Toutes Aures :
A l’origine Manosque se décomposait en 5 villages, élevés, pour voir l’arrivée d’ennemis éventuels, ils en entouraient un autre, le Bourg, qui allait devenir la ville de Manosque. Cette dernière s’était vue pillée et entièrement rasée, vers l’an 900, par les Sarrasins ; ce qui explique le besoin de sa population survivante de se réfugier en hauteur avec la création de ces agglomérations dans des lieux surplombant la Durance. Toutes Aures culmine à 476 mètres.
Les cinq collines évoquées étaient : le château au sommet du Mont d’Or,
Mont d’or : ou Manosque la Vielle.
L’orthographe que l’on voit maintenant n’est pas celui des temps anciens, il s’écrivait : « Mont d’Aure » = à cause du mot latin et provençal signifiant « vent ». Ce que l’on peut voir, de nos jours, est l’unique vestige du château qu’il y avait, c’était le donjon. Au début du XX°s. on voyait trois pans de mur, il n’en reste maintenant que deux suite à la démolition qu’en firent les troupes italienne lors de l’occupation durant la seconde guerre mondiale.
Ce château devint la résidence d’hiver, au VIII° s., de Guillaume le Libérateur (son surnom vient du fait qu’il libéra la Provence des Sarrasins), fils du comte d’Arles. On pense que c’est une création de Boson, comte d’Arles, qui se fit élire roi de Provence. Son nom, dans les textes anciens est castrum bosonis (thèse de Jean-Pierre Poly : « la Provence et la société féodale » parue aux éditions Borda)s. A sa démolition, les pierres retirées servirent de soutènement à la promenade que l’on nomme, aujourd’hui, « la Plaine ».
Montaigut, dominant le vallon de Gaude, St. Pierre qui être près du moulin de l’Olivette, St. Maxime, derrière le mont d’Or et Toutes Aures qui fait l’objet de cet article. Son nom viendrait de sa situation géographique en hauteur, exposé sans cesse au vent : totas auras de auras = vent Ce dernier faisait partie des trois villages les plus peuplés, avec lui, on trouvait St Pierre et bien évidement celui qui allait présider à la renaissance de la ville de Manosque : le Bourg. Peu à peu ces villages disparurent, Toutes Aures résista jusqu’à la deuxième moitié du XIII° siècle. Des textes montrent que le village existait encore en 1250. Toutes Aures était tellement développé qu’il comptait deux églises, l’une dédiée à Notre Dame, l’autre à St. Jacques et un château, il était ceint de remparts (ils sont cités dès 1155 dans une bulle du pape Adrien IV). Déjà dès 1217, ils sont en ruines, nul ne songe à les remonter, témoignage que ce village est petit à petit abandonné. On connait le dernier curé, Guillaume Vincent, il est cité dans une charte de 1260. Il est donc le dernier prieur car le service divin sera assuré ensuite par un simple prêtre jusqu’à ce que l’évêque de Sisteron ne raye le village de la liste des paroisses (début XV°s.). La dernière église subsistante ne fut plus qu’une chapelle rurale. La destruction fut amplifiée par les Guerres de Religion, en juillet 1561, les Huguenots la dévastèrent et ce ne fut que grâce à la belle mère du comte de Tende (qui avait des terres données par Charles d’Anjou)). De nos jours, il ne reste rien de l’habitat médiéval.
La première fois que le nom apparait dans un document écrit, c’est dans une charte de Guigues, comte de Forcalquier, qui fait une donation aux Hospitaliers (juin 1149). En 1208, Guillaume, fils de Bertrand, neveu du précédent donne Toutes Aures à ces Hospitaliers qui sont déjà installés à Manosque.
Petit point de détail : cette colline dut accueillir un cimetière pour les juifs puisqu’en 1503, on trouve un texte qui y fait allusion, un certain Jean de Cruis donna un terrain à cet effet.
La chapelle que l’on peut voir de nos jours n’est pas celle des origines. On peut voir, maintenant, un édifice construit entre 1634 et 1637 pour répondre à un vœu fait par les consuls pour conjurer la peste (21 novembre 1631). Ce vœu prévoyait de la reconstruire et de s’y rendre en procession le 23 octobre, jour du Rosaire. Vœux renouvelés après l’épidémie de peste de 1720, seule la date changea, le parcours eut lieu le 21 novembre, on y alla pour suivre la messe et les consuls devaient offrir 4 cierges de cire blanche.
Puis vinent les Carmes, pour eux Toutes Aures devait s’appeler « Mont Carmel », nomination que la population manosquine n’accepta jamais. Ils assurèrent la charge de la desserte de la chapelle de 1632 à 1753. Ils instituèrent la fête de St. Pancrace. En prenant pocession de la chapelle, ils promirent d’assurer le service divin, de le développer, de dire une messe quotidienne. Mais toutes ces promesses restèrent lette morte, 89 ans après leur arrivée, les consuls durent les sommer de respecter leur parole. Cette sommation resta sans effets, ils durent nommer un prêtre maronite pour officier. Les Carmes revinrent pourtant les veilles et jours de fête. Le reste du temps, la chapelle n’était gardée que par un ermite. Le dernier fut frère Cyrille, assassiné le 27 aout 1900 avec son neveu âgé de 12 ans.
A la révolution, la chapelle fut pillée, le buste de St. Pancrace fut brulé mais un croyant anonyme avait dissimulé les reliques du Saint. Effectivement, en 1712, les Carmes de Rome offrirent à la ville de Manosque quelques ossements de St. Pancrace. Le terrain fut vendu comme bien national, acheté par quatre Manosquins catholiques qui le rendirent au culte dès 1802. Puis, doucement, la chapelle devint un objet pour cartes postales.