La faïence de Moustiers Ste Marie :

Dès le début du Moyen âge, l'art de la poterie s'est installé dans les gorges du Verdon. La matière première (argile, bois, eau) n'est pas loin. Puis va venir la faïence, art qui viendrait d'Italie (XV° s.), suivant la légende. Moustiers va être connu grâce aux frères Clérissy qui viennent s'y installer, leur famille venant d'Italie et étant « potier de terre ».
L'origine du goût de la noblesse et de la haute bourgeoisie pour cet émail se trouve à l'époque de Louis XIV. En effet, en conséquence de la pauvreté des finances de l'Etat et pour renflouer ses caisses, le roi décida de taxer le luxe et d'envoyer à la fonte les métaux rares. Ainsi l'argent et l'or disparurent des tables. La faïence les remplaça comme matière raffinée.

Olérys

Saint-Simon écrivit : « Alors, la mode voulut que tout ce qu'il eut de grand et de considérable en France, se mit à la faïence ». (cité par Jacques Mompeut dans son livre : « Les faïences de Moustiers » édisud, 1980).

C'est donc en 1679, avec Pierre Clérissy, que débuta « l'âge d'or » de la faïence de Moustiers. Son frère Joseph ira se fixer à Marseille et y développera son art. A cette époque, Moustiers avait plus de 2.000 habitants, 4 moulins à papier et 14 ateliers de fabrication d'émail.

Tout commença donc avec Pierre Clérissy (il vécut 76 ans) qui maîtrisait parfaitement l'art de l'émail blanc, il l'avait appris d'un moine italien de Faênza qui était venu s'installer à Moutiers. C'et en 1686 à l'occasion du baptème de sa fille, Anne, qu'il se fit appeler "Maitre Faïencier". Ses parents exerçaient déjà la profession de potier. Il avait eu l'idée de s'associer avec des décorateurs (les Viry) qui étaient des gens de l'arsenal de Toulon qui travaillaient à la décoration des galères du roi. Ces Viry furent des peintres de grande qualité.

Pierre fut plusieurs fois consul de son village, il s'éteindra en 1728. C'est son petit fils, prénommé aussi Pierre, on l'appellera Pierre II pour le distinguer de son grand-père, qui mettra Moustiers au premier rang en France des fabricants d'émail décoré, c'est à dire de la faïence. Il se retirera de la vie active en 1783 et vendra son atelier à Joseph Fouque qui avait fait son apprentissage chez Olérys.

Olérys fit suite à Pierre Clérissy et remporta un immense succès pour ses œuvres, il travailla d'abord comme peintre chez le premier. Il naquit à Marseille et passa 10 ans de sa vie en Espagne avant de se fixer à Moustiers en 1737. C'est lui qui va créer le décor dit « grotesque », celui dit à « fleur de pomme de terre » va marquer la fin de son époque. Il est à remarquer que cette fleur n'a pas été ce qu'on dit d'elle mais en fait c'est une invention décorative d'un peintre ou des fleurs alpines dites « solanacées » ou « solanées ». Il prit son beau frère, Jean Baptiste Laugier, comme associé et tous deux travaillèrent au « grand feu ».

Grotesque et fleur de pomme de terre

Il y eut, bien sur, d'autres faïenciers moins connus que Clérissy et Oléry. Les plus connus des moins connus furent Fouque et Pelloquin. Ils naquirent près de Moustiers, le premier à Quinson, le second à Bauduen ; ils se rencontrèrent chez Oléry et Laugier. Tous deux s'associèrent pour fonder leur propre atelier.

Au XVIII° s., on va trouver quatorze ateliers à Moustiers. Avant son succès sur les tables françaises, la faïence du temps de Louis XIV se fabriquait à Rouen et à Nevers. Puis, au fil du temps, celle du petit village provençal a été trouvée plus fine, ayant une perfection de dessin plus importante qu'ailleurs. Sa gravure a été reproduite dans la France entière mais la qualité est moins bonne (encore de nos jour, on peut le voir), les décorateurs n'ont pu atteindre la finesse et la maîtrise parfaite de la matière qu'ils travaillaient. On le constate encore aujourd'hui, j'ai pu le vérifier lors de voyages touristiques à travers la France , mais ceci n'est qu'une opinion personnelle.

On pense que la décoration et la peinture des objets sont dues à des copies ou à une inspiration puisées chez les artistes très connus à cette époque. Les deux principaux qui aient servis de modèle aux faïenciers de Moustiers sont : Antonio Tempesta, peintre et graveur italien du XVI° s. et Jean Bérain, architecte, dessinateur, graveur du XVII° s.

Décor Tempesta

Plat Bérain. Drageoir Bérain

  Il existe deux techniques de décoration : l'une consiste à peindre sur l'émail cru, l'autre, comme dirait M. de La Palisse , sur l'émail cuit. Dans le premier cas, la retouche est impossible, dans le deuxième, elle le devient ; la cuisson se fait au « petit feu » ou au « feu de moufle ». On a ainsi des rouges et des verts intenses (création des ateliers Ferra). Il existe un deuxième type de cuisson, celle dite du « grand feu » : l'ornementation est peinte après une pré cuisson puis il y a la cuisson définitive. A la fin du XVII° s. et au début du XVIII° s., la seule peinture est le bleu ou le camaïeu bleu. C'est Olérys, à son retour d'Espagne, qui va introduire la polychromie. Tous ces gens vont se retrouver à la foire de Beaucaire qui est le rendez vous des artisans faïenciers et c'est grâce à elle que leur art est diffusé dans la France entière.

Puis va arriver, avec les premières années de la Révolution , la décadence de Moustiers va se poursuivre tout au long du XIX° s. Avec elle, on va assister à l'exil de la noblesse. Plus personne n'achète pour décorer sa table. Le recul de la faïence du petit village provençal n'est pas du qu'à la Révolution mais aussi, avant elle à la concurrence anglaise (entrée des produits sans taxe) et à la diffusion de la porcelaine de Sèvres (aimée par Mme de Pompadour). Le dernier atelier va fermer en 1879. Il y aura de moins en moins d'habitants (535 en 1968 ; 580 aujourd'hui).

Le renouveau va se situer en 1927, date à laquelle Marcel Joannon qui se fit appeler Marcel Provence relança l'art de la faïence de Moustiers. Il créa même un musée que l'on visite avec grand intérêt. De nos jours, une vingtaine d'ateliers a repris le flambeau de la fabrication et on compte une trentaine de magasins de vente.

L'auteur du site : J. P. Audibert

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