Les Pénitents des Mées :

En Haute Provence, à coté du village des Mées, on peut voir une curiosité géologique. Il s'agit de rochers que l'on peut comparer à des moines pétrifiés. Ils sont dus à l'érosion du substrat rocheux (Socle recouvert d'une épaisseur variable de sédiments) qui,  lui-même, est du à une accumulation de débris des Alpes érodés par le passage de l'eau et du vent. Cette forme particulière d'érosion se retrouve sur tous les continents. En France, ce lieu a été classé « site naturel » (classement officiel d'un site qui est reconnu d'un intérêt certain, de par sa vue et sa constitution).

Pour l'écrivain-historien BOUYALA D'ARNAUD dans son livre « Histoires de la Provence », ces rochers ressemblent à des bornes milliaires géantes employées par les Romains pour jalonner leurs routes. En latin, on les nomme   metae d'où le nom du village : Les Mées.

Un tel phénomène géologique ne peut que faire travailler les imaginations et donner naissance à des légendes. Un article d'Eugène Plauchud résume bien de tels faits : « Les Pénitents dei Mès » (1897). Je vais en donner un résumé. Commençons ce conte par les paroles biens connues : « En ce temps là » (Haut Moyen Age)…les Sarrasins étaient solidement implantés en Provence et dans notre département, bien sûr, on les trouvait entre Buech et Jabron, dans les collines de Peirempi, Bevons, seigneur de Noyers et son ami Raimbaud, seigneur des Mées dirigèrent une opération guerrière contre ces Sarrasins. Les ayant vaincus, ils pénétrèrent dans leur camp où ils firent prisonniers 7 magnifiques Mauresques. Raimbaud devait se charger de les amener en Arles par radeau naviguant sur la Durance. Mais un sentiment très humain se fit jour en lui : le désir. Il les retint pour lui et les installa da ns une demeure qu'il possédait entre Dabisse (un lieu-dit des Mées) et Oraison. Contrairement à ses habitudes qui étaient de chasser, de parcourir ses terres ou de guerroyer, il s'enferma chez lui. Nul ne le vit. Ses paysans et autres vassaux commencèrent de jaser. Le scandale s'enfla à tel point que le prieur du monastère de Paillerols (entre Oraison et Les Mées, il n'en reste rien de nos jours) décida d'intervenir ; il fut repousser violement par Raimbaud qui continua sa vie se péchés. Menacé d'excommunication, il fit sa soumission à l'Eglise et demanda à rendre les 7 Mauresques. Pour que son humiliation soit complète, les autorités religieuses décidèrent que cette restitution se ferait un dimanche, à la sortie de la messe devant tout le monde assemblé et que les Mauresques traverseraient le village dans toute sa longueur. Le dimanche suivant, elles sortirent de la demeure où le Seigneur des Mées les avaient séquestrées pour son plaisir. Escortées de moines de l'abbaye voisine, elles s'en furent vers la Durance pour prendre le bateau qui devait les conduire en Arles. Lorsqu'elles parurent, les moines, du prieur au plus humble frère convert, eurent des regards de concupiscence. Mais de l'autre coté du fleuve veillait un ermite qui allait devenir St. Donat, pour leur éviter le péché, il les transforma en statue de pierre. La légende continue en racontant que la croix du prieur de Paillerols, qui était sur sa poitrine, est restée gravée dans un rocher. En 1968, des alpinistes en ont tenté l'approche pour voir quel était le phénomène physique qui l'avait incrustée dans une anfractuosité du rocher. Peine perdue car la roche est trop friable pour qu'on puisse s'y accrocher. Le mystère reste entier.

On en trouve trace, en littérature, pour la première fois, en 1890 chez Paul Arène et Albert Tournier (journaliste, député de l'Ariège, écrivit avec Paul Arène : « Des Alpes aux Pyrénées »). Et déjà, en 1782, en sciences naturelles, lorsque Darluc écrivit une « histoire naturelle de Provence »

En fait, toutes ces légendes ne racontent pas la même histoire que celle de notre auteur bas-alpin, seules douze ont un tronc commun avec elle sur une vingtaine de connues. Suivant à quel auteur, on fait référence, on trouve Raimbaud ou Bevons en gardien des Mauresques et qui en profite ; pour Pierre Girardot (député des Basses Alpes) en son livre : « Souvenirs du Haut Pays », ce fut le ciel qui pétrifia les moines, en fait des inquisiteurs d'Aix. D'autres contes parlent de moines transformés en géant de pierre alors qu'ils allaient rejoindre des nonnes paillardes qui les attendaient. De nos jours, ces rochers sont « visitables », un sentier de randonnée permet de les traverser, il en rejoint un autre qui part du village, ils se joignent au sommet des crêtes.

Deux galeries ont été creusées dans le poudingue des « pénitents ». Juste à coté des rocailles, une galerie EDF qui alimente la centrale d'Oraison, le canal de la Durance dut s'enfoncer sous la terre pour ne pas passer sur un site classé. La deuxième est la « Mine », elle fut percée dans les années 1780 pour détourner les eaux du vallon de la Combe qui envahissait le village à chaque orage.

Bibliographie  : «  Rochers de légende », édité par l'association « les amis des Mées » , 2000.

L'auteur du site devant "les Pénitents"

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