (2).
(1) En 1846, cebt quarante-deux élèves, dont soixante pensionnaires.
(2) Les écoles primaires supérieures ont été créées par la loi du 28 juin 1833, puis supprimées en fait par celle du 15 mars 1850 et rétablies par le décret du 15 janvier 1881.
La réaction qui précéda et suivit le coup d'État eut son contre-coup au collège de Digne; l'administration supérieure choisit des hommes dévoués à l'Empire pour diriger l'enseignement. Immédiatement après le vote de la loi du 15 mars 1850, M. l'abbé Fortoul, principal, avait été nommé recteur départemental, Les professeurs suspects de libéralisme étaient révoqués, ou tout au moins surveillés de près; dans les discours de distribution de prix, épurés soigneusement, on interdisait aux orateurs d'admirer même le style de Jean-Jacques ou de Voltaire; défense de fréquenter les cafés, de danser les jours de fêtes et même de donner des leçons particulières; ordre formel de se raser la barbe et d'assister aux offices religieux ; enfin tracasseries de tout genre et de tous les instants. En décembre 185l, l'insurrection contre la violation de la Constitution républicaine troubla et suspendit les études (1) pendant quelque temps, puis elles reprirent péniblement leur cours ordinaire.
(1) Cent vingt-cinq élèves.
 M. Fortoul, devenu
    ministre de 'instruction publique, s'intéressa au collège,
    où il avait fait une partie de ses études, et augmenta
    les allocations de l'État ; il fit même des propositions à 1a municipalité pour l'établissement d'un lycée; on
    m'assure qu'il chargea (signe des temps) un général,
    M, Carrelet, envoyé en inspection politique dans les
    Basses-Alpes, de prendre des notes sur la situation du
    collège ; mais ce projet (sur lequel nous reviendrons plus
    loin) n'aboutit pas.
    En 1855, le personnel comprenait le principal et dix
    professeurs ; en 1859, le budget était ainsi formé : la ville,
    6,380 francs ; l'Etat, 4,700 francs ; le principal, 8,700 francs ;
  total, 18,780 francs (1).
(1) L'internat a été de tout temps au compte des principaux.
    Nous notons, en 1861, la création d'une nouvelle chaire
    de français. En 1868, les traitements sont relevés et forment un total de 15,800 francs pour onze maîtres; le
    collège prospère, sous la direction de M. Bénit.
    Nous arrivons rapidement aux dernières années du collège; elles ne sont marquées par aucun événement
    important. De sérieuses réparations sont faites aux bâtiments
    en 1882 (5,000 francs); l'enseignement se complète
    peu à peu et s'adapte aux exigences contemporaines et
    aux nouveaux programmes d'études. Cette période,
    d'ailleurs, est trop près de nous pour qu'il soit nécessaire
    d'entrer dans aucun détail, et il ne convient pas de juger
    des personnes encore vivantes et mêlées aux affaires
    administratives.
    Avant de dire adieu à ce collège où ont enseigné tant de
    maîtres distingués et où ont été formées tant de générations
    d'élèves dans les études secondaires, il faut indiquer
    ce que sont devenus les bâtiments construits en 1786,
    agrandis successivement et abandonnés un siècle après,
    le 1» août 1887.
    A la suite d'une décision du conseil général adoptant le
    transfert à Digne de l'école normale d'instituteurs de
    Barcelonnette, le conseil municipal de Digne, dans la
    séance du 26 août 1838, conformément à ses résolutions
    antérieures sur la cession des bâtiments du collège pour
    l'installation de l'école normale, a pris l'engagement de
    contribuer pour la moitié aux dépenses que l'internat
    pourrait mettre à la charge du département; il a ensuite
    prié M. le préfet d'ordonner l'exécution immédiate des
    travaux.
    Un arrêté ministériel du 27 septembre a ordonné le
  transfert de l'école, qui a été ouverte au mois d'octobre. 
DEUXIÈME PARTIE
LE LYCÉE

I
Projet d'un lycée sous le  ministère Fortoul.
  1854
Le 10 janvier 1854, le conseil municipal se réunît pour
    délibérer sur la transformation du collège en lycée ;
    M. Bailly, recteur départemental, et M. de Bouville, préfet,
    assistent à la séance. M. Allibert, maire, expose que le
    ministre de l'instruction publique, M. Fortoul, a proposé à
    la municipalité de créer un lycée à Digne. Le recteur
    donne ensuite quelques renseignements: en utilisant le
    mobilier et les bâtiments actuels, la dépense s'élèverait à
    103,000 francs ; mais il faut prévoir une somme plus
    élevée. Le conseil vote 120,000 francs.
    Le projet semble en voie d'aboutir promptement, mais
    des difficultés imprévues surgissent. Le 10 février, le
    préfet écrit que la Caisse des dépôts et consignations fait
    des conditions onéreuses à la ville pour un emprunt. Le
    conseil nomme une commission chargée de réduire les
    dépenses de construction.
    Le 17 du même mois, sur l'avis de cette commission,
    estimant qu'il n'y a pas lieu de modifier les décisions déjà
    prises, le conseil vote une deuxième fois la somme de
    120.000 francs.
    Mais, le 25, le préfet, invitanl le maire â convoquer le conseil municipal el les plus fort imposés pour ratifier
    ce vote, présente des observations sur la situation financière
    de la ville, qui a déjà plusieurs projets en voie
    d'exécution. Le 10 mars, après une longue discussion, le
    maire met aux voix la question suivante : " L'assemblée veut-elle voter un emprunt de 120,000 francs et une imposition extraordinaire de 20 centimes pour l'élablissement d'un lycée?" Sur la demande de plusieurs
    membres, on a recours au scrutin secret, et la proposition
    est rejetée par 21 voix contre 12. Le projet avait avorté.
    Il est juste toutefois de reconnaître que la municipalité
    avait fait preuve d'une bonne volonté incontestable et
    d'une activité peu commune, puisque, les négociations
    n'avaient duré que deux mois. Vingt-huit ans plus tard,
  l'affaire devait être reprise et menée à bonne fin. Création du Lycée.
II
Création du Lycée.
1882-1887.
    C'est le 14 août 1882 que le conseil municipal fut assemblé
    à l'hôtel de ville pour délibérer sur la création d'un lycée
    de garçons, sous la présidence de M. Soustre, maire. M. le maire présenta la proposition suivante :
    "Messieurs,
    Au mois du mai dernier, j'avais l'honneur de vous exposer que
    notre ville ne pouvait se relever et trouver les éléments d'une
    prospérité nouvelle que dans le développement des établissements d'instruction. Je vous soumettais en même temps un projet d'organisation
    pour le cours secondaire de filles. Vous êtes entrés dans mes
    vues et vous avez approuvé mes propositions à l'unanimité. Quelques
    jours après, le 1er juin, grâce à la libéralité de l'État et au zèle de
    l'administration académique, les cours étaient inaugurés, de telle
    façon que la prospérité en est assurée dès aujourd'hui.
    De plus, notre école primaire de garçons va être mise en adjudication;
    nous nous sommes occupés d'un emplacement pour l'école
    primaire de filles, qui compte déjà. cent élèves, mais dont l'installation
    ne saurait être que provisoire. Ajoutez à cela que les travaux
    de l'école normale de filles vont être commencés bientôt aux frais du
    département et de l'État.
    Toutes ces améliorations profiteront non seulement à l'instruction,
    mais encore au bien-être matériel de notre cité.
    Pour achever cette série de travaux que nous avons projetés
    ensemble, pour faire de Digne véritablement un centre universitaire,
    il nous reste à tenter un coup hardi et age à la fois. Ce sara notre
    mérite le plus indiscutable devant nos concitoyens et nos .successeurs,
    si nous réussissons, et, si nous échouons, on nous rendra cette
    justice que nous avons fait notre devoir en essayant. Je veux palier
    de l'établissement d'un lycée de garçons.
    Pour être clair dans une proposition de cette importance, j'exposerai
    d'abord les arguments d'ordre administratif; en second lieu, je
    traiterai la question purement financière.
    Sans doute, notre collège communala d'honorables états de service,
    el je ne médirai jamais de l'établissement où moi-même et beaucoup
    d'entre nous avons fait nos études. Mais les procès de la science et
    la rénovation des méthodes amènent des changements inévitables.
    Notre modeste collège autrefois était à peu près suffisant: il est
    aujourd'hui hors d'état de faire face aux exigences de l'instruction
    secondaire, bien que chaque année, il en sorte des bacheliers. De
    plus, on a créé dans les Basses-Alpes des établissements nouveaux,
    Le système qui réduit les principaux à faire quelquefois les
    eommerçants amène avec lui des abus inévitables et que vous connaissez
    bien; je me hâte de dire qtïe ces abus sont imputables au    système lui-même plutôt qu'aux personnes honorables qui dirigent
    un collège dans de telles conditions. De plus, le personnel est
    trop restreint; toutes les classes sont doublées, ce qui n'a pas lieu ici
  à côté de nous (1).
(1) Au Petit Séminaire.
 Il n'y a, chez nous, que douze professeurs, quinze
    fonctionnaires en tout, avec le principal et les surveillants. Un lycée,
    quelque modeste qu'il soit, comporte au moins trente personnes,
    professeurs et surveillants.
    Si notre collège n'est pas transformé en lycée, l'État et la force des
    choses nous imposeront des améliorations nouvelles dans le personnel,
    les bâtiments et le matériel; sans doute, nous aurons des
    subventions, mais elles seront proportionnelles aux sacrifices que
    nous aurons faits nous-mêmes. C'est un argument qui me paraît
    capital et que je recommande à votre attention. Avec le collège, nos
    dépenses iront toujours en s'aggravant, tandis que, si la création
    d'un lycée exige des sacrifices considérables, on les fait en quelque
    sorte d'un seul coup et pour n'y plus revenir.
    Tout fait présumer que le Gouvernement sera amené à proposer
    un lycée par département. Ai-je besoin de dire que Digne, étant le
    chef-lieu et un point central, ayant un collège de plein exercice,
    sera, si nous le voulons, choisie de préférence pour l'établissement
    d'un lycée ? Vous ne vous laisserez pas devancer, je l'espère, par
    aucune autre ville du département. Il importe donc que nous demandions
    pour notre ville l'avantage et l'honneur du lycée et que nous
    le demandions tout de suite, D'ailleurs, les formalités seront multiples,
    et les plans sont longs à faire, Ainsi, à Gap, entre la date de
    la première délibération du conseil municipal et le décret ordonnant
    la création, il y a un intervalle de deux ans et trois mois; à Aix,
    l'intervalle n'a été que de dix-huit mois. Faut-ill vous rappeler que notre département a toujours occupé un
    rang honorable dans les statistiques faites sur l'instruction en
    général? Il convient de ne pas déchoir et de ne pas nous laisser
    dépasser par des dêpaitements qui n'ont guère plus d'impoitance que
    le nôtre» La Corse va avoir deux lycées; l'Ardèche, les Landes, la Creuseen ont un; les Hautes-Alpes, la Corrèze et le Cantal en auront    un bientôt. Il ne reste plus que la Lozère et les Basses-Alpes. A mon
    avis, pour l'honneur de notre pays et du chef-lieu, nous ne devons
    pas rester plus longtemps en dehors de ce mouvement.
    Quand l'école normale de filles aura été construite et que nos
    cours secondaires auront pris l'extension que nous en attendons,
    notre personnel enseignant sera-t-il suffisant, en tant que nombre
    du moins, pour donner des leçons si multiples en dehors du collège?
    Je ne le crois pas.
    Ici, on pourrait me faiie l'objection suivante: « Notre département
    est pauvre ; la pension et l'externat du lycée seront à des prix trop
    élevés; les avantages d'un lycée ne profiteront qu'aux familles les
    plus aisées. » Ma réponse sera décisive, le Gouvernement de la
    République a prévu le cas; les prix do la pension et de l'externat
    varient suivant l'importance et les ressources de chaque région.
    Ainsi, au lycée d'Aix, d'après le décret du 4 septembre 1880, les
    prix seront les suivants : 
    Pension : 700, 750, 800 francs par an ;
    Externat : 100, 125. 150 francs.
    Le décret qui s'applique an lycée- d'Aurillac est bien différent
    (11 janvier 1882):
    Pension : 600, 550, 500 fiancs par an;
    Demi pension ; 400, 350, 300 francs;
    Externat  : 80, 70, 60 francs,
    Nous obtiendrons, je l'espère du moins, les mêmes conditions que
    la ville d'Aurillac. L'État, sans doute, tiendra compte de l'exiguïté
    des ressources dans notre département mettra à la portée du plus
    grand nombre l'accès de notre lycée.
    L'on peut se demander maintenant si notre futur lycée aura des
    élèves en nombre suffisant et s'il nous rendra en proportion de nos
    sacrifices. Je réponds oui, sans hésiter. Notre ville est un point
    central où aboutissent les routes principales et le chemin de fer;
    une foule de gens sont obligés d'y venir pour des affaires de toute
    nature.
    D'après un tableau qui m'a été fourni, les établissements d'instruction
    secondaire des Basses-Alpes comptent environ, à l'heure qu'il est, quatre cents pensionnaires et huit cents externes. Le chiffre
    des externes est considéiable parce qu'il comprend beaucoup d'élèves
    des classes primaires annexées à divers collèges. D'après ces données,
    je crois qu'il conviendra de faire un avant-projet de lycée dans les
    proposions suivantes :
    200 pensionnaires.
    50 demi-pensionnaires.
    150 externes.
    Total 400 élèves.
    L'État n'autorise la construction que pour ce chiffre minimum
    de 400. Tout nous fait espérer que notre futur lycée aura une population
    de 300 élèves au moins, dans les premières années.
    Vous parlerai-je des avantages généraux qui résulteront de la
    construction projetée? Le niveau intellectuel s'élèverait bientôt dans
    notre pays; nous aurions un établissement modèle où l'on pousserait
    les études classiques plus loin que le baccalauréat, où les jeunes gens
    qui se destinent au commerce ou à l'industiie trouveraient un enseignement
    en quelque sorte universel. Comme les élèves sont entassés
    outre mesure dans les grands lycées, beaucoup de familles des villes
    du Midi enverraient leurs enfants à Digne.
    Nous aurions un personnel de professeurs distingués qui suffirait
    amplement aux cours qui sont faits en dehors du collège ; des conférences
    publiques seraient organisées sans peine au profit des ouvriers,
    des industriels et même des gens du monde, de façon à rehausser le
    niveau des connaissances générales et à inspirer de plus en plus à nos
    concitoyens le goût de l'étude et des expériences scientifiques.
    Ainsi, Digue deviendrait un centre intellectuel, avec ses cours de
    sciences et de lettres, avec son école normale, ses cours secondaires
    de filles, avec les examens de toutes sortes qui ont lieu à la préfecture
    et dont la proportion s'accroît sans relâche, puisque, en 1876-1877,
    les candidats étaient 405 et, en 1881-1882, ils ont atteint le chiffre
    de 705.
    Messieurs, de telles créations sont durables, on peut même dire
    indestructibles. Elles assureront, n'en doutez pa«, la prospérité de
    Digne pour l'avenir. Permettez-moi maintenant de passer à la question financière et
    veuillez m'excuser si je fatigue si longtemps votre attention bienveillante.
    Le sujet en vaut la peine.
    Eh bien ! la construction d'un lycée coûte, en moyenne, 1 million
    700,000 francs; celui de Gap a coûté 1 million 800,000 francs. Je
    crois que le nôtre ne coûtera que de 1 million 200,000 à 1 million
    500,000 francs; l'architecte chargé du devis me fait espérer cette
    réduction. Généralement l'État ne contribue que par moitié à la
    dépense ; mais, vu l'exiguïté des ressources du département des
    Basses-Alpes et la pauvreté de notre commune, j'espère qu'il se
    montrera plus généreux.
    Voici donc les conditions dans lesquelles je vous propose de tenter
    cette grande entreprise. Nous ofliirons 400,000 francs, et nous
    demanderons au département, aussi intéressé que nous à la construction
    de ce lycée, un sacrifice do 100,000 francs, et le reste à l'État.
    La ville de Digne aurait donc à pourvoir :
    1° Pendant trente ans, aux intérêts de la somme de 400,000 francs,
    qui serait empruntée à la caisse des lycées et collèges, amortissement
    compris, soit 16,000 francs par an;
    2° 5,000 francs, représenlant l'entretien, que j'évalue à 1,700 fr.
    et six hours communales obligatoires, dont la moyenne serait de
    550 francs, soit 3,300 francs; total : 5,000 francs.
    En résumé, une somme annuelle de 21,000 francs,
    nous payons actuellement pour notre collège 9,000 francs de
    personnel et 1,000 francs d'entretien, soit 10,000 francs qui seront
    dès lors retranchés de notre budget; il nous resterait donc à pourvoir
    à 11,000 francs.
    Ces 11,000 francs, nous pourrons les prendre :
    l° Sur nos ressources annuelles. Notre budget primitif de 1883
    porte, en effet, à l'article 87 du chapitre II des dépenses extraordinaires,
    une somme de 6,000 francs pour solde de l'agrandissement du
    cimetière. Cette somme sera donc libre en 1884, du moins en partie.
    Notre budget de 1883 se soldant par un déficit de 1,400 francs environ,
    la somme disponible ne peut donc être que de 4,000 francs.
    2° Au moyen du vote que je vous propose des 11 centimes, dont
    vous pouvez encore disposer conformément à la loi. Le centime produisaiit dans notre commune 600 francs, les 11 centimes produiront
    6,600 francs qui, joints aux 4,600 francs, donneront un total de
    11,200 francs.
    Une imposition de 11 centimes de plus va, je le comprends, être
    une énorme charge pour nos pauvres populations, déjà si lourdement
    grevées, mais elles le supporteront, je l'espère, avec patriotisme, en
    songeant aux avantages considérables que cette entreprise procurera
    à notre pays.
    Je sais bien que, sur le budget de 1883, on pourrait réduire
    encore :
    la  somme un peu forte portée à l'article 79 du même chapitre II
    des dépenses extraordinaires, article relatif aux cessions do terrains
    par suite d'alignement, la somme de 6,000 francs environ, poitée
    pour le même objet au budget supplémentaire de 1882, étant suffisaute
    pour faire face à la dépense do vos alignements projetés;
    2° La somme de 800 francs portée à l'article 80, même chapitre,
    la dépense que nous devions faire au collège devenant, par la construction
    elle-même d'un lycée, moins considérable.
    Mais les réductions que l'on pourrait faire sur ces deux articles
    seront à peine suffisantes pour faire face aux intérêts à payer
    résultant :
    1° De la somme de 25,000 francs récemment volée par vous pour
    l'exposition départementale de 1883;
    2° De celle de 10,000 francs que je vais vous proposer de voter
    pour notre quote-part dans l'avant-proje tde construction d'aqueducs
    sur la route départementale de Digne aux Bains, du pont du Pigeonnier
    au collège, présenté par AIM. les ingénieurs;
    3° De la somme de 10,000 francs qui nous incombera en sus
    pendant l'année de construction du lycée.
    Si de telles charges sont très lourdes, les avantages que la ville de
    Digne en retirera seront considérables. Los voici, je crois que vous
    serez convaincus et que l'intelligente population dignoise saura les
    apprécier.
    Dans trente ans, notre dette étant liquidée, au lieu de payer les
    10,000 francs que nous donnons actuellementnu collège, nos successeurs
    n'auront plus qu'a payer 5,000 francs ! 1,700 francs pour l'entretien el 3,300 francs destinés à des bourses communales en
    faveur des enfants du peuple. De plus, la ville sera propriétaire d'un
    immeuble magnifique, Cette construction procurera, au point de vue
    matériel, du travail à nos ouvriers et une augmentation dans la
    recette de nos octrois ; au point de vue intellectuel, je vous l'ai déjà
    dit, un surcroît d'instruction qui permettra aux enfants des Basses-Alpes de lutter plus avantageusement avec les élèves des lycées. Cette
    lutte est chose difficile dans les conditions actuelles, car les programmes
    des examens ont été modifiés de telle façon que les élèves
    auraient en vain les meilleures dispositions naturelles, s'ils ne sont
    pourvus d'un certain ensemble de professeurs et s'ils ne trouvent
    sous la main des collections littéraires el scientifiques.
    Je finis, Messieurs, ce long exposé par une dernière considération.
    Le voeux que nous allons formuler aujourd'hui, si vous êtes de mon
    avis, ne vous engage pas définitivement. Vous voyez sans peine que
    dans ma proposition nous atteignons la limite des sacrifices possibles.
    Si l'État ne voulait pas nous accorder un secours suffisant, c'est-à-dire
    plus de la moitié de la dépense totale, si nous nous exposions à
    faire des frais exorbitants et disproportionnés avec nos ressources,
    nous dirions respectueusement à M. le ministre :" La ville de D'igné se saigne à blanc en quelque sorte ; elle offre
    tout ce qu'elle peut donner. En présence de tels sacrifices, le Gouvernement
    de la République viendra sans doute à son aide d'une
    façon décisive, car enfin l'instruction secondaire aussi bien que
    l'instruction primaire est indispensable à un département. Il ne
    voudra pas que notre cité, si républicaine, si passionnée pour le
    progrès, soit réduite à reculer au dernier moment et à retirer sa
    demande par l'impossibilité de suffire aux frais de constiuclion"
    Tout me fait espérer, Messieurs, que nous n'en viendrons pas à
    de telles extrémités. C'est donc avec la plus entière confiance que
    je vous soumets, au nom de la municipalité, les résolutions suivantes :
    l° Le conseil municipal émet le voeux que son collège communal soit érigé en lycée
    national et soit établi pour 400 élèves;
    2° Vote à cet effet un emprunt de 400,000 fiaucs à la caisse'des
    lycées et collèges ; 3° Vote 11 centimes recouvrables pendant trente ans, pour faire
    face aux intérêts de l'emprunt, à partir du jour de la mise en
    adjudication ;
    4° Charge la municipalité do solliciter, auprès du conseil général
    des Basses-Alpes, le vote d'une somme de 100,000 francs;
    5° L'invite à préparer un avant-projet et à pousser activement les
    négociations avec M. le ministre de l'instruction publique, afin
    d'obtenir les subventions nécessaires à la transformation proposée."
    Après une discussion à laquelle plusieurs membres ont
    pris pari, le conseil vole la prise en considération.
    Puis M. le maire propose de nommer une commission
    spéciale pour étudier la question.
    Le conseil estime que la question paraît mûrie suffisamment.
    Toutes les propositions de M. le maire sont votées successivement
    et dans l'ensemble, à l'unanimité.
    Dès ce moment, la municipalité se met à l'oeuvre avec
    la plus grande activité; le conseil municipal la seconde
    admirablement et il ne prend pas moins de vingt délibérations
    pour arriver au terme de ses décisions). Nous nous
    contenteronsd'indiquer les principales.
    Le 10 octobre, adoption des plans et devis de M. Jacob,
    architecte, et acceptation de l'emplacement Dedoue, au
    quartier des Chauchels.
    En 1883, le 30 mars, la ville s'engage à contracter un
    emprunt de 500,000 francs à la caisse des lycées et prend des engagements fermes et irrévocables. Le 4 août, un
    décretérige le collège de Digne en lycée. Le 29 septembre,
    achat de toute la propriété Dedoue. Le 18 octobre,
    MM. Bertrand et Silvestre, entrepreneurs, sont déclarés
    adjudicataires des travaux de construction.
    En 1886, le 18 octobre, le conseil adopte le devis du
    mobilier scolaire.
    Enfin, en 1887, le 4 mai, M. Soustre, maire, annonce au
    conseil municipal l'ouverture du lycée pour le mois d'octobre
    et propose de faire une cérémonie d'inauguration à
    laquelle seront invités en particulier M. Spuller, ministre,
    M. Zévort, directeur de l'enseignement secondaire, et
    M. Belin, recteur de l'Académie d'Aix. Une commission est
    nommée le 10 (1) pour organiser des fêtes et un banquet
    aux frais de la ville.
    Cette grande entreprise venait d'être terminée après
    six années de laborieux efforts ; il né restait plus qu'à
  inaugurer rétablissement. 
(1) Pour être complet, mentionnons le décret du 13 mars 1888 réglunt le nombre de bourses à entretenir pendant dix ans : deux d'iutemat, deux de demi-internat et onze d'externat.
III.
Inauguration du 6 octobre 1887.
Cet événement est encore trop présent à la mémoire de tous pour qu'il soit utile d'entrer dans le détail des fêtes ; il nous suffit de dire que la ville de Digne a reçu somptueusement ses hôtes et s'est montrée fidèle à ses vieilles traditions de courtoisie. Les trois discours prononcés à la cérémonie d'inauguration par M, Soustre, maire de Digne, par M. Belin; recteur de l'Académie d'Aix, et par M, Spuller, ministre de l'instruction publique, se rattachant directement à notre sujet, nous les donnons sans commentaire, et nous renvoyons aux récits des journaux les lecteurs désireux de connaître tous les incidents de la cérémonie et du banquet offert par la ville.
Discours de M. Soustre.
Monsieur le Ministre, Messieurs,
    En prenant aujourd'hui la parole devant vous et devant un tel
    auditoire, je sens l'importance et les difficultés du rôle qui est échu au maire de Digne. Je le ferai simplement, tâchant d'exprimer avec
    sincérité les sentiments donl je suis l'interprète.
    La ville de Digne me semble dédommagée des lourds sacrifices
    qu'elle s'est imposés, en considérant le résultat obtenu, affirmé
    aujourd'hui par la présence des hauts personnages réunis dans cette
    enceinte.
    Ce résultat considérable est dû d'abord au conseil municipal, qui
    n'a pas hésité devant une entreprise qui pouvait à l'origine paraître
    téméraire ; à M. le recteur, qui nous a prêté l'appui de ses lumières
    et de sa grande expérience et auquel il me tardait d'exprimer publiquement
    notre vive gratitude; aux trois inspecteur d'Académie
    qui se sont succédé à Digne depuis que la création d'un lycée a été
    piojetée ; au conseil général des Basses-Alpes, qui a bien voulu
    encourager une oeuvre d'un si haut intérêt pour le département;
    enfin au concours généreux de l'État, dont la large subvention a
    permis de réaliser l'exécution des travaux.
    J'aurais élé heureux de dire à M. Zévortf l'éminenl directeur de
    l'enseignement secondaire, combien nous lui sommes reconnaissants
    de l'appui décisif que nous avons trouvé auprès de lui, et je regrette
    que son état de santé ne lui ait pas permis d'assister aujourd'hui à
    cette fête universitaire, où sa place était toute marquée.
    Je ne veux pas oublier M. l'architecte Jacob, qui a conçu le plan
    de ce magnifique monument et en a dirigé la construction avec un
    zèle et une intelligence au-dessus de tout éloge.
    La population des Basses-Alpes aime l'instruction sous toutes les
    formes; l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire y sont
    florissauts, et je suis fier de constater que la ville de Digue, avant
    de construire son lycée, a organisé un cours secondaire de filles,
    bâtie une école primaire de garçons, et qu'elle se dispose à élever une
    école primaire pour les jeunes filles et des écoles dans les sections.
    Toutefois, au moment où nous disons un dernier adieu au vieux
    collège, où beaucoup d'entre nous ont fait leurs études, je tiens à
    rappeler qu'il a fourni une longue et très honorable carrière, depuis l'époque lointaine où Gassendi enseignait dans la rue de la Mère-de-Dieu et où l'enseignement fut transporté dans les bâtiments que nous
    voyons d'ici ; il a rendu les plus grands services en formant des
    générations d'hommes instruits et libéraux.
    Nous espérons fermement que le lycée en rendra de plus
    grands encore, avec une installation qui ne laisse rien à désirer à
    tous les points de vue, avec un personnel plus nombreux et pourvu
    des plus hauts grades universitaires.
    Monsieurle Ministre, au nom de la ville de Digne, je vous remercie
    do l'honneur que vous nous faites en venant présider cette cérémonie,
    qui laissera dans nos coeurs un souvenir ineffaçable. La
    présence du Grand Maître de l'Univeisité portera bonheur à cet
    établissement ; elle sera un précieux encouragement pour les élèves
    qui vont y commencer leurs études et pour les professeurs chargés
    de les instruire el de préparerà la France des citoyens.
    Tous trouveront dans ce pays, avec l'air vivifiant de nos montagnes,
    les meilleures traditions de travail el de dévouement aux
    institutions démocratiques.
    Quant à moi, comme maire, je suis doublement heureux et d'avoir
    contribué, avec le concours du conseil municipal, à la réalisation de
    cette oeuvre si utile et d'avoir eu l'honneur de vous exprimer la
  profonde reconnaissancede mes concitoyens.
Discours de M. Belin.
Monsieur le Ministre,
    Je vous remercie, au nom des universitaires ici présents, de
    l'honneur que vous avez bien voulu faire au lycée nouveau de Digne,
    en acceptant de présider à son inauguration. Des six départements
    de l'Académie d'Aix, le département des Basses-Alpes était le seul
    qui ne possédât point d'établissement national d'enseignement
    secondaire, et la municipalité républicaine de Digne n'a reculé
    devant aucnn sacrifice pour faire cesser ce qu'elle regardait comme
    une sorte d'infériorité. Mais sa pensée a été plus haute ; elle a cru, avec raison, que
    l'instruction à tous ses degrés devait, pour ne jamais demeurer
    stérile, être mise à la portée de tous ; que les établissements d'enseignement secondaire,
    que je n'ai pas à louer ici, devaient être rapprochés
    des plus médiocres fortunes, afin de susciter et d'éveiller ces
    énergies intellectuelles, qui, au grand dommage du pays, risquent,
    faute de culture, de rester endormies dans les couches profondes de
    la démocratie.
    Elle est également convaincue que l'éducation du caractère et de
    l'esprit, complément indispensable de toute instruction, se donne
    plus sûrement dans ces maisons d'importance modeste, où l'enfant
    et le jeune homme sont bientôt connus de ceux qui sont appelés à
    les diriger el à les former, où des relations réellement quotidiennes
    fortifient la confiance de l'écolier dans son maître et où les
    sympathies, si nécessaires au perfectionnement comme au progrès,
    naissent sans peine et d'elles-mêmes entre les élèves et leurs
    professeurs.
    Enfin, devançant les voeux parfois bruyants de nos hygiénistes
    modernes, elle a voulu que son lycée s'élevât en pleine campagne,
    afin de ne point être dans l'obligation de mesurer la lumière et,
    l'espace ; les enfants de nos montagnes, accoutumés aux lointains
    horizons, ne se sentiront point ici enfermés à l'étroit, et les enfants
    des villes voisines trouveront, dans ce vaste établissement, l'air
    vivifiant et salubre qui leur est ailleurs trop souvent refusé.
    Quand une cité comprend de cette façon le rôle assigné aux
    communes de France dans l'oeuvre de la diffusion et du relèvement
    de l'enseignement public, elle a droit à toute la sollicitude du
    Gouvernement, et votre présence ici, Monsieurle Ministre, prouve que
    cette sollicitude ne lui fait point défaut. Aussi, dans cette solennité,
    comme récompense de ses efforts, attend-elle de vous, qui n'avez
    vécu que pour la démocratie, qui avez grandi par elle et pour elle,
    attend-elle avec nous quelques-uns de ces généreux conseils qui
    encouragent et soutiennent, quelques-unes de ces patriotiques
    paroles qui autorisent l'espoir et la foi en un avenir meilleur que
    le passé, et nous savons tous que notre attente ne sera point
  aujourd'hui trompée,
Discours de M. Spuller.
    Monsieurle Maire,
    Monsieur le Recteur,
  Mes chers Concitoyens,
    J'éprouve une satisfaction, que j'aurai sans doute quelque peine à
    traduire, à me trouver au milieu de vous. C'est avec empressement
    que j'ai accepté l'invitation de me rendre à cette fête tout universitaire.
    Je ne pouvais manquer au devoir d'acquitter la dette de
    reconnaissance du Gouvernement de la République pour tous les
    sacrifices que la ville de Digne s'est imposés afin de se mettre au
    niveau de toutes les villes de France, dans cette grande oeuvre
    vraiment nationale qu'on a appelée, tout à l'heure, l'oeuvre de la
    diffusion de l'instruction publique dans notre démocratie.
    M. le maire a rappelé que cet édifice que nous inaugurons
    aujourd'hui n'est, en quelque sorte, que le couronnement des efforts accomplis
    par la ville de Digue. On a d'abord songé aux besoins les
    plus pressants, en fondant des écoles normales où viendront se
    former les maîtres qui donnent l'instruction primaire ; on a ouvert
    ensuite des cours pour l'enseignement des jeunes filles ; on médite
    d'augmenter le nombre des écoles publiques dans la ville ; mais, en
    même temps, comptant sur le concours et la sollicitude de l'État,
    on a voulu que, dans le domaine de renseignement secondaire, la
    ville de Digne pût marcher à l'égale des autres villes de l'Académie
    d'Aix, Le bâtiment que nous venons de fonder est bien vaste ; il ne
    l'est pas trop. Il permet les longs espoirs. Je dirai plus, il est fait
    pour les inspirer.
    Vous commencez, Messieurs les Professeurs du lycée de Digne,
    avec un nombre d'élèves relativement faible ; mais j'ai été heureux de recueillir de receuillir bouche l'assurance que le petit nombre, tel
    qu'il est, offre déjà la garantie de progrès qui ne se feront pas
    attendre. Déjà vous avez pu voir, dans les entretiens que vous avez
    eus avec les familles, quel effet heureux une installation comme
    celle-ci produit sur l'esprit de ceux qui confient à l'État l'éducation
    de leurs enfants. Il arrive souvent, Mes chers Concitoyens, que
    l'on se demande si ces dépenses de constructions et d'aménagement,
    que parfois on feint d'exagérer, répondent bien à un objet utile.
    Personne ne peut faire une meilleure réponse que ceux qui sont en
    communication directe avec les pères et les mères de famille.
    Personne, mieux que les chefs d'établissements ne peut dire que les
    écoles ne sont jamais assez belles pour les parents. Aussi bien,
    les critiques qui ont été adressées à cet égard au Gouvernement de
    la République l'ont-elles laissé toujours indifférent. II n'est pas vrai
    que le suffrage universel, il n'est pas vrai que les Français qui songent
    à l'avenir de la patrie se plaignent des dépenses faites pour
    l'éducation des enfants dn pays. Il n'est pas vrai qu'on trouve trop
    belles les maisons où les fils de la France sont appelés à passer les
    premières années de leur jeunesse et où ils se préparent à devenir
    des hommes et des citoyens.
    Tous, vous désirez, au contraire, que ces maisons soient construites
    de manière à rendre la science aimable. Vous voulez que le lycée,
    que l'école attirent les enfants au lieu de les repousser et que les
    maisons d'éducation qui, pendant si longtemps, ont eu toute
    l'apparenceextérieure de vraies maisons de correction, deviennent des
    demeures gracieuses et attrayantes, où l'on aime entrer et à rester
    pour y bien travailler.
    Celle que nous inaugurons aujourd'hui se distinguera entre toutes,
    non seulement par la beauté du site où elle est placée, par l'air
    vivifiant et pur que l'on y respire, mais aussi par l'heureux aménagement,
    par la commode distiibution que nous devons au talent de
    son habile architecte, M. Jacob. Messieurs, quand je parcourais tout à
    l'heure les salles d'étude, les réfectoires, les dortoirs, en pensant au
    petit nombre d'élèves qui vont les occuper, quant à présent, une
    autre idée me venait à l'esprit, c'est que cet établissement n'aura
    rempli son objet et atteint définitivement son but que lorsque tous ceux de nos concitoyens qui désirent faire instruire leurs enfants,
    pour les élever au-dessus de leur condition actuelle, auront tourné
    les yeux vers ce lycée pour les y amener.
    A ce point de vue, Messieurs, l'ouverture d'un lycée dans une
    ville est une oeuvre sociale et démocratique par excellence. Dans ce
    département des Basses-Alpes, républicain d'ancienne date, il n'est
    pas un bon citoyen qui ne s'associe profondément à cette préoccupation
    de la France de 1870, qui, après avoir été si cruellement
    éprouvée, a mis sa confiance dans une rénovation totale de l'enseignement
    public à tous les degrés, pour se reconstituer et se refaire. Je dis que, lorsque la France a voulu donner pour base aux
    institutions nouvelles tout un vaste système d'instruction publique,
    elle a fait ce qui avait été indiqué et tenté à une époque antérieure,
    mais ce qui n'avait jamais été abordé avec la résolution, avec l'esprit
    de suite qu'on y a apportés depuis 1870.
    Messieurs, la politique joue un grand rôle dans la vie publique et
    privée do chacun de nous, et ce n'est pas sans raison. On dit même
    que la politique touche à tout et se glisse partout. On a encore
    raison, mais c'est à la condition do comprendre que la politique, pour
    avoir le droit de se mêler à tout, soit faite avec liberté, sans
    doute, mais aussi avec un sérieux esprit d'ordre et de bonne et sage
    conduite. Je répète donc que, dans ma conviction, le jour où le pays
    a voulu que la République reposât sur un enseignement national,
    repris, agrandi, développé suivant un esprit vraiment nouveau, tous
    les Français ont dû comprendre que les méthodes et le caractère de
    l'enseignement public devraient subir de profondes modifications, Il
    est de toute impossibilité que la démocratie puisse accepter pour
    l'enseignement de ses fils des méthodes qui convenant à toutes les
    monarchies, ont été suivies et appliquées par toutes successivement.
    Républicains, nous sommes obligés par la nature des choses, par le
    cours naturel du temps, par le progrès des lumières, de donner à
    l'enseignement républicain, à l'enseignement de notre société démocratique
    de tout autres caractères que ceux qui convenaient à une
    société monarchique, qui a définitivement cédé la place à un monde
    nouveau. C'est donc ici un établissement d'instruction secondaire
    destiné a former des hommes qui occuperont dans la société une situation, je ne dirai pas prépondérante, rien n'est plus éloigné de
    ma pensée, mais qui leur permettra d'exercer sur leurs concitoyens
    une action plus directe ct plus efficace, grâce à leurs lumières.
    Quel sera au juste cet enseignement secondaire ? Voilà le problème,
    et tout le monde sait qu'il n'est pas facile à résoudre.
    Messieurs, que cette préoccupation n'aille pas choquer ceux qui
    font de l'égalité le principe exclusif de la société moderne. Je veux
    dire seulement que l'enseignement public est appelé à se transformer
    précisément pour donner satisfaction à ce principe même de l'égalité.
    Ce qui pouvait être bon pour l'enseignement secondaire d'une petite
    élite, d'une société restreinte, ne saurait plus convenir à une grande
    et forte démocratie qui envahit tout. Il nous faut chercher un
    enseignement qui réponde à notre état social nouveau.
    C'est bien là ce qui m'empêche de trouver que votre nouveau
    lycée est trop vaste et trop beau, C'est le lycée de l'avenir; on y
    viendra chercher la science et ses bienfaits, et plus il est grand,
    meilleur il est.
    Pourquoi la science est-elle devenue, dans les démocraties, un
    intérêt politique et social de premier ordre? C'est que la science est
    pour l'homme qui vit en société le plus puissant, le plus précieux et
    le plus fécond de tous les instmments de travail, et que les démocraties
    sont avant tout des sociétés de liberté et de travail. Et quand
    je contemple d'ici cet établissement qui ressemble si peu à nos
    anciens collèges, qui a déjà le caractère d'une maison de travail et
    de production industrielle, je ne puis m'empêcher de songer au
    courant nouveau qui entraîne notre société moderne.
    Cette construction, où cependant on n'a pas ménagé l'argent, ne
    se recommande pas, dans sa forme extérieure, par une architecture
    fastueuse; mais, en entrant bien dans la pensée de l'architecte, on
    devine, on pressent que les générations d'écoliers se succéderont
    dans cette maison pour apprendre à travailler et à soutenir le grand
    combat de la vie.
    Tel doit être, permettez-moi de le dire, le caractère de l'enseignement
    secondaire dans l'avenir, et je ne crois nullement le rabaisser en
    disant qu'il doit s'approprier de lui-même à tous les besoins de
    notre démocratie laborieuse et agissante. Qu'on le veuille ou non, il n'y a plus rien aujourd'hui en dehors de la démocratie; aussi, dans
    ce pays, tout doit tourner à son avantage, à ses progrès, à son
    élévation matérielle et à sa grandeur morale.
    Je suis loin de penser que l'enseignement secondaire ne devra plus
    préparer des hommes pour ces professions libérales dont notre
    société démocratique peut se passer moins encore que les autres.
    J'oserais encore moins dire que l'on doit transformer les lycées en
    écoles professionnelles ou d'apprentissage où l'on ne fera que des
    contremaîtres. Non; je ne dis pas cela. Ce que nous devons
    demander avant tout à l'enseignement secondaire, ce n'est ni des
    contre-maîtres, ni des chefs d'établissements, ce sont surtout des
    hommes, des citoyens.
    Qu'est-ce qui fait qu'un homme est véritablement digne de ce
    nom ?
    C'est la noblesse de son coeur, la hauteur de son intelligence,
    l'énergie de sa volonté ; c'est son esprit orné en même temps qu'armé.
    Pour que l'enfant devienne un homme, il faut que son intelligence
    soit fermement préparée par une culture scientifique et littéraire de
    plus en plus solide. Aussi est-il de plus en plus nécessaire que cet
    enseignement nouveau et destiné à agir sur les intelligences d'une
    maniera vigoureuse et féconde soit doublé d'un enseignement moral
    qui élèvera les coeurs, en les ouvrant aux plus nobles sentiments.
    Enfin, il importe qu'on apprenne dès le lycée que, suivant le mot
    profond du plus grand de nos maîtres du XVIIIe siècle, la vie, c'est
    l'action. Aussi, la principale qualité pour l'homme doit-elle être
    l'énergie qui trempe les caractères. Le caractère d'un homme est ce
    qui assure son indépendance personnelle; à son tour, cette indépendance
    fait de l'homme un citoyen. Et de bons et fermes citoyens
    peuvent seuls faire bonne garde autour des institutions républicaines.
    Aujourd'hui, tous les Français s'intéressent aux questions d'éducation
    nationale, et le ministère de l'Instruction publique est devenu
    le plus populaire de tous ; mais, en même temps que la popularité et
    les honneurs sont venus à ce ministère, ses charges ont augmenté
    et sa responsabilité s'est accrue.
    Pourquoi? Parce que les pères de famille ont maintenant les yeux
    fixés sur la direction qui est imprimée à l'enseignement national, L'État a reconnu le principe de la liberté. Usant de cette liberté
    les adversaires de la démocratie ceux qui se défient d'elle élèvent
    leurs enfants dans des écoles qui leur semblent plus propres à
    sauvegarder les anciennes idées.
    Au contraire, tous ceux qui appartiennent à la démocratie, ceux
    qui sortent de ces couches profondes dont parlait tout à l'heure
    M. le recteur ont maintenant pour principal souci de savoir quelle
    est la direction qu'on veut donner à la société de l'avenir.
    Cette direction, vous la connaissez, Mes chers Concitoyens; il
    s'agit de faire que la France continue à être ce qu'elle a toujours été,
    c'est-à-dire le porte-flambeau de la civilisation dans le monde.
    C'est en dirigeant les générations nouvelles vers ce grand idéal
    qu'on relèvera notre pays. Nous ne pouvons, nous ne devons pas
    penser à faire de notre France une société exclusivement industrielle,
    comme l'Amérique; nous ne pouvons, nous ne devons pas davantage
    nous attarder dans l'ornière du passé, en faisant de la France une
    nation de pédants et de mandarins.
    Non, la France est une nation libre, vive, douée d'une incomparable
    puissance de rajeunissement et de transformation, qui a de
    glorieuses traditions, une grande histoire et un noble passé à soutenir,
    mais qui a aussi son rôle à jouer parmi les peuples de l'avenir.
    Notre nation reste, malgré ses malheurs, l'objet de l'envie passionnée
    de l'univers. Il y a devant nous, pour nos enfants, des perspectives
    de grandeur morale et matérielle à nulles autres pareilles. Malgré
    l'obscurcissement momentané de sa gloire, la France n'a pas cessé
    de marcher à la tête des peuples civilisés; mais, pour garder son
    rang, il faut qu'elle se renouvelle incessamment elle-même dans ses
    enfants.
    Telle est la haute pensée, Messieurs, qui a porté la République et
    les républicains à tout sacrifier à l'instruction générale. Voilà
    pourquoi les établissements comme celui-ci doivent être entourés de
    la faveur publique. Voilà pourquoi aussi, s'il m'est permis de l'ajouter,
    le Gouvernement ne pouvait être absent d'une pareille fête, et je
    saisis cette occasion de déclarer que le ministre de l'instruction
    publique n'est pas venu dans cette ville pour faire de la politique
    de parti, mais de la politique nationale. Il y a quelque chose qui est au-dessus de nos discussions, de nos
    divisions et de nos passions, c'est l'avenir de la Fiance et de la
    civilisation générale,
    Cet avenir, Mes chers Concitoyens, il sera ce que le feront les
    élèves de nos lycées; nos destinées futures sont entie leurs mains,
    Quand on élève sa pensée vers toutes ces grandes choses, on écarte
    bien loin de soi, et non sans quelque dédain, certains reproches que
    d'ailleurs on sent injustes et immérités, Des telles accusations ne
    sauraient atteindre des hommes convaincus au fond de leur conscience
    que, depuis la première jusqu'à la dernière heure de leur vie active,
    ils n'ont cherché qu'à servir leur cause, afin d'ajouter à la liberté, à
    la force, à la grandeur de leur pays,
    Qu'est-ce donc que leur cause? C'est celle de la France. El pour
    qui voulons-nous de la gloire, sinon pour la patrie?
    Il serait téméraire de vouloir rien ajouter.
    Restons sous l'austère et fortifiante impression des belles
    paroles qu'on vient de lire : elles forment la conclusion de
    notre modeste histoire du collège de Digne et nous permettent,
    sans rougir d'un passé qui n'est pas sans gloire,
    de diriger complaisamment nos regards vers les perspectives
  que le nouvel enseignement nous ouvre sur l'avenir, 
PIÈCES JUSTIFICATIVES
I.
Adresse du conseil général de la commune de Digne, chef-lieu du département des Basses-Alpes, à la Convention nationale,
    Représentans d'un peuple libre,
    Nous avons pris lecture du rapport qui vous a été fait au nom du
    comité d'instruction publique, et nous avons vu avec surprise que
    dans le projet de décret qu'il vous a proposé il s'agit d'établir à
    Manosque le seul institut principal destiné pour les Basses-Alpes.
    Laissons à part l'intéiêt de la ville de Digne, chef-lieu de ce département,
    Les nouvelles institutions ne sent point en effet créées pour
    favoriser telle ou telle ville, tel ou tel district plutôt que tel autre,
    mais pour l'avantage de la généralité, pour la commodité du plus
    grand nombre.
    Il faut donc, en les plaçant dans un arrondissement, chercher un
    point central à portée de tout le monde et auquel on puisse arriver
    de toutes les extrémités par une distance à peu près égale.
    Jettons un coup d'oeil sur la carte et examinons si Manosque est
    dans une position favorable pour y fixer l'institut proposé.
    Notre département comprend cinq district, Digne au centre,
    Barcelonnette au nord, Castellane au levant, Sisteron au couchant et
    Forcalquïe rau midi. C'est dans ce dernier district que se trouve la
    ville de Manosque, située à l'extrémité du département et presque sur
    la limite du territoire des Bouches-du-Rhône.
    Le seul institut principal destiné pour les Basses-Alpes serait
    donc fort mal placé à Manosque ; il serait hors de la portée de la généralité du dépatement, disons mieux les trois quarts de ses
    habitantb seraient privés d'en profiter, non seulement par le motif
    de l'éloignement, mais encore par la difficulté qu'auraient les
    districts de Digne, Castellane, Barcelonnette et une partie de celui
    de Sisteron pour se rendre à Manosque dans certains temps de
    l'année, Manosque et le district de Forcalquicr sout en effet séparés
    du reste du déparlement par la rivière de Durance, qui ne peut se
    traverser que par un bac dangereux dans les temps ordinaires et
    souvent impraticable lors des crues d'eau, surtout lorsque la rivière
    est divisée en plusieurs branches. Aussi existe-t-il peu de relations
    entre les habitans d'en deçà de la Durance et ceux du district de
    Forcalquier; on ne se rend dans le district qu'avec répugnance même
    pour des affaires faciles ; jugés donc combien il en coûterait aux pères
    de famille d'être obligés de conduire leurs enfants en delà de cette
    rivière et dans un pays si éloigné, La plus part ne pourraient s'y
    résoudre et dès lors le but de la Convention nationale, qui est de
    raprocher des étudians les moyens d'instruction, serait absolument    manqué dans ces contrées. Des cinq districts dont notre département
    est composé celui de Forcalquier serait le seul à portée de profiter
    de cette instruction et il n'y aurait en cela ni justice ni égalité.
    Législateurs ! notre déparlement n'est pas riche, il est surchargé
    d'impôts ; c'est bien le moins que vous facilitiez à ces pauvres habitans
    les moyens d'acquérir les lumières que vous voulez propager partout,
    et que vous ne les surchargiez point par des frais de voyage et de
    déplacement.
    La carte à la main, cherchons donc le point central, le mieux à
    portée de tous et où on puisse trouver le plus de ressources possibles
    pour l'instruction de la jeunesse.
    Or nous pouvons vous assurer sans crainte d'être démentis ou
    d'être accusés de parler pour notre intérêt particulier, que la ville de
    Digne est la seule qui puisse remplir les indications (sic) : La position vraiment centrale n'a pas besoin d'être attestée ;
    elle a été formellement reconnue par les premières assemblées
    électorales et administratives, puisque c'est d'après leur voeu que
    l'Assemblée constituante y fixa définitivement le siège de l'administration
    supérieure sans aucun alternat, le même hommage lui a été rendu par toutes les sociétés populaires du département réunies par
    députés en assemblée fédérative le 14 juillet 1792 et en dernier lieu
    par une assemblée générale des mêmes sociétés tenue à Digne le
    7 mars 1793, Toujours on a reconnu que Digne par sa position était
    la seule où on peut fixer les établissements d'utilité générale.
    Il faut observer que le district de Digne forme à lui seul au
    delà du tiers de la population des Basses-Alpes, puisque sur trois
    cent quinze électeurs que donne le département le district en fournit
    cent onze, et que la même proportion se trouve dans le payement de
    l'impôt,
    A ces moyens victorieux se joignent une infinité de convenance : c'est dans un chef-lieu de département, là ou siège 
    les administrations supérieures et les tribunaux, que se trouve
    toujours une masse de lumières et que les éfudians rencontrent le
    plus de moyen d'instruction en tout genre ; de combien de ressources
    ne seraient-t-ih pas privés si l'institut était placé dans une ville où    il n'y aurait aucune administration ?
    Ainsy la centralité, la population, la contribution et les motifs de
    convenance, tout concourt à faire établir à Digne l'institut principal
    proposé pour le département.
    L'importance particulière de Digne ne doit pas moins contribuer
    à appuyer notre réclamation. Cette cité a en effet toujours figuré,
    même dans l'ancien régime, comme une ville principale ; elle était
    regardée comme la capitale de la Haute Provence ; avant la peste
    arrivée en 1629, elle comptait dans son enceinte plus de douze mille
    âmes. La dépopulation fut si grande que le célèbre Gassendy ne put
    retenir ses larmes à son retour de Paris dans sa patrie.
    Malgré ces pertes considérables, Digne, par son commerce, par la
    faveur de sa position et par ses relations avec toutes les contrées
    voisines, a toujours été la ville la plus conséquente de cette partie de
    la cy-devant Provence qui forme aujourd'huy le département des
    Basses-Alpes. Les entraves de l'ancien régime l'ont empêché de
    réparer toutes ses pertes, mais elle espère trouver dans le nouveau
    des moyens de reprendre son ancien lustre.
    En deux mots, nous sommes situés au centre géographique et de
    la population du département. Notre climat est fort tempéré; la situation de notre ville assez agréable; nous y respirons un air pur
    et nous y jouissons de tontes les ressources pour recouvrer la santé,
    ne fut ce que par le moyen de nos Bains, qui sont très connus. Que
    faut-il de plus pour engager la Convention nationale à placer h Digne
    l'institut principal qu'il s'agît d'établir dans les Basses-Alpes? Nous
    offrons encore à la République de fournir à nos frais et dépens un
    local des plus propres et des plus commodes pour cet établissement.
    Tout nous fait espérer que la Convention nationale nous rendra la
    justice que la localité el l'intérêt gênerai du déparlement semblent
    nous assurer.
    Délibéré à Digne en conseil général, le 13 mars 1793, l'an II de
    la République française, et ont sigué tous les membres dudit conseil
    à la minute. 
II.
Surveillance municipale,
.
    Plusieurs personnes ayant portés des plaintes à la municipalité
    qu'un grand nombre d'enfants s'assembloient au pred de la foire et
    une autre troupe au nouveau grand chemin qui conduit au grand
    pond de pierre pour se lencer des pierres avec la fronde les uns
    contre les autres;
    Une pareille guerre est intolérable, et il est inoui que des républicains
    se bâtent parmi eux.
    Comme ou saurait envisagé cette inconduite que du coté de
    défaut de vigilance et d'instruction des parents de ces enfants, que
    sils étoient bien instruit de notre sublime constitution, ils y aprendraient
    à aimer et à secourir les français comme des frères.
    Pour lors au lieu de se batre parmi eux, ils se chériroient, ils
    s'amuseraient ensemble, ils s'exerceroient parmi eux au maniement
    des armes pour se rendre invincibles contre nos perfides ennemis,
    lorsqu'ils auront atteint l'âge et la force suffisantes pour les aller
    combattre.
    En concéquence tous les parens qui ont des enfants veilleront
    sur eux avec grand soin et les dégoûteront en leur faisant connaitre le ridicule de leur conduite.
    Faute de quoy les parents sont responsables des événements
    fâcheux qu'il pourroit en résulter, et louis les enfants qui ont atteint
    l'âge au dessus de dix ans qu'ils seront trouvés sur le fait de jetter
    des pierres avec leur fronde, dans les chemins autour de la commune, soient dans Jes promenades, soient dans les places
    publiques, seront arrêtés, et mis pendant vingt quatre heures en
    prison.
    Fait à Digne, dans la maison commune le 24 messidor, l'an 2'
    (12 juillet 1794) de la république française une et indivisible.
III.
Extrait des délibérations du conseil général de l'an 10. Séance du 5 prairial (25 mai 1802).
INSTRUCTION PUBLIQUE.
    Le conseil général ne répétera point ici tout ce qu'il a dit dans
    les verbauxde ses précédentes sessions pour faire sentir les avantages
    et surtout les besoins de l'instruction dans ce département : ils sont
    généralement reconnus aujourd'hui. Ils avaient tellement frappé le
    préfet, que ce magistrat, pour se rendre aux voeux bien prononcés
    du conseil, et des habitants des Basses-Alpes, n'avait négligé aucun
    moyen, et n'avait épargné ni peine ni soins pour organiser l"École
    centrale dans ce département.
    Il était enfin parvenu à ce but si désiré : et pour faciliter les
    moyens d'instruction pour toutes les parties du département, un
    pensionnat, dirigé par une personne éclairée, était établi près l'École
    centrale où des élèves nombreux étaient à portée de recevoir une
    éducation soignée : moyennant une pension modique et compatible
    avec la médiocrité des fortunes des habitants. Ceux-ci commençaient
    à jouir du fruit des travaux et sollicitudes du préfet et de ses
    coopérateurs et se félicitaient de pouvoir enfin donner à leurs enfants l'instruction dont ils étaient privés depuis la Révolution.
    Trois professeurs, un des langues anciennes et modernes, un des
    mathématiques et un troisième de dessin, étaient déjà en exercice.
    On se serait borné, pour compléter l'enseignement, à demander encore
    deux professeurs, dont un d'histoire naturelle, qui aurait montré les
    éléments de l'agriculture, et l'autre aurait professé les belles lettres.
    Voilà nos espérances tout-à-coup déçues; voilà ces établissements si
    longtemps désirés et formés avec tant de peine, soudainement
    paralisés et frappés de nullité par le nouveau projet d'organisation de
    l'instruction publique,
    Ce projet, quoique conçu avec des idées libérales, renferme des
    défauts remarquables. Les écoles secondaires seront la seule ressource
    des habitants de ce dépaitement, parce que la modicité de leurs
    fortunes ne leur permettra pas d'envoyer leurs enfants dans des
    licées qui ne pourront être fréquentés que par les enfants des
    favoris de la fortune.
    Dans les écoles secondaires, on ne pourra donner qu'une instruction
    très bornée. On n'y trouveia jamais des professeurs doués du mérite
    qui doit distinguer ceux qui se vouent à ces pénibles et honorables
    fonctions, attendu qu'on fait dépendre leur existence du nombre des
    élèves, et que ce nombre ne pourra jamais leur procurer un traitement
    suffisant.
    Si le nouveau plan était adopté, ce département serait privé des
    avantagés de l'instruction, parce qu'on ne pourrait jamais parvenir
    à y organiser les écoles secondaires, autant par le défaut de ressources
    des communes, que par l'impossibilité de trouver des sujets. Cependant
    ce pays ne doit point être négligé : ses habitants, naturellement
    vifs et spirituels, sont susceptibles de cultiver les sciences et les
    lettres avec succès. Il a produit l'immortel Gassendy et le savant
    Papon, historien de Provenez; ii est le berceau des Mirabeau, et
    plusieurs écrivains qui, quoique moins connus, se sont rendus utiles
    aux lettres par les connaissances qu'ils ont transmises, y ont pris
    naissance.  Le Gouvernement ne peut mieux développer les germes que la
    nature se plaît à répandre dans l'esprit des habitants des Basses-Alpes, et y former des sujets capables de remplir les diverses fonctions
    de la société, qu'en laissant subsister l'École Centrale, avec les
    réformes et les modifications que cet établissement paraît exiger, et
    surtout en le soumettant à une surveillance sévère et telle qu'elle pût
    exciter le zèle des professeurs et l'émulation parmi les élèves. Si les
    dépenses qu'entraîne l'établissement de l'École Centrale, même avec
    une réduction dans le nombre des professeurs formaient un obstacle,
    on trouverait aisément les fonds suffisants par la suppression de
    l'agence des contributions qui est réclamée par le voeu général.
    D'après cet exposé, lo conseil général exprime le voeu formel que
    l'École Centrale soit conservée et maintenue dans ce déparlement,
    comme l'établissement qui convient le mieux aux localités ; que le
    nombre des professeurs y soit réduit et fixé à cinq ou à six, en y
    comprenant le bibliothécaire ; que le pensionnat établi près l'École
    centrale soit investi de toute la protection du Gouvernement et
    qu'une surveillance rigoureuse soit le gage da la prospérité de
  l'instruction. 
IV.
Discours de distributions de prix.
1838. M. Raine, principal. — Sur le danger des utopies et des
    théories bizarres en politique.
    1840. M. Auphan. — Sur la langue française.
    1841. M. Collivet, professeur de troisième, — Sur les récompenses
    et les prix.
    1843. M. Henri. — Sur l'éttude des auteurs classiques (sortie contre
    le romantisme).
    1846. M. Camatte, régent de troisième.— Sur le choix d'une carrière.
    1848. M. Reynaud. professeur d'histoire. — Sur l'éloquence.
    1849. M. Ser, professeur de rhétorique. — L'Université et le collège
    sont des institutions bien appropriées à l'espût d'une républiquc.
    1851. M. Colomb, régent de seconde. —
    Tableau de l'histoire
    littéraire.
    1852. M. Neyreneux, régent de rhétorique — Sur le travail.
    1852. M. Faure, professeur d'histoire. — De la nécessité de l'étude.
    1854. M. Colomb, régent de rhétorique. — Importance et utilité
    des différentes branches de l'enseignement universitaire,
    1855. M, Roger, professeur de seconde. — L'enseignement universitaire.
    1856. M, Couslalet, professeur de tioisiême. — Sur l'esprit d'ordre
    et de discipline.
    J857. M. Barrés, principal. — Des principes d'une bonne et solide
    éducation chrétienne.
  
1858. M. Bénit, professeur de rhétorique. — Des auteurs grecs et
    latins.
    1859. M. Imberl, professeur de mathématiques. — Influence des
    sciences sur le développementde l'intelligence.
    1861. M. Roberty, professeur d'histoire.— Origine et développement
    des sciences historiques.
    1862. M. Chabrier, professeur de seconde.—Sur l'histoire de Digue.
    1863. M. Ferry, professeur de rhétorique.— Sur l'activité, vertu
    indispensable pour triompher dans la lutte pour la vie.
    1864. M. Pons, professeur d'histoire. —
    Élude de l'histoire.
    1865. M. Bénit, principal. — Des avantages de l'instruction.
    1866. M. Bourbon, piofesseur de rhélorique. — L'élève de nos jours
    et l'élève d'autrefois.
    1867. M. Pinelli, prufasseur de seconde. — L'éducation  et
    l'éducation privée.
    1868. M. Déruelle, professeur d'histoire. — Utilité de l'institut.
    1869. M. Courtalon, professeurde seconde.—Des travaux du collège.
    1871. M. Arnoux, professeur de rhétorique. —Influence de renseignement
    sur l'avenir de notre pays.
    1873. M. Désiré Martin, professeur de mathématiques. —
    Éloge des
    sciences.
    1874. M, Barnave, professeur de physique. — Découvertes du
    XIXo siècle.
    1878. M. Foujols, professeur d'histoire. — Sur le progrès.
    1876. M. Bénit, professeur de philosophie. — Sur l'esprit d'obéissance.
    1877. M. Guizou, professeur de cinquième et sixième. — Sur la
    lecture.
    1878. M. Payan, professeurde physique.— Sur l'étude de l'histoire
    naturelle.
    1879. M. Arnoux, professeur de rhélorique, — Sur Honnorat, Bondil
    et l'orateur Manuel.
    1880. M. Bernard, professeur de l'enseignement secondaire spécial.
    — De renseignement secondaire français.
    1881. M. Balland, piofesseur de philosophie.— De l'élude dp la
  philosophie,
1882. M. Bonfanti, professeur de philosophie. — Sur Gassendi.
    1883. 51. Mène, professeur de cinquième et sixième. — Sur
    Montaigne.
    1884. M. Briand, professeur de troisième et quatrième. — Sur
    l'énergie et la fermeté du caractère.
    1885. M. Granier, professeur de philosophie. — Sur la dignité
    humaine.
    1886. M. Dagan, professeur de rhétorique. — Sur le pédantisme.
  1887. M. Jean, professeur de philosophie. — Sur Rabelais.
V.
Décret érigeant en lycée national le collège de Digne. (I août 1883.)
    Le Président de la République Française,
    Sur le rapport du Président du Conseil, Ministre de l'Instruction
    publique et des Beaux-Arts,
    Vu les délibérations, en date des 11 août, 10 octobre 1882 et
    30 mars 1883, par lesquelles le conseil municipal de Digne a émis le
    voeu que son collège communal fût érigé en lycée et s'est engagé :1° à fournir des bâtiments conformes aux plans qui seront approuvés
    par le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts et garnis
    du mobilier usuel et scientifique déterminé par les règlements; 2° à
    satisfaire aux obligations imposées par la loi du 15 mars 1850; 3° à
    entretenir pendant dix ans un certain nombre de bourses;
    Vu les délibérations, en date dos 23 cl 25 août 1882, par lesquelles
    le conssil général des Basses-Alpes s'engage à contribuer, pour une
    somme de 100,000 francs, aux frais de construction de l'établissement
    ,vu les rapports de M. le Recteur de l'Académie d'Aix, en date
    des I" décembre 1882 et 23 juin 1883;
    vu l'avis du Conseil supérieur de l'Instruction publique ;
    vu la loi du 15 mars 1850;
    vu le décret du 10 avril 1853;
    DÉCRETE
   ARTICLE PREMIER— Le collège de Digne est déclaré lycée
    national. 
ART. 2. — Le lycée de Digne sera organisé, après qu'il aura été reconnu contradictoirement par les délégués de l'administration municipale et par ceux du Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts que les bâtiments sont complètement achevés conformémentaux plans approuvés et pourvus du mobilier usuel et scientifique déterminé par les règlements.
    AKT. 3. Le prix de pension et d'externat seiont fixés ainsi qu'il
    suit :
    Division supérieure
    — de grammaire
    — élémentaire
    Pension.Demi Pension, Externat.
    650 » 425 » 100 i
    600 » 375 » 80 »
    550 » 325 » 70 »
ART. 4. — Les Président du Conseil, Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, est chargé de l'exécution du présent décret.
    JUI.ES GRÉVY.
    Par le Président de la République :
    Le Président du Conseil,
    Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts,
    JULES FEBRY.
VI.
Bibliographie,
    Archives communales de Digne, BB; registres des comptes, CC;
    registres des actes: arrêtés du corps municipal.
    Délibérations du bureau d'administration du collège (1805),
    Archives départementales des Basses-Alpes.
    Journal des Basses-Alpes(1837-1887).
    Annuaire des Basses-Alpes(1833).
    Vie de P. Gasseirti, par le père Bougerel. (Paris, imprimerie de
    Jacques Vincant, 1737.)
    Souvenirs historiques sur la ville de Digne, par F. Guichard.
    (Digne, v Guichard, 1847.)
    Dicours sur la vie et les vertus de Mgr de Miollis, suivi de notes,
    par L.-J. Bondi!, chanoine théologal. (Digne, ve Guichard, 1843.)
    Les Pédagogues du Port-Royal, par Carré. (Paris, Delagrave, 1887.)
    348 pages.
 Documents sur l'enseignement primaire en Provence avant 1789,
    par Mireur, archiviste du Var. (Extrait de la Revue des Sociétés
    savantes, 7« série, lome III, 1880.) 32 pages.
Bulletin de là Société scientifique et littéraire des Batses-Alpes,
    (Imprimerie Chaspoul, Conslans, et veuve Baibaroux, Digne.)
    Musée pédagogique, fascicule n° 7. —Schoîa aq\titanka, programme
    d'études du collège ds Guyenne au XVI° siècle, léimprimé par Louis
    Massebicau. (Paris, Delagiaveet Hachette, 1886.)xv-76 pages.
    Musée pédagogique, fascicule n° 71. — Notes sur l'Instruction
    publique de 1789 à 1808.
    Reçue de l'Enseignementsecondaire cl supérieur.(Paris, Dupont.) 
    Cette revue a publié un certain no:nbes de documents relatifs
  l'histoire des collèges. 
FIN DE L'OUVRAGE
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