Commissaire Laviolette : essai de biographie  
© Copyright 2013 J.P. Audibert
Le personnage fut crée en 1977 dans le train d’Evreux, entre Bueil et la gare de Paris-St.Lazare. C’était une idée de P. Magnan pour échapper à ce qu’il appelait le diktat du Nouveau Roman (« Elégie pour Laviolette-Préface ») et pour retrouver en pensées ses chères Basses-Alpes. C’est pour cela que la majeure partie de ses enquêtes vont se dérouler au centre du département, à Digne, à Sisteron. Sauf « Le tombeaux d’Hélios » qui se passe à Manosque et le dernier roman (« Elégie pour Laviolette ») qui a pour cadre le département des Hautes-Alpes. Pourquoi Digne ? Parce qu’il y a été muté par mesure disciplinaire pour avoir traité un homme politique de « tante Louise ». En fait, il est très heureux de se retrouver à ce poste ce qui le ramène dans son cher département. Digne est une ville chère à son cœur, même lorsque les hasards de la vie le font aller à Manosque ou en d’autres lieux, il emporte avec lui le siège des prévenus, par superstition, c’est celui où il a recueilli de nombreux aveux. Il l’aime tellement, cette ville, qu’il va acheter grâce à un héritage la villa « Popocatepetl » (« Le sang des Atrides »), lieu essentiel de ce premier roman policier.


N’ayant pas d’héritiers, il vendit cette villa à un prometteur immobilier qui se dépêcha de la démolir (illustration par P. Magnan de la quête incessante du profit à notre époque). L’âge venant, il vendit aussi celle qu’il possédait dans son village natal : Piegut. Il se retirera à Chauffayer (Hautes Alpes) où il s’occupera du troupeau de chèvres de Jolaine, la dernière femme qui ait compté pour lui mais qui périt dans un accident de voitures (« Elégie pour Laviolette »). Mais arrêtons de parler de sa fin de vie alors que j’ai à peine abordé l’apparition du personnage littéraire.
Son nom vient d’une personne que P. Magnan a bien connue : Marcel Clérissi qui possédait un restaurant à Aspremont (Alpes Maritimes), son pseudonyme dans la Résistance avait été : Laviolette. Les romans où il parait sont au nombre de 8 plus une nouvelle : « Mon ami Laviolette » de 1981, parue dans le journal « Le Monde », repris dans le livre « Ma Provence d’heureuse rencontre ». La mise en scène de ce personnage se verra primer dès sa première apparition  dans un roman : « Le sang des Atrides ». Le livre va obtenir le prix « Quai des Orfèvres » (1978). Son auteur aura le privilège de converser brièvement avec Raymond Barre lors de la cérémonie de la remise du prix. Un autre de ses livres recevra le prix du Rotary Club : « Les secrets de Laviolette. »  Mais, on va dire que ses romans policiers sont trop littéraires et trop policiers pour être littéraires (propos de Louis Nucera, directeur littéraire chez Lattès. P. Magnan, plus tard,  déclarera haut et fort avoir eu envi d’écrire autre chose que des « polars ». Lors d’une interview donnée à Jean-Claude Di Ruocco (Poète, écrivain, chroniqueur littéraire), il déclarera  « Je ne suis pas un maitre du roman noir…L’assassin  qui utiliserait ma manière de tuer se ferait prendre dans les cinq minutes qui suivent. » Son héros faillit s’appeler autrement, les éditeurs, les éditions « Fayard » trouvent que le nom était péjoratif : « ça ne leur parait pas sérieux ». (« Pour saluer Magnan », entretien de Flore Naudin et Pierre Chavagné). Son second roman policier portera un autre titre : « Le commissaire dans la truffière » alors qu’il aurait du s’intituler : « Laviolette dans la truffière ».
Jusqu’à présent sept des romans qui le mettent  en scène ont été porté sur le petit écran avec Victor Lanoux dans le rôle principal ;
2005-2006 – Les courriers de la mort. (2 épisodes)
2010 – Le sang des Atrides.
2011 – Le tombeau d’Hélios.
2012 – Le secret des Andrônes
2013 – Le commissaire dans la truffière.

2014 - Le parme convient à Laviolette.

2015 - Les charbonniers de la mort. (bien que le roman ait son grand père comme un des personneges principaux).

2016 - Les nouvelles enquêtes de Laviolette : "Le crime de César". C'est fini ! les oeuvres ne sont plus inspirées d'un livre de P. Magnan.

                                                                                                                                Maintenant, essayons d’examiner d’un peu plus près qui est le commissaire Laviolette. Il est né à Piégut, village au Nord de notre département.       
---- Piégut

Lorsqu’il était un petit garçon, il passait ses vacances à Manosque, (clin d’œil de l’auteur qui ne pouvait ignorer sa ville natale) chez sa grand-mère, la femme du brigadier de gendarmerie que l’on trouve, menant l’enquête dans « Les charbonniers de la mort ». Lui-même porte le même prénom que le fils de ce gendarme : Modeste. Dans le roman « Le tombeau d’Hélios », il est dit qu’il passa plus que ses vacances puisqu‘il fut élevé par elle, qu’elle l’envoya au lycée de cette ville. Ce qui lui permit, dans le même roman, de retrouver un camarade de classe qui est devenu notaire « maitre Chalgrin », il était déjà surnommé durant son enfance : « peau de chagrin ». On peut dire que le métier de policier est familial : le petit-fils est commissaire de police, le grand-père fut gendarme, notamment à Forcalquier, où on peut penser qu’il était le chef de la brigade (« Les charbonniers de la mort »). Son père dérogea à la tradition, il fut cheminot. Après avoir fait un apprentissage, en particulier du coté de Mane, sur de vieilles machines, possédant bien son métier, il conduisit des trains internationaux. Ce père, par la suite, se suicida, il se pendit, ce geste restera inexpliqué. Il ne laissera aucune lettre justificative.
On s’achemine vers la deuxième guerre mondiale où il jouera un rôle actif. Après avoir rejoint l’Angleterre en chaloupe, avec des marins bretons, il repassera en France et rejoindra la résistance. A la libération, il sera décoré (il ne portera jamais ses décorations) et entrera dans la police parce qu’il ne savait pas quoi faire, qu’il n’avait fait presqu’aucunes études et qu’il n’avait aucun diplôme.
Comment est-il physiquement ? Comme raconte une petite vielle, Hermerance, qui l’a connu tout jeune à Manosque, il était déjà à un âge tendre « un peu gros, un peu court sur pattes, les oreilles en paravent, les genoux en cerceau » (« Le tombeau d’Hélios »). De nos jours, c’est un homme massif, atteint d’embonpoint, aux yeux globuleux, qui aime la bonne chère, grand amateur de champagne « blanc de blanc », son plat préféré est les paupiettes à la financière et les grives. Il est le type même du Bas-Alpin qui est fort mais tassé sur lui-même, il ressemble plus à un homme du Neandertal  que du Cros-Magon. Mais, en fait, ce n’est pas un bon gros jovial, il est misanthrope, il n’aime personne, même pas lui-même. Il fume, il roule lui-même ses cigarettes sans l’aide d’une machine, ce qui le fait souffrir et souffler lorsqu’il fait un effort comme de courir ou de monter des escaliers, dans le roman « Le secret des Andrônes », le docteur Gagnon détecte chez lui de l’emphysème. Quant à son caractère, on peut constater que sous des dehors débonnaires, il cache toute une série de défauts ce qui le rend difficile à supporter, il est taciturne, tourné vers le désespoir presque pessimiste. Mais c’est aussi un rêveur ce qui se ressent au niveau de ses enquêtes où la plongée dans les différentes atmosphères à une importance considérable. Bien que P. Magnan lui fasse réussir toutes ses enquêtes, il se décrit comme un être très moyen, très banal. D’après un personnage du « Tombeau d’Hélios », il a une manière bien à lui de travailler : il laisse la routine aux gendarmes « Lui, c’est ce que tu as dans la tête qui l’intéresse …Il se branche avec toi…Il t’ausculte comme un docteur ». 

Sa carrière de commissaire va commencer à Gap et se terminera dans cette ville (« Elégie pour Laviolette »). Un homme politique lui fera miroiter le poste de commissaire divisionnaire mais il aime trop sa ville de Digne pour se retrouver en position d’en partir et de plus, il n’a pas l’échine assez souple pour se voir confier un poste qui demande beaucoup de diplomatie vis-à-vis du pouvoir en place. Lui qui a toujours été rigide dans ses actes de policier, dans le dernier roman qui le mit en scène ne se reconnait plus, depuis peu, il n’est plus l’être rigide qui voulait que justice soit faite. Il connait, maintenant, ce que veulent  dire les mots « comprendre une attitude ».     
En matière d’art, c’est un autodidacte. Il a une solide culture littéraire pour les œuvres classiques. Comme son créateur, Laviolette aime Marcel Proust et Paul Valery, en particulier chez ce dernier, le poème « le Cimetière marin ». Mais, on le tient pour imperméable aux arts plastiques sauf pour Bruegel l’Ancien, Branaissi (« Ma Provence d’heureuse rencontre- Mon ami Laviolette ») et un tableau dont on peut voir une copie au musée de Gap (le doute plane sur le mot « copie » ou « original ») : « La Poverella ». de Reno (1520). Il aime la musique mais en solitaire, il déteste les applaudissements de la fin d’un concert qui sont le signe du partage d’une joie qu’il voudrait garder pour lui. Il ne manque jamais les représentations des « Nuits de la citadelle » à Sisteron ce qui lui vaudra, lui étant sur place, de vivre une nouvelle aventure (« Le secret des Andrônes »).
Le personnage ne serait pas complètement campé si on ne parlait pas de sa voiture et de sa gouvernante. Il l’achetée en 1967 et elle devient vite une vieille voiture qui ne démarre qu’à l’aide d’une manivelle, c’est une vedette, vert pomme, avec laquelle il ne dépassait pas la vitesse phénoménale de 60 km/h.
---- On est en droit de penser que la production TV est atteinte de daltonisme.

Pour sa dernière enquête (« Elégie pour Laviolette »), il va utiliser une 2cv de couleurs cendres. Sa gouvernante, celle qui va être la femme de sa retraite en s’occupant de lui pour la vie quotidienne, s’appelle la Chabassut. Il l’avait rencontrée lors de sa première enquête à la villa Popocatépetl alors qu’elle était penchée sur un aspirateur. Il dira d’elle : « Cependant la seule que je voulusse pour m’accompagner dans la tombe, c’était la Chabassut…Elle descendit avant moi au tombeau. Je l'avais découverte un beau jour dans l'escalier de Popocatépetl, pliée en deux sur l'aspirateur encore en marche. ». (« Elégie pour Laviolette ») Elle avait 85 ans à l’époque de ce roman. Elle s’occupa de ses 14 chats, c’est un grand amateur de la race féline.
Maintenant abordons la fin de sa vie sentimentale. A 61 ans, il va tomber amoureux de Lemda (personnage tellement important pour P. Magnan qu’il a nommé son site de ce nom) qui avait une quarantaine d’années. (« Le Parme convient à Laviolette »). Il l’avait rencontrée à Lurs à l’occasion d’un récital dans l’église du village qui semble être un lieu prédestiné pour sa vie amoureuse. En effet, quand il était jeune, il y avait fait l’amour avec Marie, celle qui était amoureuse de Séraphin Monge. Puis Lemda l’a rejeté après 14 ans de bonheur, un soir, sur le boulevard Gassendi à Digne. Il alla se réfugier à Piégut, son village natal pour se lamenter sur son amour fini, à son âge, c’était le dernier. Mais en fait, dans la dernière enquête écrite par P. Magnan, il a une aventure avec Jolaine, personne qui est aussi solitaire que lui. Et là, on peut voir une incohérence, elle est entre le fait qu’il travaille encore dans « Elégie pour Laviolette » et ses 61 ans plus 14 ans de liaison  avec Lemda qui égale l’âge de la retraite. Depuis son chagrin d’amour, il faisait son âge, on ne lui disait plus « qu’il pétait la santé », son pardessus préféré était devenu trop long et trop ample, il se coiffait, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant, d’un chapeau noir qui faisait peur aux oiseaux.  Il avait confectionné une carte des Basses-Alpes parsemée de points rouges qui figuraient les endroits où ils s’étaient aimés.
Le roman « Les courriers de la mort » apporte une nouvelle invraisemblance au déroulement de la vie de Laviolette. Il se passe en 1968 alors que le commissaire a 60 ans et se trouve à la retraite. On peut en déduire qu’il serait né en 1908 alors que sa naissance est postérieure de 14 ans. Il est très difficile de suivre année par année la vie de notre héros. Mais peut-être, n’est-ce qu’une licence poétique ? N’oublions pas que Lavoilette est apparu en littérature par raison alimentaire, P. Magnan voulait écrire tout autre chose comme il a été dit plus haut.
Dans le roman « Elégie pour Laviolette », il est nommé à Gap, la boucle est bouclée, il commença dans cette ville et sa carrière prend fin au même endroit. Il va y retrouver celui qui est toujours présent de roman en roman : le juge (d’instruction) Chabrand dont on peut dire qu’il a une personnalité inversée à la sienne. Dans cette œuvre qui est le dernier roman policier de P. Magnan, il va faire de lui son héritier, il l’a toujours considéré comme son fils spirituel, eux qui n’ont pas d’enfants ; ce qui conforte ce que je disais quelques lignes plus haut, Chabrand est le double en négatif (terme de photographie argentique, mais est-il besoin de le préciser ?) du commissaire. Il va très vite périr dans un accident d’avion en revenant des Bermudes.
Force est de constater que les cimetières et leurs tombes sont des lieux qui hantent l’esprit de P. Magnan. Laviolette s’y retrouve souvent. Ce lieu a une symbolique très forte pour l’auteur, on peut penser qu’ils sont la représentation d’un monde qui n’existe plus.
En guise de conclusion, il faut voir que la prose de P. Magnan n’a pas  cette rigidité que  veut le canevas d’un roman policier, une poésie certaine s’en dégage. Elle n’a été présente que très rarement (peut-être chez J.C. Izzo,… un autre homme du Sud ?!), en fait, elle déteste le réalisme.

"On m'a accusé de trop de morts violentes. On a dit que je ne servais pas le pays qui m'a vu naître, mais que je m'en servais.
Crimes et commissaire Laviolette ne sont que prétexte pour saisir ou capter quelque soir ou quelque matin qui se couche ou qui se lève sur la pauvreté désolée de ces terres pathétiques. C'est la destinée de l'écrivain, tant bon que mauvais, que de forcer le lecteur à s'envelopper du monde qu'il aime pour échapper à la nuit de sa vie.
" Pierre Magnan

Jean-Paul Audibert : l'auteutr du site

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