Via Domitia :
C'est une route qui relie l'Italie à l'Espagne qui fut construite par le consul romain Cneus Domitius Ahenobarbus en 118 avant J.C. lorsque Rome fut appelée par Marseille pour l'aider dans sa lutte contre les tribus intérieures, d'où son nom ; elle traversait la Narbonnaise et passait donc par la Haute Provence. On estime qu'il se servit des fondations d'une route plus ancienne la via Heraklea , cette voie Hérakléenne a peut-être été empruntée par Hannibal lorsqu'il envahit l'Italie.
--- Tracé tel qu'on peut le voir sur le site de WIKIPEDIA.
On connaît son tracé grâce aux gobelets de VICARRELLO (4 gobelets qui montrent le trajet pour aller à Gadès –Cadix- à partir de Rome), grâce à la table de PEUTINGER (carte qui représente les grandes villes de l'empire romain), on la voyait serpenter le long de la Durance et grâce à l'itinéraire d'Antonin (qui répertorie les villes-étapes de l'empire romain). Le nom de via domitia apparaît pour la première fois sous la plume de Cicéron.
Pour le trajet qui concerne notre département en allant vers l'Espagne et en venant de Rome, elle traversait Sisteron ( Segustero ) qui était, à l'époque, un important nœud de communication au milieu de ce qui est, aujourd'hui, la vieille ville (rue Droite, rue de la Saunerie ), effectivement, on croisait les routes vers Fréjus ( Forum Juli ) et vers Nice-Cimier, celle qui passait par Digne. A l'endroit le plus resserré de la falaise « la Baume », les Romains avaient construits un pont par lequel arrivait la route de Forum Juli. De Sisteron, elle filait vers Ganagobie, en parallèle avec la rive droite de la Durance. Ils ont laissé tout au long de la via domitia des ouvrages architecturaux comme le pont sur l'AIGUEBELLE à Céreste ou celui au bas du plateau de Ganagobie, attardons nous sur celui la (on le date du II ème siècle après J.C.). Il permettait de traverser le BUES, cours d'eau qui se jette dans la Durance. On l'avait construit à un endroit resserré et ainsi il n'avait qu'une arche. Il avait 30 mètres de long pour 10 mètres de haut et 6 mètres de large. Sur la rive droite, on peut voir encore deux murs en très grand appareil qui protégeaient ses berges du cours parfois violent du torrent. Ce devait être un point de passage important car tous les autres ponts, à part celui de Céreste, étaient faits en bois. Comme toutes les constructions romaines, il était très robuste car, encore de nos jours, il est employé avec un parapet moderne et est traversée par une route goudronnée (celle de Lure à Peyruis).
De là, son tracé la menait à ALAUNIUM (Notre Dame des Anges) qui était le relais ( mansio ) ou gîte d'étape le plus important entre Apt et Sisteron. De récentes fouilles archéologiques permettent de le situer entre la D.116 et une courbe du Lauzon. Ce site était dédié au dieu ALAUNIUS. On retrouve ce nom dans une pierre réemployée à la construction de la chapelle (mur nord). Le moyen âge a continué de se servir de la via domitia comme d'un moyen communication important et c'est ainsi qu' Alunium se nomma, au 12 ème siècle, « Notre Dame d'Aulun » reprenant de la sorte la terminologie latine.
Dans les Alpes de Haute Provence, elle suivait, grosso modo, l'itinéraire de l'ex nationale 100, c'est ainsi qu'on la retrouve dans la plaine de Mane où un autre relais aurait pu se tenir au lieu dit « Tavourne », mot qui viendrait du latin taberna = l'auberge. Dans cette plaine se trouve ce qui ressemble à une borne milliaire mais qui n'en est pas une, il n'y a aucune inscription dessus et elle est de section rectangulaire ; sur une voie romaine, chaque mille (1480) était matérialisé par une borne, elles portaient une inscription mentionnant le nom du magistrat, ou de l'empereur ayant fait réparer la route, elles indiquaient aussi les distances à parcourir pour atteindre les villes les plus proches mais, à ce jour, on en retrouve aucune entre Apt et le mont Genèvre. Cet élément architectural se trouve à la limite de trois communes : Mane, Dauphin et St Michel. Elle passait ensuite par le gué du Reculon dont un article à part (voir la suite) l'évoque. C'est de cette portion, exactement celle comprise entre St. Michel l'Observatoire et Peyruis que Raymond Collier (archiviste départemental à Digne et écrivain) parle dans son livre « La Haute Provence monumentale et artistique » 1986, comme s'appelant le chemin SEYNET ou chemin vieux.
Après ce passage, elle s'acheminait vers Céreste par le col des Granons, cité par Strabon (géographe qui vécut à la fin de la république romaine et écrivit en grec), il culminait à 490 mètres , son étymologie ferait venir ce nom du dieu GRANUS et du mot ORNA = la fontaine. Céreste est un village qui garde des traces de cette route au travers des rues qui la traverse comme l'avenue des Plantiers, la rue de la Bourgade , l'avenue de la Romane , à l'extérieur, la via passait sur un pont à deux arches, long de 37 mètres et large de 6,50 : le pont d'Aiguebelle qui n'a rien à voir avec ce qu'on appelle le pont romain. A cette époque, son nom était CATUIACIA ; c'était un simple relais ( mutatio ) et il était vraisemblablement près des Astiés d'après ce que nous dit Guy Barruol, dans un premier temps, il avait été localisé à Carluc. Et de là, elle partait sur APT (Vaucluse) toujours pratiquement parallèle à la N. 100 mais ceci est une autre histoire celle d'un autre département.
Il est temps d'expliquer la différence entre une mansio et une mutatio. La première est un gîte que l'on trouvait tous les 30 kilomètres , la seconde n'était qu'une simple étape, pour employer un terme moderne, on peut parler de « bar » ou de « buvette », qui se trouvait au long de la voie tous les 15 kilomètres .
La via n'était pavée que pour la traversée des villes et villages autrement ce n'était que de la terre battue reposant sur du gravier et des cailloutis. Elle était entretenue aux frais de l'état romain et sa largeur devait être de 5 ou 7 mètres . Dans notre département, son tracé a été particulièrement étudié par G. BARRUOL et P. MARTEL, on retrouve leurs conclusions dans plusieures études de l'excellente revue publiée par l'association « Alpes de Lumière ».
Le rédacteur du site.
J.P. Audibert
Le gué du Reculon : un ouvrage rare sur la Via Domitia.
En Provence, le langage populaire est prolixe. Ainsi dès qu'un édifice présente un caractère ancien, il est qualifié de « romain ». C'est dire à quel point, l'œuvre des bâtisseurs antiques marque encore les esprits. Comment pourrait il en être autrement dans cette Provence issue de la « Provincia » où l'on côtoie des édifices tels que les arènes ou le théâtre d'Arles !
En Haute Provence, c'est un élément du génie civil indispensable aux échanges vitaux qui apparaît remarquable : la via domitia (histoire relatée ci-dessus par J. Paul Audibert). Cette voie de communication traversant les Alpes existait sans doute depuis la préhistoire permettant les échanges de populations ou de troupeaux, une sorte d'axe naturel de circulation. Polybe parle déjà de l'odos herakleia , la route d'Hercule. Mais le génie des bâtisseurs romains en fit une arme commerciale et militaire.
On connaît leur technique de construction : large chaussée, sol pavé ou empierré, murs étayés, remblais etc. Mais, ce fut dans les ouvrages d'art comme les ponts ou les aqueducs que leur génie fut le plus visible.
Pourtant au sud de St. Michel l'Observatoire, un ouvrage bien plus modeste, mais faisant partie intégrante des « ponts et chaussées » mérite d'être connu. Il s'agit du GUE du RECULON. Selon le dictionnaire, le gué est « un endroit peu profond d'une rivière où l'on peut traverser à pied ». Mais qu'en est il pour les chariots ou les troupes militaires lourdement encombrés ? Le franchissement du cour d'eau (le Reculon) va, ici, être assuré par un alignement de vingt deux blocs de pierre bien ajustés sur environ 28 mètres . Il s'agit de pierres de taille dont l'assemblage autobloquant à assuré la robustesse et la pérennité. De plus, une ligne concave de l'ensemble permet de résister à la pression du courant. Le mur de soutènement de cette chaussée qui permet de traverser la rivière du Reculon en toutes saisons a une forme de barrage voûté destiné à assurer sa stabilité.
Même à modeste échelle se trouve ainsi affirmé l'art et la science des ingénieurs romains. Cet intéressant ouvrage de la Via Domitia , à la fois rare, robuste et élégant permet de mettre en lumière deux idées :
- Les Romains, s'ils connaissaient toutes les règles de la construction n'en faisaient pas des règles intangibles, comme l'affirmait Vitruve. Au contraire, ils s'attachaient à trouver une solution de « terrain », une réponse concrète devant une difficulté à résoudre. Et c'est bien le cas de ce gué du Reculon.
- Reprenant en quelque sorte les grandes voies historiques et géographiques de circulation, ils pratiquaient ici comme ailleurs l'esprit d'osmose en prenant en compte et en améliorant considérablement ce qui existait. Ne trouve-t-on pas là toute l'intelligence de l'esprit romain ?
Robert Sausse
Note du rédacteur du site : comme les deux photos le montrent, bientôt tout sera recouvert de ronces et de mauvaises herbes, le gué ne sera qu'un souvenir dans des livres poussiéreux.