La Roche Amère : ou Le Rocher de Volx

                                                                

La Roche Amère est un rocher qui se situe à l’est du Bois d’Asson, près de St.Maime, Dauphin  et un peu plus loin de Mane. On peut y voir une division climatique entre le Bassin de Forcalquier et la vallée de la Durance : le froid à sa sortie vers Mane et le chaud déjà présent à Volx, village qui se situe devant elle. Ce rocher doit son existence au Largue qui dans un lent travail d’érosion a creusé un défilé. Ce roc culmine à 584 mètres et sa superficie est d’à peu près 10 hectares. C’est un rocher calcaire qui était autrefois inclus dans la chaine du Luberon et que l’érosion due au cours d’eau du Largue en a détaché, créant au passage un défilé que les gens du cru nomment : « la Brèche ». Il constitue donc la fin orientale de cette chaine montagneuse.
Ce haut lieu de la Haute Provence possède trois caractéristiques ; ayant été un lieu d’habitat, on peut voir les restes d’un village moyenâgeux, un château dont les restes du donjon de forme presque pentagonale domine la région et, malheureusement, le troisième élément que l’on trouve est un furoncle qui le détruit petit à petit malgré sa richesse archéologique sa faune et sa flore, c’est, aussi étonnant que cela puisse être, une carrière qui existe depuis 1951. Puisque j’ai déjà fait mention d’une barrière climatique marquée par ce rocher, il faut ajouter que des scientifiques jugent que la disparition de 1 mètre cube de roches entrainent des dégâts sur le climat. Cette carrière appartient à la Ste « Carrières et Ballastières des Alpes », elle s’est énormément développée ces dernières années. A ses débuts, elle produisait de la pierre à chaux qui était amenée par chemin de fer jusqu’à l’usine de St. Auban. La voie ferrée ainsi que le tunnel percé sous

la colline étaient encore visibles dans les années soixante. Elle nuit gravement à la flore et à la faune. Un exemple symbolisant cette dangerosité en est donné par la disparition des derniers vautours européens, les spécialistes ont peur que l’espèce ne soit éteinte.
Ce site a été exploré par Pierre Martel qui a publié les résultats de ses observations dans un article paru dans sa revue « Alpes de Lumière » n°74/75 de 1981. Dans sa partie orientale, on constate la présence de nombreuses grottes qui ont toutes été occupées et nous ont laissé des débris provenant d’une haute antiquité, on y a découvert entre autres des ossements brisés, des tessons de poteries et une hache votive à rouelles en bronze. Il a toujours été occupé depuis les temps reculés de la préhistoire, fait certainement du à sa position stratégique.
Ce lieu est évoqué dans le roman d’Eugène Plauchut « Le Diamant de St. Maime ». Pour ce poète-pharmacien, la Roche Amère garderait en son sein une fée, la fée Maurète qui habitait une grotte. D’autres écrivains locaux l’ont évoquée, entre autre Berluc Perussis écrivant de Porchères ;
« Je ne puis ouvrir ma fenêtre
 « Sans que ton énigme à mes yeux   aux années du bronze final
 « Se dresse, insoluble peut-être.
 « …
 « Je rêve au mystérieux nom
 « Que porte ton pic légendaire :
 « Quel est donc ce deuil séculaire
 « Que voile un silence profond ? (cité dans la revue « Alpes de Lumières » ib).

D’après les quelques fouilles que « la carrière » a laissé faire (nous sommes en présence d’une propriété privée) les traces laissées montrent une occupation de plus de 4.000 ans  mais ce doit être à l’époque néolithique que le site a du commencer à être habité. Les quelques trouvailles qui y ont été faites se rapportent aux années du bronze final et du Moyen-âge.
Il semblerait que seul le Moyen-âge est laissé des traces de bâtiments construits en pierres, en l’occurrence un château-fort et un village ; du bronze final, nous n’avons que des fonds de cabanes. Ce château-fort a été construit par Guillaume-Bertrand de Forcalquier, au XI°s.  A l’emplacement du donjon médiéval, on a découvert (Pierre Martel dixit) des fragments de « dolia », de la céramique et des pièces en fer. Il sera détruit en 1145 lors des guerres entre le comte de Forcalquier et celui de Provence, Raymond Bérenger III, la seigneurie de La Rocha Amère faisant partie du comté de Forcalquier. Au Nord du château, on a retrouvé des dépotoirs anciens qui sont une mine de renseignements pour les archéologues ; il a même été vu, par un contremaitre de la « carrière » qui a été obligé de se taire par la suite, des sculptures représentant des têtes (fait rapporté par P. Martel). Outre le château et les ruines d’un village médiéval, on peut voir  aussi une chapelle qui était la propriété de l’abbaye de St. Gilles. Mais un cartulaire de 812 parle de quatre églises qui appartenaient à l’abbaye de Baulis (à Volx) dont une qui était dédiée à  St. Saturnin qui est dite être construite dans le castrum de la Roche Amère (c’est un cartulaire de St. Victor). Serait-ce cette chapelle ou une autre  église, aujourd’hui totalement disparue ? Cette chapelle que nous voyons de nos jours  a été restaurée il y a une quarantaine d’années. Elle est constituée de deux travées et d’une abside en partie romane, jadis on pouvait voir les restes d’une autre abside. Non loin d’elle, on a trouvé six tombes dont cinq que l’on peut penser être antérieures au XIV° siècle. On y imagine la présence d’un ermitage qui a été démoli en 1972. Tout cet ensemble figure sur la carte de Cassini.
Ce rocher est tellement abrupt, il fallait tellement d’efforts aux paysans pour atteindre leurs champs et regagner ensuite leurs demeures sur ce « perchoir » (terme employé par Raymond Collier) que le village situé en son sommet fut déplacé le 3 décembre1443 pour occuper l’emplacement qu’il a encore aujourd’hui : Villeneuve. L’installation se fit au lieu dit « Puychalvert » qui est aujourd’hui « la plaine ». Ce mouvement dut se faire avec l’accord des seigneurs du lieu qui, à ce moment là, étaient Jacques de Céreste et sa mère Angélique de Brancas. Cette famille resta seigneur de Villeneuve jusqu’à la révolution. La translation du village se fit devant un notaire, venu de Manosque, maitre Raybaud Vésian. Cet acte donnait des obligations aux habitants désireux de quitter ces lieux inhospitaliers.  Cet acte est reproduit dans « les Annales des Basses Alpes » tome 22 que l’on peut trouver sur le site internet de la Bibliothèque Nationale de France.
Maintenant il reste à émettre quelques hypothèses sur l’origine du nom « Roche Amère ». Il a été dit dans ces mêmes « Annales » mais au tome15 que ce nom viendrait d’une bataille  que les Romains, avec Marius à leur tête, auraient livrée aux Ambrons et aux Teutons. On a pu raconter aussi que ce lieu est connu depuis le Haut Moyen Age sous le nom de « Rocca Volcii » « Rocca do Baou » ou de « Rocca Amaritudinus ». On a aussi dit que le nom évoquait la pénibilité pour les habitants du village de l’atteindre ou d’en partir.

Toujours est-il que je ne sais pas si dans quelques années « la Roche Amère » existera toujours ou si elle aura disparu, transformée en granulats ou en gravier ?

-A lire : « Associations et Environnement en Haute Provence » de Pierre Martel, Alpes de Lumière 74/75.

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Jean-Paul Audibet, Rédacteur du site

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