Mallefougasse:

C'est un petit village situé au pied de la montagne de Lure, à l'Est de St. Etienne les Orgues. On retrouve sa trace dans les textes sous la forme de « Malafocacha » en 1274 et plus tôt en 1208 sous celle de « Malafogacia ».

Le hameau fut détruit par les bandes de Raymond de Turenne et complètement abandonné, il fut rebâti seulement deux siècles plus tard, au XVI° siècle. C'était un lieu sans eau et l'on devait la stoker dans des citernes quand il pleuvait, elle donnait un mauvais goût aux fougasses d'où le nom de « Malafogacia » que l'on rencontre.

Pour lutter contre la peste qui se propageait en Provence en 1720, tout une ligne de défense fut établie autour des villes et des villages, c'est ainsi que Mallefougasse se vit ceinturer par d'épais buissons.

Le village fut rattaché à la commune de Consonoves en 1807. Ce nom viendrait du terme « casa nova ».

Son château appartient à ce quartier et n'est, en fait, qu'une grosse demeure bourgeoise des XVII° et XVIII° siècle. Autre localité à lui être adjointe : AUGES en 1975 ; lieu dit qui laisse voir une magnifique chapelle du XII° siècle (St. Jean du Désert) et une ferme fortifiée, celle des LIOUX. Mais en fait, ces quelques maisons formaient un quartier éloigné de Peyruis.

L'église du village, dédiée à St. Jean Baptiste telle qu'on la voit date du XVII° siècle, elle doit avoir été construite en 1653 si l'on en croit une inscription figurant sur le linteau de la porte d'entrée mais a un clocher de la fin du XI° siècle ; elle fut, à l'origine, un prieuré, possession de l'abbaye de Villeneuve-les-Avignon.

Dans les temps anciens, sa cure fut une des propriétés des évêques de Sisteron et elle est de nos jours transformée en mairie.

Il est à noter que J. Giono y situa l'action de son roman « Serpents d'Etoiles ».

 

Conte de d'Eugène Plauchud Provençal et sa traduction française.

LOU CURAT DE MALLOFOUGASSO

A J. Roumaniho.

Moussu Moueinié èro curat de Marofougasso ; e, tout lou franc Diéu dou jou, fahié que badaia. De fèt, se badaiavo pa, que farié, siéuplèt, un curât de Marofougasso ?

Uno fes, pamens, aquéu brave ome de curat, qu'èro jamai sourti de soun trau, ané jusqu'à Marseiho.

Siègué spanta quand vegué la mar, tant longo e tant larjo ; mai resté candi, en viant d'ome que se tenien su l'aigo coumo de peissoun.

Demandé ce qu'èro ; li respounderon qu'èro de nedaire.

Desempièi, Moussu Moueinié pantaié plu qu'aigo e nedaire. Mai lou mouien d'aprendre à neda à Marofougasso, l'endret lou pu secous que siègue en Fourcouqueirés !

Un matin, barjavo d'acô —èro soun bouon parla — em' un de ses paroussian, ancian matelot, e souinissié en se plagnènt de pa pousqué appren­dre à neda, fauto d'aigo.

— Mai, li fagué lou vièi marin, qu'èro un galejaire, es pa necit d'agué d'aigo par acô faire ; un letru coumo voui, Moussu lou curat, déurié lou saupre.

— Que dièi ? fe lou capelan, en durbènt d'ueus coumo lou pung.

— Dieu qu'es pa de crèire qu'aguei jamai vist acô dedins vouostei libre.

— Jamai ! te l'afourtissou.

— Acô m'estouno.

— Anen, vouoi rire, quand parlei d'aprendre à neda sènso aigo ?

— Nani, de tout segur.

— E bè, veguen, que fau faire ?

— Rèn de pus eisa ; veici : Metès tres ou qua­tre pan de nosei dins uno chambro, voui li alounguèi dessu, li estarpèi dedins, e dins aquélei noses, outant mouvadisso que l'aigo, aprendrés à neda coumo dins uno resclavo.

— Oi, quanunto ! de segur ?

— La verita ! N'en counéissou abord qu'an gi fa d'autre aprentissàgi, et que nèdon coumo de marlusso.

Lou vièi marin avié pa 'nca rira lou cantoun de la carriero, que lou curât entravo à clastro en cridènt : « Rousoun ? Rousoun ?»

— Que li a par vouoste sarvici, Moussu ? respoundé la chambrièro. — Li a, que fau prendre de sa ; e t'enanaras dins Marofougasso acampa toutei lei noses qu'atrouvaras. Lei viéujaras ou sou dins la chambro dou segound.

—Mai., Moussu lou curat, se siéu pa trop curiouso, que pouai vougué faire de tant de noses ?_

— Acô t'arregardo pa ! Fai ce que te diéu.

E la Rousoun parté, sènso rebeca, ce que se ves pa souvent encô dei sarvicialo de clastro.

L'endeman, li avié très pan de nosei dins la charnbro.

Alor, Moussu lou curat, — en jun, de pou d'aganta uno endegestien, — mounté, poussé la pouorto, se meté 'n coustumo de nadaire, se traié su lei noses, e vague travaia dei bras et des cambo.

Pensèi lou trin qu'acô fahié dins l'oustau.

La chambriero, touto espauta, mouonto les escarié à cha quatre, duerbe la pouorto... En viant soun mèstre dins aquel acoutrimen, arpatejant coumo uno granouio, crei qu'a pardu la tèsto e pousse un bram d'espetacle.

— Ah ! m'alurouo ! li fai lou curat, teiso-te, qu'ienca'n pau me fahiei nega.

 

LE CURE DE MALLEFOUGASSE

A J. Roumanille.

Monsieur Monier était curé de Malefougasse ; il bâillait tout le long du jour. Et, de fait, s'il ne bâillait pas, que pourrait bien faire un curé à Malefougasse ?

Un jour, pourtant, ce brave homme de curé, qui n'était jamais sorti de son trou, alla jusqu'à Mar­seille.

Il fut étonné quand il vit la mer, si longue et si large ; mais il resta pétrifié en apercevant des hommes qui se tenaient dans l'eau comme des pois­sons.

Il demanda ce que c'était. — Ce sont des na­geurs, lui répondit-on.

Depuis il ne rêva plus qu'eau et nageurs. Mais comment apprendre à nager à Malefougasse, le pays le plus sec qui soit en Forcalquérois !

Un matin, il parlait natation — c'était son bon parler — avec un de ses paroissiens qui avait été matelot ; et il gémissait, — se plaignant que le manque d'eau l'empêchait d'apprendre à nager.

— Mais, lui dit le vieux marin qui était un lous­tic, il n'est pas besoin d'avoir de l'eau pour cela faire. Un savant comme vous, Monsieur le Curé, devrait le savoir.

— Que dis-tu ? fit le prêtre en ouvrant de grands yeux.

— Je dis qu'il n'est pas possible que vous n'ayez jamais vu cela dans vos livres.

— Jamais ! je te l'affirme.

— Cela m'étonne.

— Tu plaisantes quand tu parles d'apprendre à nager sans eau.

— Assurément non.

— Eh bien, voyons, que faut-il faire ? Parle !

— Rien de plus aisé... Voici : Vous mettez, haut de trois ou quatre « pans », des noix dans une chambre, vous vous allongez dessus en vous déme­nant, et dans ces noix (qui représentent l'eau), vous apprendre? à. nager comme dans une écluse.

— Que me contes-tu là ?

— La vérité ! J'en connais bon nombre qui, n'ayant pas fait d'autre apprentissage, nagent com­me des morues.

Le vieux marin n'avait pas encore tourné le coin de la rue, que le curé rentrait au presbytère, appe­lant : « Rouson ? Rouson ? »

— Qu'y a-t-il à votre service, Monsieur ? ré­pondit la servante.

— Prends des sacs ; et va-t'en dans Malefougasse ramasser toutes les noix que tu trouveras. Tu les videras par terre, dans la chambre du second.

— Mais, Monsieur le curé, si je ne suis pas trop curieuse, que pouvez-vous vouloir faire de tant de noix?

— Ce n'est pas ton affaire : fais ce que je te dis.

Et Rouson partit sans riposter, chose assez rare chez une servante de presbytère.

Le lendemain, il y avait trois pans de noix dans la chambre.

Alors Monsieur le curé, — à jeun, crainte de prendre une indigestion, — monta, poussa la por­te, se mit en costume de nageur, se jeta sur les noix, et, allez donc ! de travailler des bras et des jambes.

Vous devinez le vacarme que cela faisait dans la maison.

La servante, effrayée, monte les degrés quatre à quatre, ouvre la porte..... En voyant son maître dans ce déshabillé, gigotant comme une grenouille, elle se figure qu'il a perdu la tête, et pousse un cri d'épouvante.

— Ah ! malheureuse ! fait le curé, tais-toi ! tu as failli me faire noyer.