Treize desserts et Gros Souper :
On parle souvent des treize desserts mais on oublie que c’est la conclusion d’un repas de réveillon appelé « Le Gros Souper ». Tout n’est que traditions, coutumes et rappel du passé pour ce repas. Il se prend avant d’aller assister à la messe de minuit et au retour de l’office, on déguste « les treize desserts ». Avant de voir  en détails les deux parties de ces agapes culinaires, il convient de dire que tous les aliments y compris les treize desserts doivent être disposés sur la table.

LE GROS SOUPER
Il commence par le traditionnel « cache-fio » qui est une cérémonie de moins en moins pratiquée et qui veut dire « mettre le feu » selon l’explication qu’en donne F. Mistral, on dit aussi « bouta cacho fio » = bouter le feu à la bûche.
Le plus âgé des convives amène le plus jeune en choisir une très grosse qui doit provenir d’un arbre fruitier. Ils font trois fois le tour de la pièce en disant ces paroles :
Alègre, alègre Dièu nous alègre Calèndo vèn, tout bèn vèn Dièu nous fague la gràci de veire l’an que vèn e se noun sian pas mai, que noun fuguen pas mens
Qui se traduit par :
Réjouissons nous Dieu nous donne la joie Noël vient, tout vient bien Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient Et si nous ne se sommes pas plus Que nous ne soyons pas moins.
L’ancien devait arroser la bûche de vin cuit, en Haute Provence, le vin pouvait être remplacé par de l’huile d’olive. Cette gestuelle fait penser à une coutume préchrétienne, païenne, déjà Homère décrivait des offrandes de vin que l’on faisait aux dieux. Ce rite, hérité du paganisme, célébrait le solstice d’hiver et pour plus tard le renouveau du feu du soleil.  Puis tous les convives ou toute la famille s’asseyait autour de la table sur laquelle devait être disposées trois nappes, une petite une moyenne et une grande de façon à apparaitre toutes ensemble, elles sont le symbole de la sainte trinité. Elles avaient une utilisation précise, une était pour « le Gros Souper », c’est-à-dire pour le réveillon de Noël, une autre pour le jour de Noël et la dernière pour le lendemain midi. Il ne faut absolument pas que leurs pans touchent le sol sinon c’est un passage ouvert pour le diable qui va venir s’inviter au festin. Dessus doit être mis trois chandeliers représentant suivant les uns Joseph, Marie, Jésus, les autres disant qu’ils y voient une autre signification : ils représentent le passé (nos morts), le présent (les amis et la parenté), le futur (enfants à naitre) et trois soucoupes contenant du blé semé à la Sainte Barbe (4 décembre). Cette céréale peut être remplacée par des lentilles. La culture se fait  sur du coton imbibé d’eau ; si la plante est vigoureuse, elle va annoncer  une année qui verra régner l’abondance sinon la dureté  de la vie et la pauvreté reprendrons le dessus.

Au centre de la table, à coté du blé de la sainte Barbe, on disposait une branche de houx (le gui doit être absent, portant malheur). Dans certaines régions, on va se préoccuper du sol, on va y épandre de la paille pour symboliser l’étable où naquit l’enfant Jésus. La tradition veut que l’on dresse un couvert supplémentaire pour un pauvre. Il ne faut pas oublier treize pains qui vont avoir le même symbolisme que les treize desserts, on met sur la table douze petits pains qui rappelle les apôtres et un grand pour le Christ.
Maintenant que tout est prêt, on peut passer à table. « Le Gros Souper » est composé de plats maigres au nombre de SEPT en souvenir des sept douleurs de la Vierge. L’énumération que je vais en faire va aller au-delà de sept car comme pour les treize desserts chaque région, chaque ville ou village a sa propre tradition.  
Donc le repas est maigre, il ne doit y avoir aucune viande, on ne peut y trouver que des légumes et du poisson. Bien qu’il soit maigre, par rapport à ce que nos Anciens mangeaient chaque jour, il était copieux. Il était composé de Cardes (proche de l’artichaut ou de la blette), de Céleri, de Choux fleur souvent préparé avec une anchoïade, des Epinards, de la Morue (elle était apprêtée suivant le talent culinaire de la maitresse de maison), d’Alose (autre poisson) des Omelettes parfois aux truffes, de l’Aigo Boulido, d’Escargots. Pour ce repas, tout était une question pécuniaire, le paysan ne mangeait pas comme le notaire du village. On faisait suivant ses moyens.
Maintenant c’est l’heure de la messe de minuit, en rentrant, on va déguster les treize desserts. En partant, on laisse des miettes et de la nourriture pour les âmes des morts (rite païen).  

LES TREIZE DESSERTS
Voila, nous avons assisté à la messe de minuit, nous sommes revenus chez nous et nous repassons à table pour savourer  les desserts du « Gros Souper ». Ces desserts sont une coutume de la Provence qui incluent des éléments différents au fil du temps avant que la tradition ne les fixe. Celle-ci pourrait remonter à plusieurs siècles mais ne sera véritablement fixée qu’au XIX ème siècle. La première mention écrite remonte  à 1683, date à laquelle un prêtre marseillais en fait un commentaire dans un de ses ouvrages Cette tradition était en perte de vitesse mais les félibres avec en tête F. Mistral la remette au gout du jour. Ce n’est qu’en 1920 que le chiffre treize apparait et est fixé définitivement par un médecin d’Aubagne, Joseph Fallen, majoral du félibrige. Avant, tout au long du XIX ème siècle, le nombre oscillait entre sept et douze, sachant que d’une région à l’autre, les plats pouvaient changer, c’est pour cela que ceux présentés ici peuvent être supérieur à treize.
On va trouver les fruits secs ou les quatre mendiants qui font référence à des ordres religieux mendiants et à la couleur de leur bure.
 

A cette liste, on peut rajouter des abricots et des pruneaux, en fait tous les fruits confits qui viennent d’Apt.
Il  y a aussi des fruits frais qui évoquent la réussite des souhaits. On peut compléter par des dattes devant lesquelles l’enfant Jésus aurait manifesté son admiration par une onomatopée « Oh ! ».

Des fruits exotiques (kiwis, ananas etc.), exotiques comme le sont les Rois Mages.
A ces fruits, on peut rajouter, suivant l’endroit où l’on est, les calissons d’Aix, les navettes de Marseille et les Bugnes (pâtisserie de la famille des beignets) dans les Alpes de Haute Provence.
Les deux aliments suivants sont incontournables, quelque soit la région où l’on se trouve. La pompe à huile, gibassier (qui est la vraie pompe à huile pour les vieux provençaux) ou fougasse et le nougat. Elle doit être rompue et non coupée comme l’a fait le Christ lors de la Cène. On ne connait pas l’origine de son nom. Certains évoquent le fait que la farine qui la compose absorbe rapidement l’huile. Il ne faut pas oublier de lui adjoindre de l’eau de fleur d’oranger. Dans la crèche, il est porté par un santon que l’on appelle « le pistachier ».
                                         
Quant au nougat, quelque soit sa couleur, il marque le passage au solstice d’hiver. Il peut revêtir deux couleurs :

Il serait le rappel d’un présent fait par un roi mage.

Voila, le repas de réveillon est terminé. Comme on peut le voir, il est constitué par des aliments qui sont un souvenir perpétuel des temps anciens, il est fait de plats qui sont là pour évoquer le passé.

sommaire

Afficher l'image d'origine

Jean-Paul Audibert, l'auteur du site