Digne au Moyen âge :
Au début du Haut Moyen âge (VI°s.) la ville fur saccagée par les Saxons et les Lombards. L’abbé Féraud explique que c’est à la suite de cette mise à sac que la population se réfugia au pied de la colline  St. Vincent (Vincent = patronyme d’un des premiers évêques de Digne), lieu qui facilitait la défense.
   

Petit à petit, le Bourg devint un faubourg de la ville nouvelle, il était trop petit pour une population en pleine croissance. Il reste des traces dans les Alpes de Haute Provence du passage des peuplades germaniques dans le nom d’un village : Allemagne en Provence. C’est à cette époque  que Digne devint un carrefour important du commerce entre la Provence et les pays alpins. A cette époque, la ville connait donc deux quartiers qui sont totalement indépendants l’un de l’autre : le Bourg et la Cité. Chacun avait ses remparts percés de trois portes. Pour le Bourg, la porte principale qui donnait sur la Cité était la porte Traverse ; quant aux murailles, elle ne protégeait que trois quartiers : « la Testo », « lou Mitan » et « lou  Pré », elles partaient du voisinage de l’évêché, prolongeaient la rue de la Glacière et se terminaient à la rue de l’Oratoire. Les trois portes qui les perçaient étaient nommées : « du Soleil Bœuf » qui était toute proche du quartier des tanneurs d’où son nom, « Gaubert » qui deviendra la porte de « Provence », « Durand », près de l’hôpital. Petit à petit, la population va se retrouver sur le plateau St. Charles où l’on peut voir, de nos jours, la prison qui occupe l’emplacement d’un château construit au X °s. par l’évêque. Un autre se trouvait près des Bains qui fut attribué à la reine Jeanne.
C’est seulement en 1245 que des documents papiers commencèrent à nous renseigner sur nos ancêtres. C’est ainsi que nous savons que les Dignois furent gouvernés par l’évêque (les textes ne mentionnent la présence d’un évêché qu’à partir de 506) en tant que seigneur temporel et par le comte de Provence qui était aussi comte de Forcalquier. Il était représenté par trois baillis qui surveillaient la perception des différents revenus, au dessous d’eux, on trouve le Juge et surtout le Clavaire qui était une sorte de percepteur. En matière de jugements,  il avait le droit de haute et moyenne justice, il devait partager avec l’évêque la basse justice. Ce dernier était devenu un seigneur temporel au Haut Moyen âge grâce à un héritage que fit un certain Hugues, évêque de la ville, d’un nommé Guigues alors seigneur de Digne. Cet Hugues transmit ses biens à ses successeurs religieux comme lui. Puisqu’on parle d’évêques, continuons en donnant une précision géographique : les jardins du palais épiscopal occupaient une partie du Champ de Foire.
Les Dignois vont toujours être exaspérés de l’emprise de plus en plus grandissante de leurs seigneurs ecclésiastiques qui s’arrogent des droits  qu’ils n’ont pas.  Le comte de Provence est loin mais l’évêque est là. C’est ainsi qu’en 1267, ils vont faire appel au comte mais pour les faire plier, il va lancer contre eux  l’arme suprême, l’excommunication. Malgré une nouvelle intervention de Charles, comte de Provence, alors en Sicile, il va rester ferme sur ses positions. Son supérieur, l’archevêque d’Embrun (il est curieux de constater que le reste du département était sous l’autorité spirituel de l’évêque de Sisteron) ne le fera pas changer d’avis. L’affaire va remonter jusqu’au pape qui va lui donner tort. Tel est la vie quotidienne des Dignois dont la vie spirituelle était surveillée par les prêtres qui étaient chargés de noter ceux qui n’allaient pas à  confesse ou qui arrivaient en retard aux offices.   
Comme dans beaucoup de villes  du Moyen âge, les bourgeois voulaient se gouverner eux-mêmes ce qui arriva en 1297 qui vit la création du consulat aux dires de Gassendi. Le problème éternel du partage de pouvoir entre le comte de Provence et l’évêque se fit extrême en 1246 et Charles d’Anjou, comte de Provence, frère de St. Louis,  dut envoyer un homme de confiance pour constater les empiétements du pouvoir ecclésiastique sur ses droits. Il fit, alors, signer  à l’évêque Boniface  un acte qui reconnaissait sa suzeraineté sur la ville puis il put partir l’âme en paix pour l’Italie, n’oublions pas qu’il était roi des deux Sicile. Il va aussi fonder une sorte de gouvernement qui va inclurent les roturiers avant la naissance du consulat. Il va être à l’origine de l’apparition du Cominalat. Les deux personnages à la tête de la ville vont autoriser les Dignois à élire quatre cominaux (3 bourgeois et 1 noble) qui vont s’occuper de gérer les affaires courantes de la cité. Ils vont pouvoir agir alors que, jusque à présents, les  représentants du peuple ne pouvaient qu’émettre des souhaits. Ce régime devait durer 115 ans et fut remplacé par un Syndicat Permanent qui devait déboucher sur le Consulat.

Tout au long de son histoire, la cité connut une tension entre sa population et les Juifs, ils étaient nombreux et refusaient de payer certaines taxes qui les frappaient  en prétendant qu’ils s’acquittaient déjà d’un impôt annuel, très lourd au profit du suzerain de la ville, le comte de Provence. Les Dignois reprochaient, entre autres, aux Juifs de vendre leur viande dans les foires et marchés (il y avait deux marchés dont un couvert, créé en 1385. La ville avait aussi deux foires, une à la St. Julien et l’autre à la Toussaint ; 1385 vit aussi la création d’une troisième à la Fête Dieu), ils étaient aussi accusés de vouloir se mélanger aux Chrétiens notamment dans les bains publics.
A cette époque, le centre de Digne se trouvait à l’emplacement de la cathédrale  St. Jérôme. C’est là que se trouvait une tour, bâtie en 1412 (Gassendi nous dit que ce fut en 1414), que l’on peut voir encore de nos jours qui se trouve être le monument le plus ancien de la ville que nos yeux peuvent contempler. Elle s’élève donc près  de l’endroit où se trouvait le château de l’évêque, elle avait une horloge en son sein qui ne donna que l’heure dans un premier temps puis l’heure et les minutes. Digne a la particularité d’être une ville qui a deux cathédrales : Notre Dame du Bourg qui s’élève dans le vallon du Mardaric et qui selon la légende fut une fondation de Charlemagne, d’autres disent qu’elle daterait du 5° s. et qu’elle aurait disparue victime d’un incendie, celle que l’on peut voir est du XII° s. et St Jérôme. En 1490, constatant que la première était trop éloignée du centre ville, l’évêque Antoine Guiramand décida d’en faire construire une nouvelle en plein centre ville. Son édification demanda 10 ans, les travaux ne seront achevés qu’en 1500.
Cette ville était une plaque tournante entre la Provence, le Dauphiné et les états de Savoie, c’était donc une ville de commerce qui devait préserver ses richesses, ce qu’elle fit en s’entourant de remparts, c’est ainsi que nous savons grâce à des textes anciens que ses murailles, au XIII°s. avaient une longueur de 500 mètres et étaient flanquées de 15 tours.                                                                                                                                                                  
Une des nombreuses bizarreries de Digne était, protexionisme avant la lettre, que l’on ne pouvait y introduire du vin, seul un Dignois pouvait le faire, acte qui provoqua de nombreux conflits d’intérêt avec les villages voisins. Une autre en 1319 dont le roi Robert, comte de Provence, eut à s’occuper était que son représentant  avait interdit, sous peine d’amende, d’arroser la chaussée devant chez soi pour combattre la chaleur. Ce même roi Robert écrivit dans son testament que chaque ville de Provence devait, chaque jour, faire dire une messe pour le repos de son âme, Digne dut, comme les autres, s’exécuter.

C’est en 1413 que fut achevé un pont en pierre sur le Bléone, il en existait déjà un  qui tomba en ruines en 1356. Jusqu’à ce moment, le passage se faisait sur des planches. Puisqu’on parle de la Bléone, il faut dire que ce sont les Cordeliers qui percevaient un droit de passage pour le franchissement de cette rivière (ils avaient leur couvent là où se trouve maintenant le collège Maria Borrely) selon Gassendi, c’est St. François d’Assise qui l’aurait fondé lors d’un voyage qu’il fit en Haute  Provence.
Et en 1501, la Provence, avec Digne, fut rattachée au royaume de France, la ville devint, alors, une sénéchaussée.     

Jean-Paul Audibert

A consulter : « Digne-les-Bains, sur la route du temps » par Robert Niel, 2006.

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