Saint Jean de Matha :

C'est Raymond Bérenger le jeune, comte de Provence et de Barcelone, qui donna une de ses terres au seigneur Euphème de Matha : la terre de Faucon. Et, c'est ici à Faucon, à deux pas de Barcelonnette, que naquit le 24 juin 1160 celui qui allait devenir un saint : Jean de Matha. Pourtant l'histoire a longtemps parlé de lui sous un autre nom : Jean le Provençal.

Bien qu'il ait œuvré partout dans le monde, son origine était ainsi nettement marquée. Ensuite, au bout de plusieurs siècles de quasi oubli lorsque son action fut d'avantage reconnu, on précisa son patronyme : St. Jean de Matha.

I.- Le créateur de l'ordre des Trinitaires

Les origines

C'est une vision, une révélation divine qui pousse Jean de Matha vers son chemin de Damas.

Après des études à Marseille et à Aix en Provence, c'est à Paris qu'il deviendra docteur en théologie. Et, c'est devenu prêtre, lors de sa première messe, que l'apparition eut lieu. Bien que souvent relatée, elle nous frappe par sa clarté et sa simplicité. Et surtout cette vision aura son incarnation dans le réel par la création d'un ordre religieux catholique. Jean voit donc un homme en blanc, une croix rouge et bleue sur la poitrine, libérant deux captifs : un noir et un blanc. S'agit il du Christ ? D'un ange ? En tout cas, c'est bien le Christ qui est représenté sur une mosaïque de 1210. Ce symbole des trinitaires se trouve encore aujourd'hui sur le fronton de l'église de l'hospice de Saint Thomas-in-Formis à Rome. C'est le pape Innocent III qui a offert cette mosaïque à Saint Jean de Matha. Pourquoi ? C'est tout simplement que les deux hommes étaient des collègues d'études à l'université de Paris.

Mais, on relate aussi une deuxième apparition. Elle s'est passée dans le département de l'Aisne, à Cerfroid, où Jean s'était retiré avec un ermite, Félix de Valois, pour prier et échanger des idées théologiques. C'est alors que les deux hommes voient apparaître un cerf qui porte, entre ses bois, une croix rouge et bleue ! Jean et Félix n'eurent aucune difficulté à s'ouvrir de leur vision au pape Innocent III.

Ils l'interprétèrent comme l'ordre du ciel de créer un ordre religieux destiné à libérer les captifs chrétiens, prisonniers des Maures. Le 17 décembre 1198, le pape approuve la création de l'ordre et sa règle par une bulle. Ainsi est né l'ordre de la Très Sainte Trinité pour la rédemption des captifs. Il est encore présent de nos jours.

La mission

On sait que la Haute Provence est une terre aride, loin du clinquant de toute sorte. La proximité de la nature, la solitude, le silence, toute une imprégnation avec ce monde extérieur favorisent souvent une vie intérieure. De sa naissance à Faucon et de ses plus jeunes années, Jean a-t-il gardé la discrétion, la ténacité et le courage des habitants de ce pays ? En tous, ce courage va marquer sa vie. Les Trinitaire, bien sûr, ne vont rien posséder pour eux-mêmes. Les dons serviront à racheter des captifs qui, jusque là, étaient abandonnés aux musulmans après les croisades. Dans ce but, Jean de Matha va sillonner l'Europe, côtoyer rois et seigneurs pour obtenir des sommes d'argent destinées à racheter les prisonniers. Il ira aussi bien en Castille, en Aragon ou à Tunis. Des monastères et des hôpitaux seront créés. De son premier voyage en Afrique, Jean de Matha ramènera 186 prisonniers libérés. En 1789, on comptera 600.000 libérations.

Toute l'histoire des Trinitaires (leurs règles, les différentes branches dans le monde, leurs créations, leurs actions) pourraient donner lieu à de longues et passionnantes études. Retenons ici que nous sommes en présence d'un homme de foi, d'un précurseur qui a recherché l'humanitaire jusqu'à en mourir d'épuisement à Rome le 17 décembre 1213.

II- Les traces Bas-Alpines

C'est donc dans la vallée de l'Ubaye, à l'extrémité orientale de la Haute Provence que se trouve FAUCON , le village natal de Jean de Matha. Il s'agit du plus ancien village de la vallée (les Romains en furent les premiers habitants). A 1211 mètres d'altitude, sur une pente ensoleillée, il domine Barcelonnette et est encadré de hauts sommets alpins. Les pointes neigeuses en sont comme un écrin. L'évocation de St. Jean de Matha y est manifeste. Sur la place, une statue (inaugurée en 1904) fait face à ce qui est présenté comme sa maison natale. Dans l'église paroissiale, derrière l'autel, un tableau retrace la scène d'apparition qui a déterminé la création de l'ordre.

Le Christ bénissant St. Jean de Matha - Céramique du hall d'entrée du couvent des trinitaires

Surtout, peut-être, la présence calme et sereine d'un couvent des Trinitaires apparaît comme un témoignage spirituel de l'œuvre. Ses bâtiments, son cloître, son jardin sont tout un espace d'accueil et de ressourcement. A l'intérieur, on trouve d'ailleurs une relique de Saint Jean de Matha, son os du pouce. A elle seule, l'histoire de l'édifice (il fut rattaché à l'Italie, à l'Espagne, propriété d'un prince Torlonia, à la disposition du curé de Faucon, occupé par les sœurs trinitaires de Valence, etc.) peut traduire la vie d'un monastère des Basses Alpes depuis sa création jusqu'à nos jours. En tous cas, le diocèse de Digne, nous fournit des données sur les dates de l'installation à Faucon : « La confrérie s'établit en juillet 1644 dans la paroisse de Faucon. L'autorisation de fonder un couvent est donnée le 15 juin 1662. Après un passage à la chapelle des Pénitents débute en 1672 la construction d'un petit couvent et d'une église. La première pierre du couvent actuel sera posée en 1675 et les travaux achevés en 1684. »

Pourquoi le rappel historique de ces dates ? Pour indiquer, en fait, que c'est une tradition d'église de créer un couvent auprès du lieu de naissance d'un fondateur d'un ordre. Et c'est l'Eglise qui au moment de la canonisation de St. Jean de Matha, en 1666, confirmera Faucon de Barcelonnette comme le lieu de naissance de Jean le Provençal.

Un questionnement surgit cependant relativement à un écrit de l'abbé Saint Genies de Dromon qui indique que l'évêque de GAP, en l'an 1210, aurait consenti que des Trinitaires s'établissent à la Motte-du -Caire en Provence. Or, comme il existe un Faucon du Caire à proximité, certains ont pensé que Jean aurait pu naître à Faucon du Caire. L'intérêt historique parait ici assez faible.

Retenons que nous sommes bel et bien en Haute Provence et que l'étude des textes ou monuments ne dépasse jamais celle de l'Homme et de son œuvre.

Robert Sausse

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