Le Pont Roman de Mane:

Dès la préhistoire de grands axes de circulation traversent la Provence. Mais c'est la création de la via domitia qui va donner toute son envergure aux échanges militaires et commerciaux.

.L'Empire disparu et après les invasions barbares, un chemin de circulation va revivre au Moyen Age. Suivant peu ou prou la voie antique, il va conduire les pèlerins qui cheminent vers les lieux de dévotion. Sur ce trajet, à Mane, on trouve un pont moyenâgeux d'une élégance rare. 

Avec Ganagobie, le prieuré de Notre Dame de Salagon à Mane est un des plus beaux édifices religieux du Moyen-Age dans les Basses Alpes.

Notons qu'il s'agit d'un prieuré rural occupé le plus souvent par un seul religieux : un prieur.

Son ampleur étonnante s'explique sans doute par la richesse du terroir agricole issu de la fertile plaine de Mane. Mais ce prieuré était aussi au Moyen Age un point d'étape pour les pèlerins marchant vers les hauts lieux de la chrétienté. Aussi pour le desservir, il fut nécessaire de construire un pont sur la LAYE , à 400 mètres du monastère. On estime qu'il fut édifié à la même époque que lui, à la fin du XII ème siècle. Utile aux voyageurs, il permet aussi aux bénédictins de recevoir un droit de passage. Il présente toute l'élégance et les qualités du second âge roman.

Un pont est un ouvrage de maçonnerie (à l'époque qui nous intéresse) qui relie entre elle deux rives d'un cours d'eau. Il se compose de deux appuis (culée) sur les rives et d'un nombre variable d'appuis intermédiaires (piles). Des arches au profil courbe réunissent ces appuis.

A Mane, ces différents éléments d'architecture portent la marque du génie créateur roman. La rive droite de la LAYE est ici surélevée par rapport à la rive gauche.

L'ouvrage va donc se composer de trois arches dissymétriques (ou surbaissées) dont les ouvertures vont aller en se rétrécissant : 11 m .40, 7 m 90, 2 m . 80.

 

Son aspect devient de suite caractéristique : un dos d'âne surmonte l'arche la plus élevée, puis, une pente régulière (soutenue par les deux arches plus petites) traverse la rivière.

D'une longueur de 40 mètres et d'une largeur de 8 mètres , il est significatif de l'art roman haut provençal du Moyen Age. Ce pont présente, en effet, une juste proportion des ouvertures, une élégance de courbes et un appareillage soigné à joints fins. Les piles ont aussi toutes leur qualité : elles ont des avants et des arrières becs triangulaires qui les confortent et jouent un rôle de dévieurs de courant. Selon les spécialistes, c'est au 17 ème siècle que ces becs ont été rajoutés suite à une inondation.

Nous l'avons vu à propos du prieuré voisin de Carluc : la pierre est ici une marque de civilisation. Le calcaire tendre accroche la lumière et permet une taille d'une grande précision.

La maîtrise et le savoir faire des tailleurs de pierre donnent à ce pont et aux autres édifices romans de Haute Provence tout son caractère et sa noblesse. On pense à l'amour du travail quasi-mystique des bâtisseurs romans décrits par Fernand Pouillon dans son bel ouvrage « Les Pierres Sauvages ».

Le pont roman de Mane sur la Laye est contemporain du célèbre pont saint Bénezet à Avignon.

La fréquentation de l'endroit fut telle qu'un hospice fut d'ailleurs établi près du pont au XIV ème siècle.

Aujourd'hui encore la construction d'un pont continue à faire rêver : il en est ainsi de l'aérien viaduc de Millau qui relie les causses aveyronnaises. Au Moyen-Age, en Haute Provence, toute l'application des hommes était là.

 

 

Robert Sausse

 

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