Manosque et ses Eglises :

Au Haut moyen âge, c'est-à-dire pratiquement à l'éclosion du christianisme, on trouvait trois églises à Manosque : Notre Dame qui devint Notre Dame de Romigier (c'était la principale, la plus connue, la plus aimée), l'église Saint Etienne et l'église Saint Jean Baptiste. La crainte du retour des Sarrasins après leur raid se situant vers l'an 900, fit se développer des villages tout autour de la ville et ceux-ci eurent des églises et des chapelles tel Notre Dame et Saint Jacques à Toutes Aures.

Il faut dire un mot de cet édifice religieux qui existe encore et a un long passé religieux. Lorsque la menace sarrasine se fut éteinte, beaucoup de personnes regagnèrent le Bourg mais Toutes Aures demeura ou plutôt devint une chapelle qui fut étroitement mêlée à la vie religieuse de Manosque. Elle fut le but de très nombreux pèlerinages, à chaque fléau qui s'abattait sur la ville, les consuls organisaient une procession vers elle ; jusqu'à un passé récent, elle était occupée par un ermite qui avait son logement derrière le bâtiment, le dernier fut assassiné en 1900 et ne fut jamais remplacé.

Jetons un coup d'œil sur les deux églises, aujourd'hui disparues. Tout d'abord St Etienne, du nom du premier martyr de l'Eglise. De nos jours, on ne sait pas la situer mais on pense qu'au XIV°s., elle se trouvait vers le cimetière de Notre Dame, c'est-à-dire derrière son chevet. L'abbé Bousquet, qui fut curé de Notre Dame de Romigier et écrivit une histoire de ce lieu à la fin du XIX° s., nous dit que ce n'était qu'une chapelle située vers la porte Soubeyran. Elle était desservie par les moines de St. Victor, elle s'écroula, minée par le temps, au XV° s. Elle devait servir de lieu de réunion pour les dirigeants manosquins comme l'indique un document daté de 1261.

Maintenant voyons l'église St. Jean Baptiste qui fut un des trois lieux du culte primitifs. Ce n'est qu'au X° s. que ce bâtiment devint une église, auparavant, c'était le baptistère de Notre Dame ; en effet, à cette époque (début du christianisme), on baptisait par immersion totale, les baptistères, qui étaient de véritables piscines étaient donc séparés des églises qui n'avaient pas une superficie suffisante pour les accueillir. Elle est parfois appelée : « Eglise du monastère inférieure »comme cela est fait en 1155 lorsque le pape Adrien IV, dans une série de lettres, cite les églises appartenant au chapitre de Forcalquier. Elle fut détruite en 1463, suite à une décision de ce chapitre et de représentants de l'abbaye St. Victor, elle était en ruines, envahie par des immondices. Selon le père Colombi, qui écrivit au XVII° s. une « Histoire de Manosque », elle se situait près de la porte d'Aubette. L'abbé Bousquet précise qu'elle devait être presque à égale distance des églises actuelles de St. Sauveur et de Notre Dame mais un peu vers le levant. (cité dans « Manosque, de sa fondation à la révolution française de 1789 », ouvrage publié par l'Association Manosquine de Recherches Historiques et Naturelle). A partir du XIV° s., elle fut dans la dépendance de St. Sauveur, suivant les désirs de l'évêque de Sisteron.

Pour en arriver au compte de 4 églises, souvent cité dans les études de Manosque au Moyen âge, il faut parler de St. Sauveur qui ne fut construite qu'en 1179, malgré ce qu'en dit l'abbé Féraud, suivant une décision du chapitre de Forcalquier, cela pour contrebalancer une autre paroisse, celle de Notre Dame qui appartenait à l'abbaye St. Victor de Marseille. Il y aura très longtemps opposition entre ces deux paroisses ; il faudra, à plusieurs reprises, définir le territoire de chacune pour que s'effectue de manière satisfaisante la perception des dîmes. Qui appartenait à l'une, ne pouvait aller prier dans l'église de l'autre. Elle ne fut consacrée qu'en 1372 mais les textes parlent d'elle bien avant. A l'origine, elle était plus petite que celle d'aujourd'hui et ne fut agrandie qu'à la fin du XVI° s. (c'est à ce moment que les bas-côtés – de la Vierge , du St. Esprit- furent rajoutés). Le clocher que l'on voit n'est pas complètement celui d'origine, en effet le campanile de fer forgé remplace celui détruit par un tremblement de terre en 1708 et le dernier étage ne fut rajouté qu'en 1850 ; quant à l'orgue, il remonte à 1625.

Il a été restauré en 1977, on a du refaire plus de 200 mètres de tuyaux ; ses vitraux ne sont pas très vieux, il remonte au XIX° s. Cette église est un compromis de roman et de gothique, sa voûte est caractéristique de ce que l'on nomme le roman provençal qui annonce le style architectural suivant. Son portail, quant à lui, est purement gothique. Elle est classée aux Monuments Historiques depuis 1975.

La dernière église vue dans ce chapitre est en fait la première, première à exister, première dans le cœur des Manosquins. Elle doit dater du V° s. et avoir été construite par les moines de St. Victor de Marseille, d'ailleurs cette abbaye récoltait les dîmes. On pense, que dans les temps antiques, à sa place, il devait y avoir un temple celtique et qui fut romain, dédié à Cybèle par la suite. Ce lieu est très ancien et pour preuves, on va se référer aux fouilles qui furent faites en 1990 à son chevet et qui mirent à jour des poteries datant de l'âge de fer.

Elle était l'église principale de la ville, elle fut détruite par les Sarrasins lors de leur raid qu'ils firent vers l'an 900. Elle fut reconstruite immédiatement. Elle était donc assujettie à St. Victor et desservie par des moines de cette abbaye qui construisirent un prieuré juste à coté pour les recevoir. Elle doit son nom de Notre Dame de ROMIGIER à une vierge à l'enfant, statue de bois qui fut préservé lors de l'incursion sarrasine. En effet, elle fut cachée dans un sarcophage, celui qui sert, aujourd'hui, d'autel principal, lui-même enterré dans un champ de labour puis oublié. Il fut retrouvé, plus tard, dans un buisson de ronce qui se dit en provençal = ROUMIGUIER comme la ronce se dit = ROUMIS. Voilà pour l'explication du nom ; ce sarcophage représente la résurrection et est attribué aux ateliers d'Arles par Guy Barruol, dans ses écrits. Cette vierge était une « vierge noire » jusqu'à de récents travaux de restauration qui ont enlevé la croûte noirâtre qui la faisait ranger dans cette catégorie et on put se rendre compte qu'elle était polychrome, elle serait pré-romane mais elle peut être aussi bien du XII° s. La légende raconte qu'elle a rendu la vie, temporairement, la vie à des nouveaux nés, le temps qu'il soit baptisés.

Cette église a eu d'autres fonctions à travers les âges. Au Moyen-âge, jusqu'en 1360, elle fut utilisée par les consuls comme « hôtel de ville ». Pendant la période révolutionnaire, elle servit, comme beaucoup de ses consoeurs de magasin à fourrage, en 1792 elle fut utilisée par les révolutionnaires comme lieu de réunion.

Bien que très remaniée au fil des siècles, elle conserve un style roman ; la nef l'est jusqu'aux voûtes qui, elles, sont gothiques, le chœur lui aussi l'est mais a été élevé sur un autre qui était roman. Par contre les bas-côtés sont du XVII° s. et cette voûte fut reconstruite au début du XVIII° s. suite à un tremblement de terre.

Bibliographie : livre dont je me suis beaucoup servi pour écrire cet article.

Manosque, de sa fondation à la Révolution française de 1789, éditée par l'Association Manosquine de Recherches Historiques et Naturelles.

J.P. Audibert, rédacteur du site

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