Riez la romaine
1-A la croisée des routes secondaires :Riez
On connait dans le monde romain l'importance de la via domitia qui reliait l'Espagne à l'italie. Cet axe routier fut pour la romanité comme un axe de civilisation qui traversa les Basses-Alpes en passant à Céreste, Mane, Lurs, Peyruis et Sisteron ; remontant ainsi la Durance jusqu'à Mont Genèvre pour plonger dans le Piémont Italien.
Mais à coté de cette voie historique il y eut bien d'autres voies secondaires. Ces voies romaines reprirent peu ou prou des pistes préhistoriques, des drailles naturelles de transhumance ou des voies gauloises qui fonctionnaient déjà. On pense souvent que le réseau routier de la Gaule est entièrement l'œuvre de Rome .En fait, les routes étaient déjà tracées et entretenues. Comment, par exemple, les troupes de César auraient-elles pu se rendre en huit jours sur les bord du Rhône ? Ici comme ailleurs les romains firent preuve de pragmatisme en améliorant, élargissant, empierrant, construisant les ouvrages d'art nécessaires, mais utilisant l'existant pour rendre le réseau compatible aux exigences des convois militaires de l'armée romaine.
Dans notre département, à la croisée de ces chemins, une ville va jouer un rôle essentiel : il s'agit de Riez qui va d'ailleurs être surnommée : la romaine.
Cette ville ensoleillée, située au pied du plateau de Valensole, présentant un terroir fertile, bien drainé par l'Auvestre et le Colostre, va permettre l'installation de toute une population d'agriculteurs, commerçants et artisans.
Mais, surtout, elle se situe à un endroit stratégique : celui de la rencontre de plusieurs voies de circulation.
Ainsi, venant du Sud, au départ d’Aix, la Via Sextia va desservir Peyrolles, Gréoux, Vinon et Riez.
Toujours du Sud, mais à partir de Fréjus une autre voie arrivait à Riez, prolongeant jusqu'à la vallée de l’Asse, Malijai et Sisteron. (voie figurée sur la table de Peutinger). Une troisième voie, arrivant de Nice vers Castellane et Digne rejoignait ensuite Malijai. C'est grâce au croisement de ces voies que Riez devient un carrefour essentiel.
On évoque trop rarement ces voies secondaires qui façonnèrent une Provence gallo-romaine. D'ailleurs, Auguste, dès son avènement, fit établir un plan très précis du réseau routier gaulois, en ressentant de suite toute l'importance et quand il eut pacifié les populations ligures il s'employa à développer toutes les liaisons alpines.
Riez (Colonia Julia Augusta Reiorum Appolina Riem), implantée au carrefour de ces voies secondaires, fut donc une ville romaine d’importance, avec ses règles, ses administrateurs, ses nécropoles, ses monuments, ses thermes etc...
C'est au bord du Colostre que s'étendit toute la ville et si les fouilles n'ont pas révélées de grands monuments il nous reste sur place d'élégantes colonnes, vestiges de la paix romaine. Notons que c'est toujours cette situation qui permettra à la ville de conserver toute son importance au Moyen Age.
2-Riez, centre cultuel ?
a- aspect esthétique
Malgré la richesse d'un site, c'est souvent un détail isolé qui en cristallise la symbolique.
Ainsi sur le forum romain il ne reste que trois colonnes du temple de Vespasien et pourtant leur élégance sous un ciel latin en a fait tout un symbole. En Provence, au théâtre antique d'Arles, il ne subsiste du mur de scène que deux colonnes ; mais elles se profilent avec beauté dans un paysage nostalgique et deviennent
ainsi un repère de l’antiquité.
Riez, l’une des treize cités de la Narbonnaise, a donc conservé de l'agglomération antique une colonnade située au bord du Colostre.
Rappelons qu'en architecture une colonnade est une succession de colonnes et une colonne est un élément vertical de soutien de forme cylindrique composé d'une base, d'un fût et d'un chapiteau.
Les colonnes de Riez telles qu'on les voie aujourd'hui - soit qu'elles nous soient parvenues telle qu'elles de l 'Antiquité- soit qu'elles aient été reconstitués à une date ultérieure- présentent un caractère d'une belle esthétique.
Il s'agit de quatre belles colonnes au fût monolithe de granit gris, surmontées de chapiteaux à ornements corinthiens qui supportent une architrave ornée de frises.
b- aspect historique
Ces colonnes, dont nous avons soulignés l’esthétique, et qui en tout état de cause sont une permanence dans le monde romain soulèvent néanmoins quelques questionnements.
Il n'y a pas de carrière de granit gris dans les Basses Alpes et, selon R.Collier, ce granit proviendrait des carrières de Pennafort, dans le Var. Un beau trajet à effectuer !
On a longtemps pensé que ces colonnes constituaient le fronton d'un temple dédié à Apollon (comme le suggère facilement la dédicace de la ville).
Il est vrai que dans le monde romain les temples présentent un plan identique. Un lieu est réservé à la divinité (la cella) .Celle ci est précédée du pronaos limité par une colonnade. Sur ce modèle il est dès lors facile de virtualiser tout un temple derrière les colonnes debout.
Néanmoins la recherche archéologique demande sans doute plus d'éléments de preuve ?
En tous cas nous sommes bien en présence d'une ville romaine magnifiquement située ou lieu de culte et préoccupations religieuses étaient bien présentes.
Le monde romain est souvent le sujet d'études renouvelées.
Robert Sausse